paffe chez les étrangers, a féparé les deux Ordres Latins ; fçavoir, le Tofcan 8c le Compofite, d’avec les trois Ordres Grecs, qui font le Do
rique , l’ionique 8c le Corinthien ; n’y ayant que trois maniérés de bâtir, la foiide, la moyenne & la délicate, qui font parfaitement exprimées en ces trois Ordres. Il n’eft plus néceflaire d’en admettre d’autres, qui étant étrangers à leur égard, femblent en quelque façon d’une autre efpéce, 8c que les Anciens n’ont jamais mêlés enfemble.
Le Tofcan ne fert qu’aux maifons de campagne : fa groflîéreté l’a banni des Villes, des Temples 8c des Palais : 8c le Compofite étant pris des autres Ordres, 8c n’ayant ni mefures, ni principes, ni propriétés par
ticulières, ne doit pas faire un Ordre féparé. Scamoi a remarqué ju
dicieufement, que le chapiteau Compofite, par lequel feul cet Ordre diffère du Corinthien , eft d’une compofition plus maflive 8c moins élé
gante , & que c’eft faire porter le fort par le foible, que de le mettre
fur le Corinthien. Il femble même que cet Ordre eft la caufe de toute la confufion qui s’eft introduite dans l’Architeélure, parce que bien loin de fuivre les Régies de l’Ordre Romain, on s’eft emporté à des nouveautés que l’art défapprouve.
Que fi quelqu’un vouloir prendre la liberté d’inventer une pratique nouvelle contre les principes de l’Architecture antique , il doit fçavoir qu’en cette occafion il a befôin de toute fa prudence pour en faire dé
couvrir aifément la raifon, & il doit penfer à la retenue des Anciens, qui fe font contentés de changer le chapiteau, dont ils ont fait cent compofitions propres à de certains fujets, hors defquels il n’eft pas maintenant permis de s’en fervir. On doit toujours mettre cet Ordre feul, à l’exem
ple de ce fameux Arc de Triomphe que le Sénat érigea à Titus Vefpafien>
après la prife de Jérufalem : 8c Sebajlien Serlio, ainfi que Philibert de Lorme, fe font trompés en nous donnant un deflein tiré du Colifée pour modèle de l’Ordre Compofite, puifque ce font deux Corinthiens, fuivanc la remarque de Scamo7y7[i.
Il n’y a donc que les trois Ordres fuivans, qui renferment en eux toute la beauté 8c tout le néceffaire de l Architecture.
Le Dorique nous repréfentant la folidité, eft employé dans les grands édifices, comme aux Portes de Villes aux Places publiques, au-dehors
des Temples, 8c à de femblables lieux, où la délicateffe des ornemens eft inutile 8c peu convenable. Il fervit, au rapport de Vitruve, au fuperbe Temple que Dorus, fon premier inventeur, fit bâtir dans Argos à la Déeffé Junon, 8c ce fut à celui qu’on éleva dans Délos, au Dieu Apollon, qu’on mit les premiers triglifes, pour repréfenter la Lire, dont ce Dieu avoit été l’inventeur.
Les colonnes de cet Ordre ont cela de remarquable, qu’on les voie fans bafes dans les plus beaux ouvrages de l’Antiquité; comme au Théâ
tre de Marcellus à Rome, au Théâtre de Vicence, 8c dans un Arc de Triomphe qui eft à Verone. Et Vitruve ayant traité de cet Ordre plus exactement que d’aucun autre, ne parle point de fa bafe, quoiqu’il ait décrit allez au long les mefures de bionique, 8c de l’Attique pour le Corinthien , n’ayant pas même oublié celles du Tofcan. Cet Auteur, au premier chapitre de fon quatrième Livre, en dit une raifon à l’oecafion de