est un homme faible et bon, honnête mais un peu lâche, comme Lucien Briant, le héros de M. Alfred Capus! Je dis héros, par politesse pour une expression consacrée, car aucun personnage, dans notre théâtre, ne s’adapte moins à ce titre que les person
nages d’Alfred Capus : dès ses premiers romans, et ensuite dans toutes ses pièces, sa curiosité et sa sympathie vont de préférence aux gens qui n’ont pas d’histoire. Il travaille dans l’humanité moyenne, et, pour cette raison, comme elles ne s’élèvent pas au-dessus des autres hommes, ses créatures intéressent tous les hommes.
Le premier acte se passe à Trouville. M. Chartier, quadragé
naire joyeux et un peu égoïste, et sa sœur, Madame de Roine, vivent ensemble, en vieux camarades, des débris d’une opulence assez coquette, dans une jolie villa. C’est là que nous faisons tout de suite connaissance avec les amis qu ils invitèrent pour la saison : M. et Madame Briant, et M. Briant père. Les Briant sont de grands industriels de Besançon où ils possèdent un établissement métallurgique considérable. Le ménage est heureux. « Je n’ai aucune raison d’être malheureux », répond Lucien à Chartier qui l’interroge sur sa situation. A quoi celui-ci répond : « Il n’y a pas d’autre définition du bonheur. » Le bonheur de Lucien Briant est tout de même un bonheur sans assurance; celui-ci
est obsédé par la crainte de catastrophes vagues, de grèves hypothétiques et de très graves événements dont il est « d’autant plus inquiet qu’il les ignore... ». A côté de ce mari maussade, Hélène Briant s’ennuie; elle est une très honnête femme, mais comme elle le fait remarquer à Madame de Roine, « elle commence à s’en apercevoir ». Aussi accueille-t-elle avec empressement 1 invitation des Chartier; elle a besoin de divertissement et son mari a besoin de repos: Trouville donnera à chacun d’eux ce qui lui manque. Malheureusement, il y a le père Briant.
Le père Briant est un vieillard autoritaire, despotique et maniaque qui n’exerce point seulement sa tyrannie sur son usine, il la fait peser sur le ménage. C’est le bourgeois intransigeant qui a les vertus, mais aussi les préjugés de l’ancien
temps, dont, sans se lasser, il vante les mérites. Il est la sagesse et il n’en doute jamais. Ses avis sont catégoriques, ses juge
ments sont sans appel. Son prestige balance victorieusement celui de sa bru dans l’enfant de Lucien Briant. Et Hélène supporte assez impatiemment la tutelle.
C’est dans ce milieu qu’arrive, un jour, une jeune fille qui désire parler à M. Chartier. C’est la fille dont jadis Lucien Briant fit cadeau à une papetière de la rue Gay-Lussac. En mourant, celle ci recommanda à l’enfant qu’elle avait élevée avec soin et honnêtement, de s’adresser à un ami de son père, compagnon de leur lointaine idylle, M. Chartier. Lucienne a seize ans, elle est jolie, et elle veut gagner sa vie en travaillant. Au domicile de Chartier, on lui annonce qu’il est à Trouville COMEDIE-FRANÇAISE. — NOTRE JEUNESSE. — Acte III
HELENE BRIANT (M11« Bartet)
Décor de M. Devred.
Photo Mathieu-Deroche.
LUCIEN BRIANT (M. de Féraudy)
BRIANT PERE (M. Leloir)
nages d’Alfred Capus : dès ses premiers romans, et ensuite dans toutes ses pièces, sa curiosité et sa sympathie vont de préférence aux gens qui n’ont pas d’histoire. Il travaille dans l’humanité moyenne, et, pour cette raison, comme elles ne s’élèvent pas au-dessus des autres hommes, ses créatures intéressent tous les hommes.
Le premier acte se passe à Trouville. M. Chartier, quadragé
naire joyeux et un peu égoïste, et sa sœur, Madame de Roine, vivent ensemble, en vieux camarades, des débris d’une opulence assez coquette, dans une jolie villa. C’est là que nous faisons tout de suite connaissance avec les amis qu ils invitèrent pour la saison : M. et Madame Briant, et M. Briant père. Les Briant sont de grands industriels de Besançon où ils possèdent un établissement métallurgique considérable. Le ménage est heureux. « Je n’ai aucune raison d’être malheureux », répond Lucien à Chartier qui l’interroge sur sa situation. A quoi celui-ci répond : « Il n’y a pas d’autre définition du bonheur. » Le bonheur de Lucien Briant est tout de même un bonheur sans assurance; celui-ci
est obsédé par la crainte de catastrophes vagues, de grèves hypothétiques et de très graves événements dont il est « d’autant plus inquiet qu’il les ignore... ». A côté de ce mari maussade, Hélène Briant s’ennuie; elle est une très honnête femme, mais comme elle le fait remarquer à Madame de Roine, « elle commence à s’en apercevoir ». Aussi accueille-t-elle avec empressement 1 invitation des Chartier; elle a besoin de divertissement et son mari a besoin de repos: Trouville donnera à chacun d’eux ce qui lui manque. Malheureusement, il y a le père Briant.
Le père Briant est un vieillard autoritaire, despotique et maniaque qui n’exerce point seulement sa tyrannie sur son usine, il la fait peser sur le ménage. C’est le bourgeois intransigeant qui a les vertus, mais aussi les préjugés de l’ancien
temps, dont, sans se lasser, il vante les mérites. Il est la sagesse et il n’en doute jamais. Ses avis sont catégoriques, ses juge
ments sont sans appel. Son prestige balance victorieusement celui de sa bru dans l’enfant de Lucien Briant. Et Hélène supporte assez impatiemment la tutelle.
C’est dans ce milieu qu’arrive, un jour, une jeune fille qui désire parler à M. Chartier. C’est la fille dont jadis Lucien Briant fit cadeau à une papetière de la rue Gay-Lussac. En mourant, celle ci recommanda à l’enfant qu’elle avait élevée avec soin et honnêtement, de s’adresser à un ami de son père, compagnon de leur lointaine idylle, M. Chartier. Lucienne a seize ans, elle est jolie, et elle veut gagner sa vie en travaillant. Au domicile de Chartier, on lui annonce qu’il est à Trouville COMEDIE-FRANÇAISE. — NOTRE JEUNESSE. — Acte III
HELENE BRIANT (M11« Bartet)
Décor de M. Devred.
Photo Mathieu-Deroche.
LUCIEN BRIANT (M. de Féraudy)
BRIANT PERE (M. Leloir)