dessins, par exemple dans le joli génie entre deux lions, on retrouve un indéniable souvenir de ce style dont Mantegna fut un des créateurs et le plus brillant représentant, et qui, à l’époque où nos manuscrits ont été exécutés, jouissait d’une immense faveur, principalement dans l’Italie du Nord.
Que ce style imité de l’antique domine dans des représentations mythologiques et dans des pages mettant en scène Jules César et un empereur romain, rien que de très naturel ; mais ce qui est plus curieux,
c’est que ce même caractère antique reparaît dans les dessins du Monstrelet de Rochechouart, alors que ces dessins sont consacrés à des événements du xve siècle, et, par conséquent, encore relativement très récents.
Cette tendance de l’artiste a amené des transformations vraiment amusantes dans l’aspect qu il donne à des personnages appartenant à des générations fort voisines delà sienne. Ainsi, pour n’en citer qu’un exemple, un des dessins du tome III, représente la prise sur les Anglais, en 1449 ou 1450, par le sire de Lautrec et le bâtard de Foix, d’un château fort aux environs de Bayonne 1. Au milieu du tableau, on voit bien des canons de
siège ; mais, des deux côtés, apparaissent les capitaines des troupes qui opèrent pour le compte de la France, et ces capitaines du temps de Charles VII sont exactement accoutrés comme les Romains qui combattent dans notre Histoire de César de YEthiquette des temps.
Il est une page où l’artiste a pu, cette fois plus légitimement, donner carrière à son goût pour l’antiquité : c’est un dessin figurant l’entrée à Rome du roi de Naples, Ladislas ou Lancelot d’Anjou-Durazzo 2. Belle occasion de faire intervenir des monuments romains ! L’artiste n’a pas manqué de la saisir, introduisant dans son cadre la pyramide de Caïus Sestius et la façade du Panthéon, toutes deux indiquées d’une façon relativement exacte et qui semble dénoter une connaissance réelle des aspects de la Ville Éternelle. On peut d’ailleurs les rapprocher de la petite silhouette du château Saint-Ange, si juste dans ses proportions, qui apparaît à l’arrière-plan, tout à fait sur la droite, dans le tableau de VHistoire de Jules César de l’Ethiquette des temps.
1. Tome III du Monstrelet, ms. français 20362, fol. 48. 2. Tome i du Monstrelet, ms. français 20360, fol. 238.