Photo Reutlinger.
m-lle marthe brandès, du Théâtre de la Renaissance


THÉATRE DE LA RENAISSANSE




L’Escalade


Comédie en quatre actes et cinq tableaux de M. MAURICE DONNAY
L
a nouvelle pièce de Maurice Donnay, dont Made
moiselle Marthe Brandès et Lucien Guitry sont les princi
paux protagonistes, est une comédie psychologique. J’en
tends par là que, sous une grâce légère, sous les agréments d’un esprit étincelant, l’Escalade entr’- ouvre des profondeurs singu
lières et prolonge la gaieté, l’émotion, le trouble, le plaisir, en des méditations suggestives à propos de l’amour, de la pas


sion, en un mot, de la vie. Aussi cette œuvre plaira-t-elle d’abord


aux plus distingués parmi les admirateurs de Maurice Donnay.
Dans la clientèle de chaque artiste, il est des fidèles de différentes catégories et de culture
inégale : c’est l’élite qui s’affirme à soi-même sa supériorité et se classe, pour ainsi dire, dans une aristocratie intellectuelle en accordant ses suffrages à une étude subtile qui continue d’ob
séder l’esprit du spectateur, sorti de sa loge ou de son fauteuil, et se retrouvant seul au sortir du théâtre, en face du problème dont le dramaturge l’a saisi.
On rencontre rarement un tel souci chez les maîtres de la scène contemporaine. Alexandre Dumas fils considérait une représentation comme une lutte engagée entre le public et l’au
Photo Numa Blanc fils (Monte-Carlo).
Mlle JULIETTE DARCOURT
teur et où celui-ci pouvait se tenir pour victorieux s’il avait, durant trois heures d’horloge,
imposé sa maîtrise à des invités momentanément conquis. Ce système implique toujours un peu de supercherie ; il est, en somme, assez modeste. Un véritable artiste peut employer les ressources de son art à une tâche
plus ambitieuse. Et c’est pour cela que Maurice Donnay ne se borne pas à nous séduire infini
ment, mais nous plaît encore par sa belle bravoure devant l’idée, sa belle et ardente franchise qui ne recule jamais devant une au
dace et parmi des rires et des larmes, touche le fond de l’humanité.
Le problème posé par l’Escalade est éternel : c’est le conflit du sentiment et de la raison.
De tout temps, les sages ont entrepris de resserrer les forces déchaînées de la nature en des lois strictes, d’imposer à celleci des règles positives qui assi
gnent aux révolutions du cœur des causes que le jugement ne réprouve point. Tâche périlleuse et ingrate! « L’amour est enfant de Bohème », chante à l’Opéra- Comique une demoiselle qui fait ainsi de la psychologie, comme M. Jourdain faisait de la prose


sans le savoir. Mais la sagesse des philosophes modernes se