93 réunis. Il fallait, eut-on le toupet d’écrire, prendre le tout ensemble, à forfait et d’une seule bouchée, comme les singes mangent des noix, avec la coquille, sans prendre la peine d’éplucher. C’est en vertu de cette théorie qu’il fut convenu que le drame de Thermidor, simple page d’histoire enluminée, n’étant pas l’exal
tation de Robespierre, était oeuvre de réaction, et qu’à ce titre il ne pouvait figurer sur l’affiche d’un Théâtre National et subven
tionné. On ne se donna même pas la peine de réfléchir que cette réaction — si réaction il y avait — se faisait avec Danton, qui n’est pas quantité révolutionnaire négligeable !... Dame, comme on voulait tuer le chien, on l’accusa de la rage !
Thermidor, exilé, « par ordre », de la Comédie, fit un plongeon de plusieurs années et reparut sur la scène de la Porte
Saint-Martin le 3 mars 1896. Il y a un poète latin qui dit que « les drames ont leur destinée ». Il semble bien que la destinée de Thermidor ait été d’être représenté au Boulevard, puisque
c’est pour le Boulevard qu’il avait été conçu à son origine, et qu’après l’escale de la Comédie-Française, c’est là, en effet, qu’il vint faire sa carrière, conduit par le pilote Coquelin, qui, lui aussi, dans l’intervalle, avait quitté la rue de Richelieu, pour le boulevard Saint-Martin.
Quant au pauvre Marais, il semble que l’accident de Thermidor lui ait coûté la vie. Écœuré de la situation qui lui était faite au Théâtre - Français, où il gagnait des appointements de pensionnaire, plus que modestes, — après avoir abandonné la grosse situation qu’il avait au Gymnase, où il se faisait 40,000 francs
Photo P. Boyer.
LABUSSIÈRE (M. Coquelin)
MARTIAL HUGON
(M. Marais)
THERMIDOR, DE V. SARDOU, A LA COMÉDIE-FRANÇAISE. — Acte III. — La scène des dossiers
par an, pour l’éventualité du sociétariat promis, mais qui ne venait guère, — il s’en était allé, perdu de dettes, malade de chagrin, et, par un soir sinistre, pris d’un accès de fièvre chaude, il se précipita par la fenêtre, comme, autrefois, le chanteur Adolphe Nourrit.
En revenant au théâtre qui était celui de sa vocation originelle, le drame de Sardou, qui avait subi quelques restrictions, en vue de la Comédie, reprit sa première forme, incomparable
ment la meilleure, parce que sa contexture est ainsi, plus com
plète. Entre le tableau dit des « dossiers » et celui de « l’appel des condamnés », à la Conciergerie, l’auteur intercala l’étonnant tableau de mise en scène, la. « séance de la Convention », qui se racontait seulement à la Comédie, et fut représenté, en nature, à la Porte-Saint-Martin. Immense tableau-horloge, d’une intensité extraordinaire, qui ressuscita, à nos yeux, la fameuse
scène parlementaire du « 9 thermidor », où se présentèrent, dans une fantasmagorie vivante, les figures étranges et singulières de la lugubre épopée.
Le dénouement, lui aussi, a changé d’aspect en changeant de cadre. Au Boulevard, Martial ne fut plus tué et Fabienne ne mou
rut plus sous le couteau de la guillotine. L’auteur voulut supposer que Fabienne Lecoulteux fut de la « dernière charrette » chargée de bétail humain, le 9 thermidor, pour être conduite à la boucherie, place du « Trône renversé », et que cette char
rette n’arriva pas à sa lugubre destination. Chemin faisant, elle fut arrêtée par une sorte d’émeute populaire que suscita Mar
tial avec l’aide de Labussière, et Fabienne sauvée de la mort avec ses compagnons d’infortune, au moment même où la Convention arrêta le cours des effroyables exécutions sommaires.
Certains ont reproché à l’auteur, en procédant ainsi, d’avoir