voici l’été qui lire à sa fin, — si toutefois on peut appeler été, l’étrange saison poivre et sel, dont
nous avons joui depuis cinq mois, — aussi les théâtres commencent à rouvrir leurs portes. C’est de tradition annuelle que, du 15 sep
tembre au 1er octobre, la vie théâtrale reprenne son cours. Le 10 du mois prochain au plus
tard, il n’y aura plus de portes fermées. Reste à savoir si, par surprise, ainsi que cela arrive parfois, la chaleur tardive ne viendra pas contrarier les combinaisons des impresarii.
Cette année, comme tous les ans, les théâtres de drame ont persisté à rester ouverts pendant la saison d’été; la Porte-Saint- Martin a vécu avec des reprises de mélodrames, d’abord Pail
lasse, d’Adolphe d Ennery, ensuite Marie-Jeanne, du même. Il semble que le répertoire du célèbre dramaturge soit destiné, à pré
sent,à faire l’intérim de l’été. C’est,à tout prendre, un renouveau pour le vieux classique du boulevard du Temple, fort démodé au
jourd’hui. On nous annonce maintenant, pour l’inauguration de la saison, au même théâtre, la reprise d’un répertoire tout autre, mais non moins fatigué, qui offre plus de ressource par sa mise en scène, celle de la Maison du Baigneur, d’Auguste Maquet, avec Coquelin dans le rôle de Pontis, créé autrefois par Dumaine.
L’Ambigu, lui, a passé son été avec la Fleuriste des Halles, de M. Henri Demesse. Le succès du drame n’avait pas été éclatant; toutefois, avec un régime d économie sévère, il y a des mai
sons prudentes où l’on sait vivre de peu. Depuis quelques jours, le Drame de la rue Murillo, de MM. Gaston Marot et Alévy, a pris l’affiche et commencé la saison nouvelle.
Pendant cet été, comme d’usage, les théâtres subventionnés restèrent ouverts, du moins l’Opéra et la Comédie-Française. — L’Opéra-Comique et l’Odéon ont droit à la fermeture de trois mois, aux termes de leur cahier des charges, ils ont l’habitude de ne pas lutter contre le soleil, et ils ont fermé leurs portes vers la fin de juin, pour rouvrir le 1er octobre. — L’Opéra et la Comédie ont vécu sur leur répertoire. Des deux parts, celui-ci est un garde-manger assez bien garni pour pouvoir fournir une nour
riture abondante. A la Comédie, on a remis à la scène le Passé, de mon ami Georges de Porto-Riche, ce qui est déjà une indication du changement de saison, et de la reprise d’activité théâtrale. Le Passé, œuvre distinguée, de grande finesse, d’une
psychologie aiguisée, d’une humanité délicate, n’était guère fait pour le public de passage des mois d’été, public un peu spécial tait de provinciaux et d’étrangers qui ne l’eût guère compris. Il me paraît que cette remise est même prématurée, car le public
parisien ne réintègre guère la ruche avant le 15 octobre ; il est vrai que la pièce est d’assez vigoureuse complexion pour gagner l’hiver, et se maintenir encore sur l’affiche, d’autant mieux que la distribution n’a pas varié, et que c’est toujours, plus que jamais, Mademoiselle Brandès qui joue le rôle complexe de Dominique Brienne, dont elle a fait une création maîtresse.
Et maintenant, passons la revue rapide des théâtres qui ont rouvert leurs portes à ce jour, « entr’ouvert » dirions-nous plutôt,
car ça n’est encore que « peloter en attendant partie... », comme disent les Basques, grands joueurs de tamis.
Je procède donc par ordre chronologique :
Aux Bouffes-Parisiens, je trouve — avec une direction nouvelle, tout au moins une direction replâtrée — Madame la Pré
sidente, opérette assez amusante, qui nous vient du Casino d’Enghien, après en avoir traversé le lac. Celle-ci est fondue au moule usuel, mais elle a une originalité plaisante qui consiste à
avoir remplacé le Roi Bobèche de l’opérette réglementaire, par un Président de République,et la Reine coutumière, par Madame la Présidente. Ça n’est pas désagréable, assez joyeux à voir, accompagné d’une partition de Diet, très soignée, trop soignée peut-être, car elle a parfois des aspirations quasi savantes qui dépassent les conceptions de l’opérette. L’interprétation est aimable.
Au Vaudeville, un petit acte nouveau, le Marchand de pastèques, signé Pierre Elzéar et Oscar Jaëggly, un incident de divorce transplanté en terre arabe. Porel paraît ne pas détester ces digressions dans l’exotisme. Le succès du Chérubin et son Chat, lui a prouvé d’ailleurs que le public ne détestait pas ces petites manifestations pittoresques, dont la mise en scène et les costumes donnent une distraction de la comédie moderne tou
jours un peu la même, quel que soit l’art du décorateur et du couturier renfermé dans des limites trop étroites.
