I
LUCIEN BRIANT (M. de Féraudyj
LUCIENNE
Comédie en quatre actes, de M. ALFRED CAPUS
M. Alfred Capus vient de triompher, avec une pièce charmante, à la Comédie-Française. Sa grâce « est la plus forte », comme dit un illustre personnage de la Maison : il conquiert la gloire en souriant. Certains artistes violentent la fortune et d’autres la séduisent.
L’auteur de la Veine, de la Petite Fonctionnaire et de Notre Jeunesse appartient à cette dernière catégorie. Il traîne le bonheur après soi; et le souffle léger d’allégresse qui, grâce à sa verve brillante et discrètement attendrie, ragaillardit depuis plusieurs années les scènes du boulevard, agita l’autre semaine d’un déli
cieux frémissement les ombres vénérables du vieux Théâtre- Français.
Notre Jeunesse, comédie de mœurs et de caractère, est une œuvre légère et profonde qui propose à notre réflexion, à notre émotion aussi, un des sujets les plus humains et les plus graves de ce temps, et sans doute de tous les temps : c’est le solde des légèretés et des erreurs de la jeunesse présenté à l’âge mûr par ce créancier implacable, qui est la vie. Les poètes ont coutume de chanter les tendres dérèglements de la vingtième année et ils les
parent d’une sorte d’auréole, complaisamment ; mais c’est à l’auteur dramatique de retrouver, vingt ans après, la poussière de ces jolis caprices dont il analyse le prolongement dans les mœurs.
Un étudiant a connu une ouvrière qui a un cœur gentil et un peu bohème ; ensemble ils ont aimé l’amour en mariant leurs rêves; et puis il s’est marié, la petite ouvrière a vieilli. Quel
quefois, à côté d’elle, grandit un petit être, témoin survivant les joies abolies, et ce petit être, né d’une seconde d’oubli, prend peu à peu une conscience, se forme un caractère, devient une personne responsable et qui juge, qui sait qu’il y a de par le monde un homme dont elle ne porte point le nom et pour lequel, socialement, elle est une étrangère... Il arrive aussi que le hasard, logicien hypocrite, les met en présence, le père et l’enfant, et alors c’est un drame poignant, si celui-ci a une certaine qualité d’âme et si le père possède le sens du scrupule.
Notre Jeunesse, quel titre ravissant et tendrement mélancolique, et comme sa grâce un peu triste prend une âpre ironie quand le débiteur auquel sa jeunesse présente l’addition oubliée
Photo Mathieu-Deroche.
Acte ]>r
CHARTIER
LUCIEN BRIANT (M. de Féraudyj
LUCIENNE
(Mlle Piérat)
Décor de M. Lemeunicr. COMÉDIE-FRANÇAISE
Notre Jeunesse
Comédie en quatre actes, de M. ALFRED CAPUS
M. Alfred Capus vient de triompher, avec une pièce charmante, à la Comédie-Française. Sa grâce « est la plus forte », comme dit un illustre personnage de la Maison : il conquiert la gloire en souriant. Certains artistes violentent la fortune et d’autres la séduisent.
L’auteur de la Veine, de la Petite Fonctionnaire et de Notre Jeunesse appartient à cette dernière catégorie. Il traîne le bonheur après soi; et le souffle léger d’allégresse qui, grâce à sa verve brillante et discrètement attendrie, ragaillardit depuis plusieurs années les scènes du boulevard, agita l’autre semaine d’un déli
cieux frémissement les ombres vénérables du vieux Théâtre- Français.
Notre Jeunesse, comédie de mœurs et de caractère, est une œuvre légère et profonde qui propose à notre réflexion, à notre émotion aussi, un des sujets les plus humains et les plus graves de ce temps, et sans doute de tous les temps : c’est le solde des légèretés et des erreurs de la jeunesse présenté à l’âge mûr par ce créancier implacable, qui est la vie. Les poètes ont coutume de chanter les tendres dérèglements de la vingtième année et ils les
parent d’une sorte d’auréole, complaisamment ; mais c’est à l’auteur dramatique de retrouver, vingt ans après, la poussière de ces jolis caprices dont il analyse le prolongement dans les mœurs.
Un étudiant a connu une ouvrière qui a un cœur gentil et un peu bohème ; ensemble ils ont aimé l’amour en mariant leurs rêves; et puis il s’est marié, la petite ouvrière a vieilli. Quel
quefois, à côté d’elle, grandit un petit être, témoin survivant les joies abolies, et ce petit être, né d’une seconde d’oubli, prend peu à peu une conscience, se forme un caractère, devient une personne responsable et qui juge, qui sait qu’il y a de par le monde un homme dont elle ne porte point le nom et pour lequel, socialement, elle est une étrangère... Il arrive aussi que le hasard, logicien hypocrite, les met en présence, le père et l’enfant, et alors c’est un drame poignant, si celui-ci a une certaine qualité d’âme et si le père possède le sens du scrupule.
Notre Jeunesse, quel titre ravissant et tendrement mélancolique, et comme sa grâce un peu triste prend une âpre ironie quand le débiteur auquel sa jeunesse présente l’addition oubliée
Photo Mathieu-Deroche.
Acte ]>r
CHARTIER