Pour connoicre aifement la hauteur de toute la colonne par celle de l’entablement j il faut faire une multiplication conforme à la proportion qu’il doit avoir avec la colonne, fuivant l’Ordre qu’il repréfente. S’il efl d’un quart, comme dans le Dorique, il le faut multiplier par quatre : & fi c’eft d’un cinquième, comme nous verrons en quelques exemples Corinthiens , il le faut multiplier par cinq, 8c le total fera juftement la hauteur de la colonne, ou bien le profil ne fera pas régulier.
L’Ordre Ionique fut inventé par les Ioniens, qui ayant confidéré que la figure d’un homme robulte avoit été le modèle fur lequel les Doriens avoient formé leur Ordre, choifirent une proportion plus élégante, plus belle 8c moins folide. Cet Ordre Ionique dégénéra bientôt, on vit naître l’Ordre Cariatide, dans lequel on repréfenta des femmes, dont la délicateffe ne répondoit point à la péfanteur du poids dont on les chargeoit. Ce premier défaut a donné lieu à toutes les extravagances dont les Gots
ont gâté cet art, 8c nos Eglifes furent remplies de certains mutules figurés fervans de confoles foutenus par des figures chimériques, ou bien on y admit des figures d’Anges ou de Saints portant des entablemens, contre l’intention de i’Hilloire, comme nous le verrons dans la fuite.
L’Ordre Corinthien prit fa nailîànce à Corinthe, Ville de la Grece. Nous dirons dans la fuite comment Callimachus inventa fon chapiteau, 8c nous verrons les raifons que le Pere Vïllalpand a avancées, contre l’au
torité de Vitruve, qui nous en rapporte l’Hiftoire. Cet Ordre effc d’une compofition plus délicate que tous les autres, 8c on le peut enrichir de beaucoup d’ornemens, quand on l’employe dans les Arcs de Triomphe, Palais des Rois, Bafiliques, Thermes 8c autres lieux, où la magnificence doit paroître.
Toute la différence qui fe trouve en ces différens Ordres confifte en la proportion de leurs parties 8c en la figure de leurs chapiteaux : car les ornemens particulière qn’nn leur donnp,comme les triglifes au Dorique,
les denticules à l’ionique, 8c les modillons au Corinthien ne font pas d’une nécefiité indifpenfable ; les Anciens les ont ôtés félon l’occafion , ou en ont inventé de nouveaux, principalement dans l’Ordre Corinthien ;
car dans le Dorique il ne faut feulement que fes proportions fimples ; fa folidité répugne aux ornemens délicats : 8c dans l’ionique, qui tient le milieu entre les deux Ordres précédens, il faut que l’Architeéle réglé fon génie fur la qualité du bâtiment.
Nous avons déjà dit qu’il falloit divifer en peu de parties les principaux membres des Ordres, 8c qu’on leur devoit donner un grand relief, afin que l’œil en fût plus vivement touché. Une corniche paroîtra tou
jours fiere 8c grande, quand la doucine du couronnement, le larmier, les modillons,ou les denticules auront beaucoup de grandeur & beaucoup de faillie, 8c qu’on n’y remarquera pas cette confufion ordinaire de quarts de rond, de liteaux, d’aftragales, 8c d’autres petites parties, qui n’ont aucun bon effet dans les grands ouvrages, 8c qui altèrent les principaux mem
bres. On examinera dans la fuite de ce Recueil, en quoi chaque maître a fait confiller la beauté : car les uns ont eftimé riche 8c délicat, ce que les autres ont nommé petit 8c confus : 8c ce qui nous femble de grande maniéré, ceux-là le trouvent grofîîer 8c lourd : ce qui pourroit être vrai,