cherché ni les hommes ni les honneurs. Tandis que ses contemporains s’agitent, tandis que Pradier, médiocre et cupide, remplit le siècle du
bruit de ses sollicitations importunes, tandis que Préault, génie inquiet et stérile, demi grand homme avorté dans les nouvelles à la main, improvise des colosses qui font rêver Michelet une minute et fabrique des « mots de la fin » plus durables que ses statues, Barye se tait et, fils d’une génération qui s’est lâchée dans un énorme bavardage théorique, il ne songe qu’à observer. Il n’est pas l’ami des gens de lettres, comme David d’Angers,
médailleur des célébrités romantiques. Il reste à l’écart des manifestes et des batailles et, si son œuvre a profité des grandes leçons de son temps, du moins ne porte-t-elle pas ces traces superficielles et indélébiles des vogues esthétiques, si commodes pour l’historien, si funestes à l’art. Elle est de tous les temps. Le domaine dans lequel le maitre a, de préférence,
exercé son génie semble l’avoir aidé à se dégager ainsi des circonstances et du moment. Mieux et plus rigoureusement que tout autre statuaire de son siècle, cet animalier fut un maître de la forme en mouvement. Les très simples allégories humaines qu’il fixa dans la pierre contiennent un
minimum d’intentions philosophiques ou d’idées générales. Elles sont pleines de sens, de force et de clarté. C’est dans l’étude et l’admiration de la nature, non dans le chaos des complications psychologiques ou dans le drame des passions, qu’il a cherché l’occasion de son art. Par là, il est pur de tout alliage, les résultats auxquels il aboutit n’ont rien d’ambigu, il demeure un grand exemple pour les sculpteurs de ce temps.
Nous pouvons le comprendre mieux que jamais, en étudiant au Louvre quelques-unes de ses maquettes, dues à la générosité d’un donateur anonyme et groupées avec goût dans un espace un peu restreint. Si les bronzes de la collection Thomy Thiéry et du legs Chauchard nous avaient déjà présenté de son œuvre un aspect étincelant et robuste, ils ne suffisaient pas à nous faire connaître toute son ampleur, ils ne nous permettaient pas non plus de bien connaître tous les secrets de sa pensée et de sa technique. Malgré leur petit nombre, les groupes de la salle nouvelle composent un ensemble éloquent, quoique un peu tassé. Du grand Lion de 1832 au Napoléon d’Ajaccio, Barye se présente avec largeur et variété. Les quatre statues décoratives associées à l’architecture du palais, les hauts reliefs du guichet du Pont des Saints-Pères sont ici présents, bien visibles et