Pierre Woli-f est un auteur à surprises.
Je veux dire qu’il n’est point de ces « spécialistes
• du théâtre qu’une naturelle et inévitable tendance d’esprit, une préoccupation persistante de certaines questions, une manière inflexible de concevoir et d’exprimer, obligent, durant toute une carrière très souvent abondante et belle, à par
courir une même longue route qui peut avoir ses caprices et ses détours, mais où nous les suivons, sans les perdre de vue, d’œuvre en œuvre, depuis la première.
M. Pierre Wolff, lui, est un vagabond. Il saute de genre en genre, sans transitions, et déconcerte un peu ceux qui le regardent passer par sa souplesse clownesque, son art singulier, malicieux et vraiment inimitable de transformation intellectuelle. Je pense même qu’il doit mettre un peu de coquetterie à se montrer si aimablement divers et prendre du plaisir à nous étonner.
Qui aurait pu, en effet, supposer jadis que l’observateur spirituel mais âpre, sarcastiqueet sans aménité de Leurs Filles et de Celles qu’on respecte, aurait un jour sur les lèvres le sourire optimiste, joliment attendri, un brin narquois mais si bienveillant de l’auteur du Secret de Polichinelle? Il n’était pas plus facile de prévoir, après cette pièce heureuse, l’Age d’aimer, dont M. Wolff nous a fait cette fois, au Gymnase, la très agréable surprise.
Mais puisque, dans toutes ces pièces si diverses, nous retrouvons l’homme de théâtre incontestable, expérimenté, qui
ne ménage pas son talent et se répand tout entier en chaque création nouvelle, nous n’avons qu’à nous réjouir de son pro
téisme artistique, à le féliciter de son activité d’esprit inlas
sable — et qui ne nous fatigue pas non plus.
* *
L’Age d aimer est une pièce sentimentale et de tendances psychologiques. Je crois qu’on pourrait à la rigueur lui trouver une parenté avec le Béguin, que M. Wolff fit représenter au
Vaudeville, il y a quelques années, et où Madame Réjanc tint aussi le principal rôle.
Elle est sans complications extérieures, sans recherche de gros effets. Elle veut prendre le spectateur et le prend en effet par l’intérêt uni, soutenu d’un drame de cœur sans éclat, mais non sans intensité ou profondeur. Et comme M. Wolff est un auteur dramatique très adroit et fort malin — ce dont il n’y a pas à le blâmer, au contraire ! — il a coupé le développement de son intrigue de mille incidents qui n’ont point avec elle un rapport très étroit, mais qui, bien choisis, présentant gaiement des personnages, tous dessinés d’un trait heureux, écartent jusqu’à la menace la plus lointaine d’un instant de monotonie.
philosophique de gens qui ont fait un bon dîner. C’est Bellencontre, viveur cinquantenaire, jovial et grognon, qui tout à l’heure ronflait dans un fauteuil et qu’on vient de réveiller, non sans peine, pour qu’il répande le trésor de ses observations pleines d’un misogynisme peu sincère; c’est Longecourt, dilettante et sceptique; c’est Tavernay, gris de cheveux, jeune de
cœur et dont une jolie fille, presque fillette, fait le fugace bonheur; c’est enfin le Chéru
bin de ce petit monde, Maurice Gérard, qui a un joli physique, de l’esprit, de la grâce, de la légèreté, même un peu de cœur et dont, bien qu’il s’en défende, nous apprenons, dès les pre
mières répliques, qu’il est amoureux de Geneviève.
Celle-ci paraît avec scs amies, la Colette Davron de Tavernay; Andrée Bouquet, dont se gausse, s’irrite et ne saurait se passer le colérique et ardent Bellencontre; Isabelle Lescar, perfide, et Hélène Briey, dou
loureuse. Geneviève a quarante ans sonnés d’hier. Isabelle glisse ce détail à l’oreille de Maurice Gérard que le renseignement ne
refroiditguère, car elle est d’une
P/wlo Boyer.
tavernay. — M. A. Cul mettes
GYMNASE. — L AGE D AIMER
Comédie en quatre actes, de M. PIERRE WOLFF
Je veux dire qu’il n’est point de ces « spécialistes
• du théâtre qu’une naturelle et inévitable tendance d’esprit, une préoccupation persistante de certaines questions, une manière inflexible de concevoir et d’exprimer, obligent, durant toute une carrière très souvent abondante et belle, à par
courir une même longue route qui peut avoir ses caprices et ses détours, mais où nous les suivons, sans les perdre de vue, d’œuvre en œuvre, depuis la première.
