Cliché Larcher.
THEATRE ANTOINE. — LA TERRE. — Acte III
guère. Il apporte une lettre pour Biaise : la mère de celui-ci, une vieille paysanne qui habite à quelques lieues de là, est à l’article de la mort. Biaise propose de ne partir que le lende
main. Marthe refuse, n’osant le retenir, et voilà la maison sans défense, habitée par deux femmes affolées d’une vague terreur, et un enfant endormi, dans l’inconscience de son âge. Cepen
dant André Marex est arrivé à Vitré. Après souper, il échange avec sa femme Marthe, quelques propos par le téléphone, ainsi qu’il a été convenu. Celle-ci lui dit ses terreurs. Il s’ef
force de la rassurer. Elle a entendu des pas dans le jardin, et la maison est si loin de tout secours. André commence à s’inquiéter : « Prends le revolver, — dit-il — il est chargé, une détonation suffira pour éloigner les rodeurs... » Le revol
ver, elle ne le retrouve pas. Il aura sans doute été volé par le vagabond qui a apporté la lettre. André commence à se troubler. Il entend, par le téléphone, les cris de terreur de sa
femme, puis des bruits étranges, ceux d’une lutte ; il pâlit, il s’angoisse ! Nul doute, des assassins ont pénétré dans la maison, et, impuissant à secourir ceux qu’il aime, il assiste à distance à leur supplice. La situation est effroyable, elle vous saisit aux entrailles, et se développe par phrases tronquées qui se heurtent dans l’interruption d’un silence de mort. Antoine, qui jouait André Marex, a été remarquable dans ce rôle, dont il a rendu avec réalité, les affres et les désespoirs entrecoupés, jusqu’à la folie.
Emile Bergerat a fourni son contingent au répertoire du Théâtre Antoine, avec une humoristique comédie en trois actes,
le Capitaine Blomet, — dont nous reproduisons ici quelques situations scéniques — ce capitaine Blomet fut le mari d’une jolie femme qui le rendit heureux... comme « le plus heureux des trois». Celle-ci étant partie pour un monde meilleur, le capitaine eut une surprise plutôt fâcheuse : il trouva une correspondance amoureuse, très en ordre, étiquetée et numérotée, tenue à jour et à nuit, la belle ayant fait le bonheur de tout le corps d’offi
ciers, y compris l’intendance, le train des équipages et le service administratif. Après avoir lu cette correspondance suggestive,
le capitaine se dit, en doux philosophe, qu’il n’y a pas à se livrer à une indignation aussi superflue que posthume, puisqu’il a subi le sort commun et inévitable, mais qu’il est nécessaire, dans l’intérêt de la morale et par compensation, de planter une balle entre les deux sourcils des heureux coquins de jadis qu’il viendra à rencontrer dans la vie, ou, s’ils sont mariés, de leur faire subir la peine du talion. Le premier auquel le hasard l’adresse, est un ancien ami de régiment, Adrien de Mandane, qui... avec Madame Blomet... tout comme les camarades... Or, Mandane est marié à une femme charmante, la jolie Micheline.
Et Blomet qui tire le pistolet comme feu Saint-Georges — pas le marquis, non, le mulâtre — lui laisse le choix ou de recevoir une balle au front, ou de se voir planter, au même endroit, l’ornement que portait si bien George Dandin. Il faudra, bon gré, mal gré, en passer par l’un des termes de ce dilemme fâcheux. Mais Miche
line, la fine Micheline, par un marivaudage héroïque, amène notre Blomet à ses pieds, sans brèche d’honneur, battu, classique,
et content comme chez Molière, pardonnant à Adrien, d’avoir braconné sur une terre où il y eut, d’ailleurs, tant d’autres chasseurs. Ce petit conte grivois finement conté par un homme d’esprit, et habillé aux modes de 185o, ce qui l’a rajeuni, en le vieil
En suivant Tordre chronologique de ce répertoire, ce qui est à tout prendre, je crois, la manière la plus logique d’en passer la revue, nous trouvons après le Capitaine Blomet, le drame
curieux et bien découpé, que MM. Raoul de Saint-Arroman et Ch. Hugot ont extrait de la Terre, un des romans les plus puissants mais non les meilleurs du cycle Zola. Procédant comme les cuisinières qui épluchent de la romaine, ils ont ôté les feuilles vertes, pour ne conserver que le cœur bien jauni, soit
LA TROUILLE (Mme Marley)
BÉCU
(M. Matrat)
JÉSUS-CHRIST (M. Degeorge)
LENGAIGNE (M. Saverne)
LISE
(Mlle Fleury)
FRANÇOISE
(Mlle Becker)
Décor de M. Amable.
