irrésistible qui se dégagent de ces pages si caressantes que l’opéra de Gluck s’im
posa, dès l’origine, à l’admiration du grand public, du public qui courait là où il était sûr d’être ravi et charmé,
tandis que la guerre d’articles, de libelles et de quolibets qu’avait provoquée l’ap
parition d Armide se poursuivait plus furieuse de jour en jour entre les défen
alliés à ceux de Piccinni, le compositeur italien qu’on avait appelé en France exprès pour essayer de terrasser Gluck. Et c’est aussi par ces mélodies infiniment douces et suaves qu’hier encore ont été séduits et conquis de prime saut les audi
teurs les moins préparés, ceux qui ne soupçonnaient rien d Armide et chez qui l’éblouissement fut égal à la surprise en découvrant de telles merveilles de poésie et d’expression.
Le premier acte d Armide, assurément, n’est qu’une entrée en matière où l’on rencontre des choses languissantes, de celles que Gluck n’avait pas voulu retrancher de la tragédie de Quinault,
quoiqu’il s’en fût bien rendu compte, à côté d’airs déjà très séduisants comme celui de la Magicienne se refusant à subir les charmes de l’Hymen ou le chœur célèbre: « Armide est encore plus aima
ble » ; mais l’entrée d’Aronte expirant aux pieds de sa souveraine après avoir été frappé par Renaud en essayant de
garder les prisonniers qu’elle lui avait confiés est d’une concision, d’une force extraordinaire et tout le génie tragique de Gluck se retrouve dans cette courte page. Avec les deux actes qui suivent et qui forment une antithèse si frappante, nous touchons aux sommets de l’ou
vrage, qu’illuminent incessamment les éclairs du génie. L’un, celui qui dépeint le sommeil enchanté de Renaud dans les jardins d’Armide et qui forme un tableau
de la fraîcheur la plus délicieuse, après le sinistre appel que la magicienne et Hidraot adressent aux divinités infer
nales, contient de pures merveilles, comme l’air adorable de Renaud, si poé
tiquement accompagné par la flûte, ou les suaves mélodies de la Naïade et tant de délicieux airs à danser, pour aboutir à ces admirables accents d’Armide prête à frapper son ennemi endormi et s’ar
rêtant dans un élan d’amour, puis commandant aux divinités de l’air de la transporter avec son bien-aimé dans les déserts les plus reculés.
Le troisième acte, dont le contraste avec celui-ci est si puissamment marqué, commence bien par l’air d’Armide : « Ah ! si la liberté me doit être ravie », un des plus beaux qu’on puisse entendre, et par cette plainte si poignante : « Hélas, que mon amour est différent du sien ! »,
mais il ne comprend plus après que des scènes d’un accent terrible avec l’ardente invocation où Armide conjure la Haine d’arracher de son cœur ce funeste amour pour Renaud, avec les farouches réponses et les sombres exorcismes de la Haine et des démons, les danses
Photo Peutlinger.
phenice (Mlla Dubel)
THÉATRE NATIONAL DE L’OPÉRA. - ARUIDE
posa, dès l’origine, à l’admiration du grand public, du public qui courait là où il était sûr d’être ravi et charmé,
tandis que la guerre d’articles, de libelles et de quolibets qu’avait provoquée l’ap
parition d Armide se poursuivait plus furieuse de jour en jour entre les défen
seurs de Gluck et les partisans de Lulli,
alliés à ceux de Piccinni, le compositeur italien qu’on avait appelé en France exprès pour essayer de terrasser Gluck. Et c’est aussi par ces mélodies infiniment douces et suaves qu’hier encore ont été séduits et conquis de prime saut les audi
teurs les moins préparés, ceux qui ne soupçonnaient rien d Armide et chez qui l’éblouissement fut égal à la surprise en découvrant de telles merveilles de poésie et d’expression.
Le premier acte d Armide, assurément, n’est qu’une entrée en matière où l’on rencontre des choses languissantes, de celles que Gluck n’avait pas voulu retrancher de la tragédie de Quinault,
quoiqu’il s’en fût bien rendu compte, à côté d’airs déjà très séduisants comme celui de la Magicienne se refusant à subir les charmes de l’Hymen ou le chœur célèbre: « Armide est encore plus aima
ble » ; mais l’entrée d’Aronte expirant aux pieds de sa souveraine après avoir été frappé par Renaud en essayant de
garder les prisonniers qu’elle lui avait confiés est d’une concision, d’une force extraordinaire et tout le génie tragique de Gluck se retrouve dans cette courte page. Avec les deux actes qui suivent et qui forment une antithèse si frappante, nous touchons aux sommets de l’ou
vrage, qu’illuminent incessamment les éclairs du génie. L’un, celui qui dépeint le sommeil enchanté de Renaud dans les jardins d’Armide et qui forme un tableau
de la fraîcheur la plus délicieuse, après le sinistre appel que la magicienne et Hidraot adressent aux divinités infer
nales, contient de pures merveilles, comme l’air adorable de Renaud, si poé
tiquement accompagné par la flûte, ou les suaves mélodies de la Naïade et tant de délicieux airs à danser, pour aboutir à ces admirables accents d’Armide prête à frapper son ennemi endormi et s’ar
rêtant dans un élan d’amour, puis commandant aux divinités de l’air de la transporter avec son bien-aimé dans les déserts les plus reculés.
Le troisième acte, dont le contraste avec celui-ci est si puissamment marqué, commence bien par l’air d’Armide : « Ah ! si la liberté me doit être ravie », un des plus beaux qu’on puisse entendre, et par cette plainte si poignante : « Hélas, que mon amour est différent du sien ! »,
mais il ne comprend plus après que des scènes d’un accent terrible avec l’ardente invocation où Armide conjure la Haine d’arracher de son cœur ce funeste amour pour Renaud, avec les farouches réponses et les sombres exorcismes de la Haine et des démons, les danses
Photo Peutlinger.
phenice (Mlla Dubel)
THÉATRE NATIONAL DE L’OPÉRA. - ARUIDE