La pièce arabe, agréable lever de rideau, était suivie de la reprise de l Age ingrat, trois actes de Pailleron qui ont déjà leur quart de siècle, et qui le portent gravé sur l’épaule. L’esprit de la pièce — et incontestablement elle en a beaucoup — a paru vieillot, l’intrigue ténue et médiocre, c’est déjà du « Scribe », du « Scribe » mieux écrit, mais moins agencé. Puis l’idée mère a paru banale, pour avoir été si souvent traitée depuis Pailleron. Chemin faisant, elle a perdu toute originalité. L’ « âge ingrat »
c’est cette période indécise, ce tournant fâcheux de la vie, où l’homme encore jeune n’est cependant plus un jeune homme, et où il se demande si l’heure de « dételer » n a pas sonné. C’est l’époque de transition où « notre petit nom devient plus jeune que nous »,où l’épigastre s’arrondit alors que d’indiscrets cheveux blancs se faufilent aux tempes, bref, c’est la « crise » mascu
line, l’âge critique masculin... mais que souvent cela nous fut conté, et qu’il faudrait, pour rajeunir le fond, une ingéniosité de forme qui faisait défaut à l’auteur ; autrefois, le succès de la pièce,
lors de sa création au Gymnase, fut dans le second acte qui avait alors ragoût d’imprévu et d’audace. Il se perpétrait dans un milieu rastaquouère, sorte de verger des «fruits défendus », avec un va-et-vient fiévreux, un tohu-bohu étrange, auquel présidait une certaine comtesse Julia Wacker, une personne atteinte de la folie la plus aiguë... Celte fois encore, l’acte n’a pas déplu, mais il a paru simple, presque naïf, nous avons assisté depuis vingtcinq ans à tant de folies et d’excentricités, que celles-ci ont paru jeu d’enfants.
L Age ingrat fournira d ailleurs au Théâtre du Vaudeville un spectacle curieux pour ses abonnements, ne fût-ce qu’à titre d’échantillon d’un art démodé aujourd’hui, mais qui eut sa raison d’être autrefois.
Le rôle de la comtesse Julia Wacker, créé en 1898 par Made
moiselle Tessandier, a été repris par Marcelle Lender, qui le
nous avons joui depuis cinq mois, — aussi les théâtres commencent à rouvrir leurs portes. C’est de tradition annuelle que, du 15 sep
tembre au 1er octobre, la vie théâtrale reprenne son cours. Le 10 du mois prochain au plus
tard, il n’y aura plus de portes fermées. Reste à savoir si, par surprise, ainsi que cela arrive parfois, la chaleur tardive ne viendra pas contrarier les combinaisons des impresarii.
Cette année, comme tous les ans, les théâtres de drame ont persisté à rester ouverts pendant la saison d’été; la Porte-Saint- Martin a vécu avec des reprises de mélodrames, d’abord Pail
lasse, d’Adolphe d Ennery, ensuite Marie-Jeanne, du même. Il semble que le répertoire du célèbre dramaturge soit destiné, à pré
sent,à faire l’intérim de l’été. C’est,à tout prendre, un renouveau pour le vieux classique du boulevard du Temple, fort démodé au
jourd’hui. On nous annonce maintenant, pour l’inauguration de la saison, au même théâtre, la reprise d’un répertoire tout autre, mais non moins fatigué, qui offre plus de ressource par sa mise en scène, celle de la Maison du Baigneur, d’Auguste Maquet, avec Coquelin dans le rôle de Pontis, créé autrefois par Dumaine.
L’Ambigu, lui, a passé son été avec la Fleuriste des Halles, de M. Henri Demesse. Le succès du drame n’avait pas été éclatant; toutefois, avec un régime d économie sévère, il y a des mai
sons prudentes où l’on sait vivre de peu. Depuis quelques jours, le Drame de la rue Murillo, de MM. Gaston Marot et Alévy, a pris l’affiche et commencé la saison nouvelle.