THEATRE ANTOINE. — LA TERRE. — Acte III
guère. Il apporte une lettre pour Biaise : la mère de celui-ci, une vieille paysanne qui habite à quelques lieues de là, est à l’article de la mort. Biaise propose de ne partir que le lende
main. Marthe refuse, n’osant le retenir, et voilà la maison sans défense, habitée par deux femmes affolées d’une vague terreur, et un enfant endormi, dans l’inconscience de son âge. Cepen
dant André Marex est arrivé à Vitré. Après souper, il échange avec sa femme Marthe, quelques propos par le téléphone, ainsi qu’il a été convenu. Celle-ci lui dit ses terreurs. Il s’ef
force de la rassurer. Elle a entendu des pas dans le jardin, et la maison est si loin de tout secours. André commence à s’inquiéter : « Prends le revolver, — dit-il — il est chargé, une détonation suffira pour éloigner les rodeurs... » Le revol
ver, elle ne le retrouve pas. Il aura sans doute été volé par le vagabond qui a apporté la lettre. André commence à se troubler. Il entend, par le téléphone, les cris de terreur de sa
femme, puis des bruits étranges, ceux d’une lutte ; il pâlit, il s’angoisse ! Nul doute, des assassins ont pénétré dans la maison, et, impuissant à secourir ceux qu’il aime, il assiste à distance à leur supplice. La situation est effroyable, elle vous saisit aux entrailles, et se développe par phrases tronquées qui se heurtent dans l’interruption d’un silence de mort. Antoine, qui jouait André Marex, a été remarquable dans ce rôle, dont il a rendu avec réalité, les affres et les désespoirs entrecoupés, jusqu’à la folie.
Emile Bergerat a fourni son contingent au répertoire du Théâtre Antoine, avec une humoristique comédie en trois actes,
le Capitaine Blomet, — dont nous reproduisons ici quelques situations scéniques — ce capitaine Blomet fut le mari d’une jolie femme qui le rendit heureux... comme « le plus heureux des trois». Celle-ci étant partie pour un monde meilleur, le capitaine eut une surprise plutôt fâcheuse : il trouva une correspondance amoureuse, très en ordre, étiquetée et numérotée, tenue à jour et à nuit, la belle ayant fait le bonheur de tout le corps d’offi
ciers, y compris l’intendance, le train des équipages et le service administratif. Après avoir lu cette correspondance suggestive,
le capitaine se dit, en doux philosophe, qu’il n’y a pas à se livrer à une indignation aussi superflue que posthume, puisqu’il a subi le sort commun et inévitable, mais qu’il est nécessaire, dans l’intérêt de la morale et par compensation, de planter une balle entre les deux sourcils des heureux coquins de jadis qu’il viendra à rencontrer dans la vie, ou, s’ils sont mariés, de leur faire subir la peine du talion. Le premier auquel le hasard l’adresse, est un ancien ami de régiment, Adrien de Mandane, qui... avec Madame Blomet... tout comme les camarades... Or, Mandane est marié à une femme charmante, la jolie Micheline.
Et Blomet qui tire le pistolet comme feu Saint-Georges — pas le marquis, non, le mulâtre — lui laisse le choix ou de recevoir une balle au front, ou de se voir planter, au même endroit, l’ornement que portait si bien George Dandin. Il faudra, bon gré, mal gré, en passer par l’un des termes de ce dilemme fâcheux. Mais Miche
line, la fine Micheline, par un marivaudage héroïque, amène notre Blomet à ses pieds, sans brèche d’honneur, battu, classique,
et content comme chez Molière, pardonnant à Adrien, d’avoir braconné sur une terre où il y eut, d’ailleurs, tant d’autres chasseurs. Ce petit conte grivois finement conté par un homme d’esprit, et habillé aux modes de 185o, ce qui l’a rajeuni, en le vieil
lissant, a fort réussi, grâce à Dumény plein d’humour, d’entrain et de bonhomie dans ce capitaine rageur et bon enfant, qu’il avait supérieurement grimé.
En suivant Tordre chronologique de ce répertoire, ce qui est à tout prendre, je crois, la manière la plus logique d’en passer la revue, nous trouvons après le Capitaine Blomet, le drame
curieux et bien découpé, que MM. Raoul de Saint-Arroman et Ch. Hugot ont extrait de la Terre, un des romans les plus puissants mais non les meilleurs du cycle Zola. Procédant comme les cuisinières qui épluchent de la romaine, ils ont ôté les feuilles vertes, pour ne conserver que le cœur bien jauni, soit
LA TROUILLE (Mme Marley)
BÉCU
(M. Matrat)
JÉSUS-CHRIST (M. Degeorge)
LENGAIGNE (M. Saverne)
LISE
(Mlle Fleury)
FRANÇOISE
(Mlle Becker)
Décor de M. Amable.