21° ANNÉE. — N° 1018.3 DÉCEMBRE 1892.


LA NATURE




REVUE DES SCIENCES


ET DE LEURS APPLICATIONS AUX ARTS ET A L’INDUSTRIE


L’EXPLORATION DES HAUTES RÉGIONS


DE L’ATMOSPHÈRE
On a beaucoup parlé, dans ces derniers temps, du projet de M. Capazza consistant à faire monter aussi haut que possible un ballonnet muni d’instruments
enregistreurs que l’on chargerait de sonder les régions supérieures de l’atmosphère, et de nous rapporter des données météorologiques du plus haut intérêt. La communication faite par M. Capazza à l’Acadé
mie des sciences a eu pour effet immédiat de hâter la publication d un projet semblable déjà très étudié
Fig. 1. — Thermographe léger, destiné à mesurer la température des hautes régions de l’atmosphère.
Fig. 2. — Disposition du barographe dans sa cage parachoc
en osier et bambou.
et préparé de longue main par le commandant Renard, directeur de l’établissement d’aérostation militaire de Chalais-Meudon. Ce n’est point pour revendiquer la priorité de cette idée que l’éminent ingénieur a communiqué à l’Académie et à la Société française de physique les détails de son projet. Cette idée très naturelle a dù venir à tous les météorologistes et à beaucoup d’aéronautes ; il s’agissait, pour le commandant Renard, d’exposer les difficultés du problème, et de laire partager à des hommes compé
tents l’espoir que donnent les calculs basés sur
une connaissance approfondie du sujet. A première vue, il ne paraît pas beaucoup plus difficile d’éle
ver un ballon à 20 kilomètres qu’à 15, ou à 25 (pi à 20; en réalité, la plus basse de ces limites est facile à atteindre ; la seconde est difficile, la troisième, quasi impossible à moins d une énorme dépense.
Les avantages du ballon non monté sont considé
rables. Tout d’abord, plusieurs ascensions, dont la dernière fut l’héroïque et malheureuse expédition du Zénith dont M. Gaston Tissandier resta le seul sur
vivant, ont montré que l’homme ne dépasse pas sans danger 8000 ou 8500 mètres et qu’à partir de 7500 déjà, les conditions de température et de raré
faction de l’air sont si mauvaises que les observations doivent nécessairement s’en ressentir. Ces inconvénients n’existent pas pour les instruments enregistreurs ; et, puisqu’il s’agit non seulement d’une dif
ficulté à vaincre une fois, mais d’un système d’ob
servations suivies à créer, la question pécuniaire intervient et impose au poids mort de l’ensemble une limite que des budgets ne permettent pas de dépasser. 11 faut remarquer aussi que lorsqu’on expose des vies humaines, on doit le faire avec le moins de risques possibles, et adopter, pour l’aérostat, un coeflicient de sécurité très élevé. S il ne