Cliché Boyer.
LOUIS XVI
(M. Arquillière)
MADAME ÉLISABETH
(M-lle Marcya)
THEATRE SARAH-BERNHARDT. — THÉROIGNE DE MÉRICOURT. — Acte II
la Comédie-Française. Parlons-en donc un peu, puisque ces tablettes de quinzaine doivent être, en quelque sorte, l’historique du théâtre, et que, par suite, il ne nous est permis de rien négliger. Disons d’abord, que, pour cette année, les résultats d’exploitation de la Comédie-Française ont donné un chiffre satisfaisant, au regard des années précédentes: la part entière du sociétaire (douze douzièmes) est de ig,ooo francs, ce qui est une somme relativement élevée et comme on n avait plus coutume d’en connaître.
Vers lafin de décembre, le Comité s’est réuni, comme d’usage, pour statuer sur les demandes des sociétaires sollicitant une augmentation de part, et les demandes des pensionnaires ambi
tionnant d’être élevés au sociétariat. On a procédé avec une sage économie, ce qui est prudence, les temps sont durs, et on n’a accordé queles augmentationsinévitables. Puis, il n’a éténommé que deux sociétaires à trois douzièmes, ce qui équivaut à quart de part. Les nouveaux sociétaires nommés sont, du côté mascu
lin, M. Dehelly ; du côté féminin, Mademoiselle Marie Leconte. Ces deux nominations seront approuvées par tout le monde.
Dehelly est un artiste utile ; il appartient à la Comédie depuis une dizaine d’années, et y a rendu des services. Il y est un rouage précieux pour le répertoire, où il tient l’emploi des Ier et 2e amoureux, et y est presque seul à le tenir. C’est un des piliers classiques de la maison.
Quant à Marie Leconte, c’est une exquise comédienne qui n’a eu que des succès, et dont le talent très sûr, les qualités char
mantes, sont à leur place dans tous les répertoires. Son entrée chez Molière date de 1897; elle a débuté dans la Vie de Bohème,
où elle fut une Mimi touchante, de sensibilité vraie, de passion sincère; sa jolie voix chaude et modulée, s’adap
tant merveilleusementàl’acoustique de la salle de la rue de Ri
chelieu. Elle fut tour à tour, et toujours avec un grand succès per
sonnel, la jeune mère de Mar
tyre, Desdémone d Otello, délie de la Coupe enchantée. Son talent sou
ple et sa fine nature lui permet
tent une grande diversité de ré
pertoire, ainsi elle a joué avec un e gal succès lerôledelasœur, dans Frou-frou, et celui de Li
sette,lasoubrette délurée du Jeu de l’Amour et du Hasard, etceuxcisetiennent aux deux pôles opposés. Mademoiselle Marie Le
conte occupe une place importante
à la Comédie, et sa nomination aura été un acte de bonne administration.
Mesdames Thérèse Kolb et Bertiny, dont les demandes ont été sympathiquement examinées, ont été ajournées à plus tard; espérons que ce plus tard ne sera pas les... calendes grecques.
Il convient maintenant, pour finir, de parler du « cas » de Mademoiselle Marthe Brandès. La chronique s’en est trop occupée pour que nous le passions sous silence. Voici donc le « cas » : Mademoiselle Brandès est sociétaire à six douzièmes et elle a dit, non sans raison : « Je viens, par mes dernières créa
tions, dans l Enigme et dans le Passé, de m’affirmer comme une des premières de la Maison, donc je ne vois pas pourquoi je n’aurais pas la part entière, comme Mesdames X, Y et Z? » A quoi le Comité a répondu : « Nous voudrions bien vous donner la part entière, mais c’est impossible, le décret de Moscou s’y oppose, et nenous permet d’accroître les parts qu’annuellement, et d’un seuldouzièmeàlafois. » — Vous remarquerez que le décret de Moscou donne réponse à tout. On l’invoque à volonté, pour ou
contre, le vénérable décret — voilà donc où en sont les choses. Mais Mademoiselle Brandès a ajouté un corollaire à sa réclamation : «Si vous ne pouvez me donner les douze douzièmes que je réclame, rendez-moi ma liberté, et, si vous ne me la rendez pas, je saurai bien la prendre... » A quoi on lui objecte encore le fameux décret, qui enchaîne cette liberté, qu’elle réclame, et on
la menace des foudres de la Comédie qui iront la chercher partout où elle sera. Hélas ! les foudres de la Comédie me paraissent aussi inoffensives, aussi éventées que celles du Jupi
ter étonnant et tonnant d Or
phée aux Enfers, et cela depuis l’aventure Coquelin. Il ne sau
rait y avoir deux poids et deux mesures, et Coquelin lui-même n’est pas au-dessusdes lois.Tout s’enchaîne donc, en ce monde. Le jour où le Minis
tre a absous ledit Coquelin et lui a donné raison au mépris d’un jugement du tri
bunal, et d’un arrêt de la Cour d’appel, il me paraît qu’il a rompu le pacte,
et s’est désarmé lui-même, pour l’avenir.
Quoi qu’il en soit,àcetteheure le Ministre est saisi de la ques
tion. Comment sera-t-elle réso
lue, etqu’adviendra-t-il de tout ceci ?
Nous vous le dirons quand nous le saurons nous-même, et ce sera probablement la prochaine fois.


FÉLIX




DUQUESNEL.