Photo Mathieu-Deroche.
UNE RÉPÉTITION DE NOTRE JEUNESSE A LA COMÉDIE-FRANÇAISE
M. LK LOIR
(rôle de B riant père)


Décor de M. Amable. LA QUINZAINE THEATRALE


Voici Alfred Capus à la Comédie-Française. Sa venue n’y fut pas sans causer quelque curiosité.
Quelle sorte de pièce va-t-il nous donner? se demandait-on. Les malins ont répondu : Pa
rions pour une pièce aimable. Capus est un spécialiste du genre, il est d’éclectisme bon enfant, et pratique l’optimisme dramatique, avec lui, tout s’arrange... au dénouement. C’était d ailleurs le procédé de ce pauvre Scribe, tant vilipendé par ceux qui le volent et le dépouillent.
Cette fois, Capus s’attaque, après beaucoup d’.autres, à la uestion des enfants naturels, et s’efforce, après Alex. Dumas, de ous apitoyer sur leur sort. Le sujet n’est pas bien nouveau, et je doute que Notre Jeunesse, qui n’est pas une des meilleures pièces de l’auteur, parvienne à le rajeunir, malgré son succès incontestable, mais qui me paraît dû surtout à l’interprétation.
Je ne veux donner ici que le postulat très rapide de cette pièce, dont, un jour ou l’autre, vous trouverez ici une analyse détaillée : l’usinier Lucien Briant, un timide, qui subit la domi
nation impérieuse de son père, vieillard méfiant, volontaire, sorte de tyran domestique devant qui tout plie, Lucien Briant, dis-je,
a une fille naturelle née d’une aventure du temps jadis, au quartier Latin. Cette fille, il l’ignore, ou peu s’en faut. Il y a longtemps qu’il a perdu de vue la mère et l’enfant. Depuis quelque dix ans, il s’est marié à une femme charmante, Hélène Briant, qui s’ennuie à périr dans les délices de la ville de Besançon, et s’y ennuie d’autant plus qu’elle est seule dans la vie, entre son mari et son beau-père, deux personnages d’une gaieté au-dessous du médiocre, sans enfant, et sans espoir d’en avoir jamais! « Si j’avais eu un enfant, — dit-elle à son amie, Madame de Roine, la crème des femmes, — ah ! si j’avais eu un enfant, ma vie eût été tout autre !! Si même je trouvais un enfant à élever, à adopter. — J’en connais un, réplique Madame de Roine. — Tout jeune? — Non, dix-huit ans!! — Ça n’est pas l’idéal ! » Et peu à peu, par un plan incliné, oh ! bien adroitement incliné,
Madame de Roine en arrive à la confidence, à l’aveu. La jeune fille dont il est question, Lucienne, la vierge séduisante et pure comme l’hermine, héroïque, pauvre, n’est autre que la fille de Lucien Briant. Le jeu des circonstances a amené sur le passage d’Hélène, l’épouse stérile. Celle-ci a la curiosité de voir la jeune fille. Mais il ne faut pas que Lucienne sache devant qui elle se trouve. On imagine une fable quelconque, et la voici qui, sans le savoir, est mise en présence de la femme de son père. On sent naître, bien vite, la sympathie des deux parts, et quand elle est arrivée à l’explosion, Hélène se nomme et dit qui elle est. Lucienne se trouble et veut s’enfuir. Cette femme est, pour elle, presque une ennemie, on a abusé de sa candeur sans méfiance. Peu à peu, Hélène la rassure. A force de grâce, de charme, de tendresse, elle apprivoise le pauvre petit oiseau tombé du nid. On sent bien vite qu’il y a ville gagnée. Et lors
que Lucien Briant, pleutre, avec ses hésitations et la crainte révérentielle de son père égoïste, se laissant aller lâchement à un argument honteux pour éviter de reprendre sa fille, s’écrie : « D’ailleurs, qui vous prouve que c’est ma fille? » Hélènea bien
tôt fait de lui répondre, dans l’éclat de son indignation : « Je ne sais si c’est votre fille, mais, en tout cas, c’est la mienne, et je la garde ! » Quant au dénouement, il n’est pas douteux, c’est un réveil de tendresse paternelle qui s’en charge, et tout finit au mieux, comme il convient dans les comédies de l’auteur de la Veine.
Ceci est l’armature de la pièce, qui se complique de détails et de personnages accessoires qui sont là pour combler les vides. On en peut faire ainsi le bilan : un premier acte d’exposition intéressant et agréable, où se posent, en bonne pos
ture, tous les personnages de la pièce. ■— Un second acte creux, qui se combine d’allées et venues, de badinages et de marivau
dages entre personnages accessoires qui ne nous intéressent guère, qui vont s’effeuiller ensuite et disparaître peu à peu, sans doute parce qu’ils ont conscience de leur inutilité. — Un troisième acte très à effet, — c’est le point culminant du drame, —
M. COQUEL1N CADET (rôle de Chartier)
M. CLARETIEM. A LF. CAPUS