Pendant cet été, comme d’usage, les théâtres subventionnés restèrent ouverts, du moins l’Opéra et la Comédie-Française. — L’Opéra-Comique et l’Odéon ont droit à la fermeture de trois mois, aux termes de leur cahier des charges, ils ont l’habitude de ne pas lutter contre le soleil, et ils ont fermé leurs portes vers la fin de juin, pour rouvrir le 1er octobre. — L’Opéra et la Comédie ont vécu sur leur répertoire. Des deux parts, celui-ci est un garde-manger assez bien garni pour pouvoir fournir une nour
riture abondante. A la Comédie, on a remis à la scène le Passé, de mon ami Georges de Porto-Riche, ce qui est déjà une indication du changement de saison, et de la reprise d’activité théâtrale. Le Passé, œuvre distinguée, de grande finesse, d’une
psychologie aiguisée, d’une humanité délicate, n’était guère fait pour le public de passage des mois d’été, public un peu spécial tait de provinciaux et d’étrangers qui ne l’eût guère compris. Il me paraît que cette remise est même prématurée, car le public
parisien ne réintègre guère la ruche avant le 15 octobre ; il est vrai que la pièce est d’assez vigoureuse complexion pour gagner l’hiver, et se maintenir encore sur l’affiche, d’autant mieux que la distribution n’a pas varié, et que c’est toujours, plus que jamais, Mademoiselle Brandès qui joue le rôle complexe de Dominique Brienne, dont elle a fait une création maîtresse.
Et maintenant, passons la revue rapide des théâtres qui ont rouvert leurs portes à ce jour, « entr’ouvert » dirions-nous plutôt,
car ça n’est encore que « peloter en attendant partie... », comme disent les Basques, grands joueurs de tamis.
Je procède donc par ordre chronologique :
Aux Bouffes-Parisiens, je trouve — avec une direction nouvelle, tout au moins une direction replâtrée — Madame la Pré
sidente, opérette assez amusante, qui nous vient du Casino d’Enghien, après en avoir traversé le lac. Celle-ci est fondue au moule usuel, mais elle a une originalité plaisante qui consiste à
avoir remplacé le Roi Bobèche de l’opérette réglementaire, par un Président de République,et la Reine coutumière, par Madame la Présidente. Ça n’est pas désagréable, assez joyeux à voir, accompagné d’une partition de Diet, très soignée, trop soignée peut-être, car elle a parfois des aspirations quasi savantes qui dépassent les conceptions de l’opérette. L’interprétation est aimable.
Au Vaudeville, un petit acte nouveau, le Marchand de pastèques, signé Pierre Elzéar et Oscar Jaëggly, un incident de divorce transplanté en terre arabe. Porel paraît ne pas détester ces digressions dans l’exotisme. Le succès du Chérubin et son Chat, lui a prouvé d’ailleurs que le public ne détestait pas ces petites manifestations pittoresques, dont la mise en scène et les costumes donnent une distraction de la comédie moderne tou
jours un peu la même, quel que soit l’art du décorateur et du couturier renfermé dans des limites trop étroites.
La pièce arabe, agréable lever de rideau, était suivie de la reprise de l Age ingrat, trois actes de Pailleron qui ont déjà leur quart de siècle, et qui le portent gravé sur l’épaule. L’esprit de la pièce — et incontestablement elle en a beaucoup — a paru vieillot, l’intrigue ténue et médiocre, c’est déjà du « Scribe », du « Scribe » mieux écrit, mais moins agencé. Puis l’idée mère a paru banale, pour avoir été si souvent traitée depuis Pailleron. Chemin faisant, elle a perdu toute originalité. L’ « âge ingrat »
c’est cette période indécise, ce tournant fâcheux de la vie, où l’homme encore jeune n’est cependant plus un jeune homme, et où il se demande si l’heure de « dételer » n a pas sonné. C’est l’époque de transition où « notre petit nom devient plus jeune que nous »,où l’épigastre s’arrondit alors que d’indiscrets cheveux blancs se faufilent aux tempes, bref, c’est la « crise » mascu
line, l’âge critique masculin... mais que souvent cela nous fut conté, et qu’il faudrait, pour rajeunir le fond, une ingéniosité de forme qui faisait défaut à l’auteur ; autrefois, le succès de la pièce,
lors de sa création au Gymnase, fut dans le second acte qui avait alors ragoût d’imprévu et d’audace. Il se perpétrait dans un milieu rastaquouère, sorte de verger des «fruits défendus », avec un va-et-vient fiévreux, un tohu-bohu étrange, auquel présidait une certaine comtesse Julia Wacker, une personne atteinte de la folie la plus aiguë... Celte fois encore, l’acte n’a pas déplu, mais il a paru simple, presque naïf, nous avons assisté depuis vingtcinq ans à tant de folies et d’excentricités, que celles-ci ont paru jeu d’enfants.
L Age ingrat fournira d ailleurs au Théâtre du Vaudeville un spectacle curieux pour ses abonnements, ne fût-ce qu’à titre d’échantillon d’un art démodé aujourd’hui, mais qui eut sa raison d’être autrefois.
Le rôle de la comtesse Julia Wacker, créé en 1898 par Made
moiselle Tessandier, a été repris par Marcelle Lender, qui le