THÉATRE DU VAUDEVILLE
LA BARRICADE
Pièce en quatre actes, de M. PAUL BOURGET
ON sait que les deux dernières pièces de M. Paul Bourget — qui furent aussi ses deux pre
mières — étaient tirées de romans qui avaient, au préalable, couru leur carrière. La Barricade a été composée directement pour la scène; et, dans le choix du sujet, dans l’agencement des diverses parties de l’intrigue, dans la disposition des épisodes et des péripéties, M. Paul Bourget a manifesté, autant que de l’audace, une habileté merveilleuse. Aussi ce drame farouche, dont la cruauté volontaire met à nu quelques-unes des pires angoisses de l’âme contemporaine, a-t-il obtenu le plus retentissant et le plus mérité des succès.
Le titre en est symbolique. Il a la valeur d’une métaphore décorative qui ennoblit nos dissensions actuelles et nos conflits quotidiens par les souvenirs des grandes insurrections passées. Ce n’est plus dans la rue que la barricade se dresse aujourd’hui, ni pour des combats éphémères et sanglants ; c’est dans chaque
atelier, dans chaque entreprise industrielle, tous les jours et à toutes les minutes qu’elle érige son redoutable rempart, et qu’elle sépare les deux classes, la bourgeoise et l’ouvrière, celle qui risque et celle qui gagne, celle qui travaille et celle qui donne à travailler. De cette triste vérité M. Paul Bourget a voulu présenter une dramatique démonstration.
M. Breschard est un patron intelligent, qui a tout le sens de sa responsabilité, de ses devoirs et aussi de ses droits. Il aurait pu, comme tant d’autres à vingt ans, encadrer sa vie dans quelque grande administration, y percevoir un traitement modeste mais régulier, et placer en valeurs de tout repos le petit capital dont il disposait. Il a préféré aventurer son avoir et sa tranquillité dans une industrie que ses efforts ont patiemment agrandie. Il a réussi avec honneur. Il a aujourd’hui quaranteneuf ans : il dirige une fabrique de meubles d’art ; c’est-à-dire qu’il emploie des ouvriers assez affinés déjà, et instruits, pour reconstituer des meubles anciens qu’il vend loyalement comme des reconstitutions. Il occupe deux ateliers : l’un, d’hommes,
Photo Bert.PHILIPPE BRESCHARD (M. Lacroix)
ALINE DBR1VIÈRB
(M11* Nelly Cormon)
LOUISE MAIRET
(M,le Yvonne de Bray) Acte Ier. — Le Sabotage
Décor de MM. Amablc ÿ Cioccari.