M. Pierre Wolff, lui, est un vagabond. Il saute de genre en genre, sans transitions, et déconcerte un peu ceux qui le regardent passer par sa souplesse clownesque, son art singulier, malicieux et vraiment inimitable de transformation intellectuelle. Je pense même qu’il doit mettre un peu de coquetterie à se montrer si aimablement divers et prendre du plaisir à nous étonner.
Qui aurait pu, en effet, supposer jadis que l’observateur spirituel mais âpre, sarcastiqueet sans aménité de Leurs Filles et de Celles qu’on respecte, aurait un jour sur les lèvres le sourire optimiste, joliment attendri, un brin narquois mais si bienveillant de l’auteur du Secret de Polichinelle? Il n’était pas plus facile de prévoir, après cette pièce heureuse, l’Age d’aimer, dont M. Wolff nous a fait cette fois, au Gymnase, la très agréable surprise.
Mais puisque, dans toutes ces pièces si diverses, nous retrouvons l’homme de théâtre incontestable, expérimenté, qui
ne ménage pas son talent et se répand tout entier en chaque création nouvelle, nous n’avons qu’à nous réjouir de son pro
téisme artistique, à le féliciter de son activité d’esprit inlas
sable — et qui ne nous fatigue pas non plus.
* *
L’Age d aimer est une pièce sentimentale et de tendances psychologiques. Je crois qu’on pourrait à la rigueur lui trouver une parenté avec le Béguin, que M. Wolff fit représenter au
Vaudeville, il y a quelques années, et où Madame Réjanc tint aussi le principal rôle.
Elle est sans complications extérieures, sans recherche de gros effets. Elle veut prendre le spectateur et le prend en effet par l’intérêt uni, soutenu d’un drame de cœur sans éclat, mais non sans intensité ou profondeur. Et comme M. Wolff est un auteur dramatique très adroit et fort malin — ce dont il n’y a pas à le blâmer, au contraire ! — il a coupé le développement de son intrigue de mille incidents qui n’ont point avec elle un rapport très étroit, mais qui, bien choisis, présentant gaiement des personnages, tous dessinés d’un trait heureux, écartent jusqu’à la menace la plus lointaine d’un instant de monotonie.
Dans le salon, meublé avec une fine élégance de femme, de Madame Geneviève Clarens, voici des célibataires qui dissertent avec la prolixité un peu paradoxale et l’esprit sommairement
philosophique de gens qui ont fait un bon dîner. C’est Bellencontre, viveur cinquantenaire, jovial et grognon, qui tout à l’heure ronflait dans un fauteuil et qu’on vient de réveiller, non sans peine, pour qu’il répande le trésor de ses observations pleines d’un misogynisme peu sincère; c’est Longecourt, dilettante et sceptique; c’est Tavernay, gris de cheveux, jeune de
cœur et dont une jolie fille, presque fillette, fait le fugace bonheur; c’est enfin le Chéru
bin de ce petit monde, Maurice Gérard, qui a un joli physique, de l’esprit, de la grâce, de la légèreté, même un peu de cœur et dont, bien qu’il s’en défende, nous apprenons, dès les pre
mières répliques, qu’il est amoureux de Geneviève.
Celle-ci paraît avec scs amies, la Colette Davron de Tavernay; Andrée Bouquet, dont se gausse, s’irrite et ne saurait se passer le colérique et ardent Bellencontre; Isabelle Lescar, perfide, et Hélène Briey, dou
loureuse. Geneviève a quarante ans sonnés d’hier. Isabelle glisse ce détail à l’oreille de Maurice Gérard que le renseignement ne
refroiditguère, car elle est d’une
P/wlo Boyer.
tavernay. — M. A. Cul mettes
GYMNASE. — L AGE D AIMER
THÉATRE DU GYMNASE
L’Age d’Aimer
Comédie en quatre actes, de M. PIERRE WOLFF