Photo Paul Berger.
une bergb-re. — (M11e Sanclrini)
OPÉRA. — ARMIDE. — Ballet
échevelées des Furies et les menaçantes prédictions qu’elle adresse à Armide lorsque celle-ci, dans un nouvel élan de passion, interrompt les sortilèges qui devaient l’affranchir du joug amoureux. Puis, voici pour finir, quelques mesures des plus émouvantes tant par l’expression de la parole chantée que par la couleur de l’instrumentation, ce suprême appel d’Armide à l’invincible Amour, dont il n’y avait pas trace dans VArmide de Quinault et Lulli et que Gluck a imaginé, dont il écrivit lui-même, à ce qu’on dit, les vers et qui nous laisse, avec l’héroïne, sous une profonde impression d’angoisse et d’abattement.
Au quatrième acte, lorsque le Che
valier danois et Ubalde, munis d’ar
mes magiques, entreprennent d’aller dé
livrer Renaud et voient surgir devant eux, sousl’apparence des princesses de Danemark ou d’Italie qu’ils ont aban
données pour aller à la croisade, des dé
mons femelles dont les ensorcellements devraient les arrêter,
Gluck a encore mis dans la bouche de ces tentatrices des chants d’une suavité exquise : les airs de Lucinde, en particu
lier, presque aussi célèbres que ceux de la Naïade, etles danses qui les enca
drent dégagent un charme auquel il pa
raît bien difficile que le Chevalier danois puisserésister, même armé du bouclier de diamant. De même, àl’actedernier, toute la scène d’amour entre Armide et Renaud, les doux serments qu’ils échangent, puis les gra
cieux ébats des nymphes et bergers sortis de l’Enfer et qu’Armide a chargés de retenir Renaud dans son palais par la séduction de leurs danses et de leurs
chants, amènent toute une série de pages enchanteres
ses, de suaves cantilènes, de danses ou lascives ou piquan
tes, dont l’oreille n’est jamais lasse, quoiqu’elles se suc
cèdent avec une abondance inimaginable. Enfin, lorsque
Renaud, éveillé de son rêve magique par les deux chevaliers qui sont parvenus jusqu’à lui, s’enfuit loin d’Armide et reste sourd à ses derniers appels, alors 1 enchanteresse abandonnée éclate en cris désespérés et le poursuit de malédictions venge
resses où l’on sent tout le désordre de la passion dédaignée, toute la fureur de l’amour inassouvi : Gluck n’a jamais rien écrit de plus souverainement beau.
Avant tout, pour effectuer une heureuse reprise de l’opéra héroïque de Gluck, il fallait une Armide et notre Opéra, par
bonheur, en possé
dait une dont la voix vibrante, la beauté physique et la force dramatique devaient donner toute son ampleur à ce person
nage si varié de tons, de nuances, si diffi
cile à rendre sous toutes ses faces : Ma
demoiselle Bréval, en effet, a fait d’Ar


mide une création


magistrale et qui se gravera pour long
temps dans notre souvenir. M. Affrc prête sa voix si sûre au personnage de Renaud; M. Delmas fait un magnifique Hidraot ; MM. Riddez, Scaramberg et Gilly représentent bien Aronte, le Che
valier danois et Ubalde; enfin Mademoiselle Féart dé
ploie une sombre énergie dans les airs de la Haine; Mesde
moiselles Alice Verlet et Demougeot semblent lutter de charme et de fraî
cheur de voix dans les suaves cantilènes de la Naïade et de Lucinde; et Mesde
moiselles Lindsay, Dubel , Mendès,
Agussol chantent aussi très joliment leurs jolis airs, tandis que Mesdemoi
selles Zambelli, Sandrini, Hirsch, Beau
vais, Barbier, etc., se balancent ou se tré
moussent toutes de la façon la plusagréable. Les décors et la figuration sont dignes de notre première scène lyrique et ni l’orchestre ni les chœurs ne se mon
trent inférieurs à leur tâche, sous la direction de M.Taf
fanel. Bravos pour tous !
A. JULLIEN.