cot et les impressions à légendes larmoyantes qui eurent tant de succès de 1846 à 1860 prépa
raient la venue des services à fleurettes qui sévissent encore de nos jours dans les milieux les plus cultivés. A peine depuis quelque temps le bon sens commence-t-il à avoir raison de ces platitudes; sur dix tables, neuf services montrent encore l’ignorance de l’harmonie nécessaire entre la destination et la forme, entre la forme et le décor.
Ce mépris du style et de la logique surprend
d’autant plus qu’il n’est point irraisonné; il est voulu. Bien plus, ceux à qui on le reproche n’hésitent pas à en affirmer la nécessité.
Entrez chez un grand fabricant; visitez ses magasins, arrêtez-vous devant l’objet qui repré
sente le mieux la négation de toute méthode rationnelle. Questionnez le fabricant.
— «Monsieur, répondra-t-il, j’ai dans mes usines un atelier où s’étudient les formes nou
velles. Pour obéir aux caprices de la mode et aux exigences des clients, cet atelier doit pro
G. DE FEURE(MODÈLE DE L’ART NOUVEAU BING)
duire chaque année plusieurs centaines de modèles inédits, obtenus par toutes les combi
naisons du cercle et de l’ellipse. Dans le même temps, mes « artistes » doivent imaginer un
nombre au moins égal de compositions florales variées à l’infini : guirlandes, gerbes, bouquets, etc., etc.
« Pour combiner ces deux éléments, — la forme et le décor, — nous avons d’autres artistes, des gens de goût, qui se livrent à un véritable travail de modistes. Ils prennent, par
exemple, une assiette, « tâtent » l’endroit où le bouquet « fera bien », essayent l’ajustement d’une guirlande, accrochent ici un ruban, là une gerbe, et complètent le tout par d’habiles semis de feuillage. »
— «Très bien! Si j’ai bonne mémoire, l’administration sans-culotte de Sèvres, en 1793, complétait de la sorte des services Louis XVI par une décoration inspirée de la guillotine et du bonnet phrygien. C’est fort ingénieux sans doute, mais la logique?... »