LA SAISON DE L’OPÉRETTE


sieur de La Palisse, la Petite Bohème, les Dragons de l’Impératrice et l’Age d’Or.
Ainsi qu’on peut le voir par la nomenclature ci-dessus, tous les maitres les plus illustres de l’ancienne opérette onufiguré au programme, avec un ou plusieurs de leurs plus grands succès. Il est certain que cette revue du genre pouvait être intéressante, surtout si on avait pris le temps d approfondir davantage, et si les distributions avaient été meilleures ; mais cela sentait le travail hâtif, et bien souvent, faute de grives, on dut se contenter de merles.
C’est Offenbach qui a ouvert le feu du répertoire, avec une de ses plus brillantes opérettes, Barbe-Bleue, dont le succès a été très grand, grâce à Baron, d’un comique étonnant, dans le person
nage du roi Bobèche, et à Eve Lavallière, exquise de comique, dans le petit bout de rôle de la Princesse. A eux deux, ils déplacèrent tellement les effets, que le personnage de Barbe-Bleue passa au second plan, alors que Bobèche et la Princesse s’emparaient du premier. — Du même, après Barbe-Bleue, ce fut la


reprise de la Vie Parisienne,


plutôt vaudeville à couplets qu’opérette. Celle-ci, très bien jouée par Albert Brasseur qui reprit les rôles multiples créés jadis par son père, ce qui ame
na le dialogue suivant entre un
vieux Monsieur, spectateur de l’orchestre, qui, sans doute, avait vu la première représen
tation, celle de 1866, et son voisin de stalle : « Comme ce Brasseur est étonnant de jeu
nesse ! dit-il. — Mais il est tout jeune ! a répliqué le voisin d’orchestre.— Quelle plaisanterie ! il est très vieux, puisqu’il a créé le rôle en 1866...
— Brasseur père !... — Eh bien? — Eh bien, celui-ci c’est Brasseur fils... Albert Brasseur. — Vous êtes sûr ?
— Parfaitement ! — On s’y tromperait, la ressemblance est frappante!... » Le vieux Monsieur avait raison, la ressemblance est frappante.
Hervé, le père de l’opérette, ne figure au programme que pour une reprise de l’Œil crevé, qui n’eut qu’une courte série. Certes, la partition est excellente, c’est un chefd’œuvre dans l’art burlesque, mais la pièce est de bouffonnerie par trop surannée.
Lecocq a eu la reprise à demi heureuse desesdeuxplus grands succès, la Fille de Madame Angot et le Petit Duc, qui eurent de belles
BOISSELOT
En cette saison théâtrale, on a tenté, sur la scène des Variétés, la résurrection de l’opérette. « Résurrection » n’est peut-être pas le mot exact, car en réalité le genre de l’opérette n’est pas mort ; seulement on a voulu expérimenter s’il pouvait suffire, « à lui tout seul », pour alimenter un grand théâtre. Le résultat n’a pas
été satisfaisant, et il semble que l’opérette qui peut se jouer, de loin en loin, de temps à autre, n’a pas une vitalité suffisante pour former, d’une manière continue, un répertoire théâtral.
Maintenant, pour être juste, il faut se demander si l’expérience faite, l’a été dans de bonnes conditions, et si le système dit de « l alternance » ne lui fut pas très préjudiciable? On sait en quoi consiste ce procédé, qui est de ne pas jouer, tous les soirs, la même pièce, tant « qu’elle fait de l argent », comme c’est la coutume usuelle, mais de changer l’affiche, tous les deux ou trois jours, en y inscrivant un autre spectacle, « pour varier », ce qui déroute le public, en interrompant, mal à propos, la continuité d’un succès. Ce système pos
sible dans certains théâtres, où il y a des habitudes prises de longue date, et un réper
toire consacré, comme à la Comédie-Française, à l’Opéra et à l’Opéra-Comique, est dé
testable partout ailleurs ; le
directeur des Variétés a pu le constater... trop tard.
-En tout cas, accomplie en ces conditions, son exploita
tion de l’année 1904-1905, a été tellement médiocre, qu’il a décidé de faire vapeur ar
rière, et de revenir, pour la saison prochaine, aux anciens usages de son théâtre, c’està-dire de reprendre le réper
toire varié d’autrefois, qui comprenait la comédie gaie, la revue et aussi l’opérette mais à son tour, et non pas « exclusivement », comme on l’a jouée cette année.
Le travail accompli pendantcette saison, au boulevard Montmartre, a été vertigi
neux. Pourdonnersatisfaction a des engagements pris vis-à- vis d’un public d’abonnés, on a dû mettre les bouchées doubles, on a monté pièces sur pièces, et, en huit mois, on a remis à la scène, six opérettesreprises : Barbe-Bleue, la Fille
de Madame Angot, le Petit Duc, la Vie Parisienne, l Œil crevé et Miss Helyett, plus quatre opérettes nouvelles, quatre ouvrages inédits: Mon


AU THÉATRE DES VARIÉTÉS


LES DRAGONS DE L’IMPÉRATRICE, OPÉRA-COMIQUE EN TROIS ACTES, DE MM. GEORGES DL VAL
ET ALBERT VANLOO, musique d’ANDRÉ MESSAGER
L’AGE D’OR, PIÈCE FÉERIQUE A GRAND SPECTACLE, EN TROIS ACTES ET DOUZE TABLEAUX, DE MM. GEORGES FEYDEAU et MAURICE DESVALIÈRES, musique de M. LOUIS VARNEY