celle-ci s’y est enfermée avec Clairault pendant des heures, sans doute pour résoudre quelque problème d’astronomie galante, et s’écrie, d’une voix railleuse et désolée, en s’adressant au complai
sant marquis du Châtelet : « Mon ami, elle nous trompe ! ! » On nous donne aussi le spectacle suggestif d’une de ces séances de lanterne magique, dans lesquelles excellait le philosophe, qui la
M-ise DU CHATELET
(M-lle Marcilly)
VOLTAIRE
(M. Gémier)
M-is DU CHATELET
(M. Coste)
SAINT-LAMBERT (M. Ravel)
ODÉON. — LA DIVINE ÉMILIE. — Acte II
Photo P. Boyer.
M-me DE CHAMPBONIN
(M-lle Kesly)
termine en projetant un rayon lumineux sur le groupe amoureux que Clairault et la belle avaient formé, se fiant à l’obscurité qui les cachait à tous les regards.
Sur une bouffée d’orgueil mal satisfait, dans un moment de jalousie, notre philosophe se retire auprès du grand Frédéric, le « Salomon du Nord », le seul qui sache le comprendre et lui
rendre justice. Il lâche l’ingrate patrie, sur le ciel de laquelle se profile sans cesse l’ombre inquiétante d’une lettre de cachet,
billet d’aller, sans retour, pour la Bastille. Mais, après deux ans de séjour à la cour tudesque, il s’aperçoit que mieux valait entendre de loin, que de près, la flûte du Roi mélomane. De loin,
tous les accords en étaient harmonieux, de près, il y a trop de fausses notes. Puis, notre Voltaire a la nostalgie des cheveux blonds de la divine Émilie. Il rentre donc au gîte de Cirey, vieilli, cassé, ennuyé, chagrin. Il y retrouve la belle, plus séduisante encore, avec son époux toujours conciliant et endormi. O bonheur ! Clairault, évincé, a disparu. Mais il n’y a pas de joie parfaite, pas de bonheur sans mélange, Clairault n’est plus là, il
est vrai, seulement Saint-Lambert a pris sa place dans le cœur de la divine Emilie, et c’est l’effigie du poète que recèle le médail
lon de son bracelet: « Ah! quel ennui de n’être jamais seul! » murmure Voltaire, à l’oreille du marquis du Châtelet, qui lui prodigue d’affectueuses consolations.
Cette comédie épisodique est habilement faite, on y trouve, çà et là, des paillons de Voltaire pieusement recueillis et habi
lement cousus, des scènes d’un détail amusant et pittoresque, des caractères dessinés avec une ingéniosité adroite, et une tendance à la caricature, qui en fait plutôt des pochades ressem
blantes, que de solennelles peintures d’histoire. Gémier est curieux en Voltaire. Il accentue volontiers les côtés simiesques du personnage. Il est vrai que l’auteur de la Henriade fut un grimacier étonnant. Fréron le traitait de «vieux singe », Houdon nous a transmis, de son admirable ciseau, son masque de vieille femme, et Alfred de Musset croyait à son « hideux sourire ». — Madame Marcilly est une « divine Emilie », élégante, aimable,
qui a la candeur effrontée et l’esprit raffiné du personnage. — Coste a l’indifférence calme, la discrétion et le sang-froid à toute épreuve du marquis du Châtelet, ce modèle des maris, pour femme légère.
Voici donc la saison théâtrale terminée, on a fermé sur toute