Jupiter olympien, dont la vaste perruque achève l’imposante grandeur ». M. Henry Roujon y voit, au contraire, une «image obsédante, j’allais dire
fétide, du despote ennuyé, pituiteux, rongé de malaises, dont cette gale de Saint-Simon s’amusait à compter les purges ». M. Henri de Régnier s’inspire, dans une de ses nouvelles, de ce profil « orgueilleux et sénile,
au nez hautain, à la lèvre pendante en lippe ». M. André Pératé le décrit « vivant à tel point qu’on a l’impression de la chair jaune, exsangue, la moustache et la barbe rasées laissant leur trace, le nez à l’aile teintée de rouge, les lèvres pâles, l’inférieure avançant, l’œil d’émail, à prunelle gris-verdâtre, luisant sous la peau plissée des paupières, où sont plantés des cils. Les sourcils sont peints. Une perruque de cheveux gris — ne fut-elle pas réellement portée ? — un col de dentelle et un ruban de soie bleue se détachent sur un pan de velours rouge » 1. L’œuvre est précieuse, surtout comme un monument d’un art fragile entre tous et qui n’a presque rien laissé en France de ses travaux du xvne et du xvme siècle.
Le caractère réaliste de la cire se retrouve, avec les différences nécessaires, dans le bronze de Benoist qui représente le roi au même âge, puisqu’il porte, sur la section du cou, la signature en relief : A. Benoist fecit. ad vivum. 1105. Le travail des cheveux témoigne, comme on peut s’en rendre compte par la gravure qui reproduit ce médaillon, d’une minutie et d’une recherche de vérité extraordinaires. La façon de modeler la chair, où sont marqués jusqu’aux accidents de la peau, atteste la perfection du travail de la cire perdue. Les deux portraits étant à peu près de même date, les cires ont pu être exécutées ensemble ; celle qui fut sacrifiée pour le bronze n’était pas de qualité inférieure à celle que l’artiste a conservée 2.
On voit quel intérêt présentera, désormais, la réunion de ces deux ouvrages, pour la connaissance des procédés de l’artiste et l’appréciation de son talent. Il s’augmente de l’acquisition faite, il y a quelques années, par le musée, d’un dessin d’Antoine Benoist, exécuté évidemment d’après
1. Les portraits de Louis XIV au Musée de Versailles (Bulletin de la Société des Sciences morales de Seine-et-Oise, année 1896). Cf. la très rare brochure de Soulié : Louis XIV, médaillon en cire par Antoine Benoist, Versailles, 1856.
2. Le bronze de Benoist appartenait à Eug. Kræmer. Il passa presque inaperçu dans sa deuxième vente de mai 1913 et fut acheté par M. Imbert-Gavarry, expert. Celui-ci voulut bien rétrocéder généreusement son acquisition au Musée de Versailles, qui doit lui en être reconnaissant.