toutes les supériorités sociales. » Aussi, malgré la verve de Coquelin et la grâce de Sophie Croizette, cette reprise de 1871
fut triste et morne : ils n’avaient pas le cœur à rire, ceux qui avaient vu à l’œuvre les successeurs de Figaro.
Depuis lors,les souvenirscruels se sont effacés. Plus d’une fois le Mariage de Figaro a reparu sur l’affiche du Théâtre-Français et toujours il a triomphé. Pourquoi? Parce que, malgré ses évidents défauts, Beaumarchais reste un des auteurs comiques les plus remarquables de la France : « Il a ouvert, dit le critique, à la comédie moderne, la double voie où elle s’est engagée. Scribe l’a surpassé pour l’arrangement ingénieux des pièces; mais il est resté le premier par la grâce pétillante du dialogue, par ces qualités qui sont toutes françaises : l’esprit des mots
et le goût des tirades brillantes. Entre nous, le rôle puissant et la haute raison de Molière sont très supérieurs. Mais Molière est Molière, et après lui, il y a encore de belles places. »
L’intérêt des nouvelles représentations s’est porté, comme de juste, sur l’interprétation.
Le rôle de Figaro est, à la fois, parmi ceux du répertoire, le rôle le plus souhaité et le plus dangereux pour les « premiers comiques ». Ils s’y essayent tous. Depuis que je vais au théâtre, j’ai vu la plupart des chefs d’emploi ou des débutants, au Théâtre- Français, à l’Odéon ou au Conservatoire, se mesurer avec le périlleux personnage.
Got, dans ses intéressants mémoires, nous dit, à la date du
19 janvier 1851 : « J’ai enfin joué ce soir Figaro, du Mariage, et pas trop maladroitement ; mais que de choses à y faire encore ! Je vais le repasser au coin de mon feu. » Le créateur du duc Job ne nous parle plus dans la suite de Figaro. Mais Sarcey nous renseigne : « Si Got n’a pas trop réussi à nous rendre Figaro, c’est qu’il est un acteur de composition. Il cherche à imprimer un cachet à ses rôles; il leur donne une physionomie spéciale. Figaro n’en a pas. Figaro n’est que le porte-parolesde Beaumar
chais... Aussi Coquelin, qui n’y met pas tant de malice, est-il excellent dans ce rôle. Il jette les tirades à pleine volée ; elles tombent où et comme elles peuvent. Il ne s’en préoccupe pas autrement. C’est la vraie manière de traduire le rôle. » En effet, dans le Mariage, Coquelin était étourdissant de brio, d’entrain, de verve : ce fut, peut-être, avec Mascarille et avant Cyrano, le plus beau rôle de tout son répertoire. J’ai vu, à l’Odéon, Porel,
fin et spirituel. Aujourd’hui, le rôle est tenu au Théâtre-Français par M. Georges Berr, à la voix mordante, à l’excellente diction, rempli de finesse et d’esprit.
Mademoiselle Berthe Cerny lui donne la réplique dans Suzanne. Elle aussi, elle aun jeu spirituel et fin, pétri d’intelligence ; cette camériste espagnole est la plus malicieuse des Parisiennes. Mademoiselle Cécile Sorel personnifie la comtesse. Superbement belle, elle interprète son rôle, qui est difficile, avec une extrême délicatesse, sachant unir la tendresse de la femme à la dignité de la grande dame. Chérubin, c’est Mademoiselle Leconte, c’est-à- dire le Chérubin rêvé, sentimental, ardent, léger et adorable.
Il fautlouerencore M. Siblot,ineffableBrid’oison ; M. Fenoux un élégant Almaviva, Mademoiselle Lifraud, une gentille Fanchette, Mademoiselle Fayolle (Marceline), MM. Joliet (Bartholo), Ravet, Croué, Jacques de Féraudy, Lafond, Décard.
ADOLPHE ADERER.
Photo Bert.
BARTHOLO (M. Joliet)
SUZANNE
(M11 Berthe Cerny)
ANTONIO (M. Croué)
COMEDIE-FRANÇAISE. — LE MARIAGE DE FIGARO. — Acte III
MARCELINE (M11 Fayolle) (M.
FIGARO
Georges Berr)
BRIDOISON (M. Siblot)