La Mode à la Ville et au Théâtre
Retour a la raison. — Est-ce un retour vers plus de raison, vers moins d’invrai
semblance ? Toujours est-il qu’aux grandes journées du mois dernier, Chantilly, Grand- Steeple, les Haies, les Drags, le Grand-Prix, les robes nous sont apparues moins étroites, moins gênantes, moins serrées du bas ; parti
culièrement les robes de lingerie. Oui, c’est une note générale, presque une tendance. Pour peu qu’elle s’accuse cela deviendra,
sous peu, un mouvement qui emportera ces jupes à « entraves ». Elles sont pourtant bien jolies et bien gracieuses. Elles vous font une silhouette si délicieusement « poupée » qu’on a envie de la toucher, comme une chose fine et délicate, et fragile. Elles sont plus parisiennes que jamais mode ne l’a été, et d’autant plus précieuses que toutes les femmes ne les comprennent pas et que peu savent les porter. Sans doute est-ce là la cause du trop prompt abandon qui se manifeste contre elles ; tout le monde ne peut pas les adopter et celles qui étaient obligées d’y renoncer, parce que leur ligne ne s’y prête pas, les ont décriées et ont cherché autre chose. Voilà.
Les Saisons. — Saison russe, saison italienne, saison belge ! Nous avons eu tout celale mois dernier, sans doute pour compenser notre saison d’été, réellement manquée, au point de vue soleil et chaleur. Chacune de ces soirées d art fut, on peut le dire, une vraie soirée de gala. Les salles de l’Opéra et des Italiens étaient autant de pages vivantes du Gotha, du Tout-Paris, de l’annuaire de la
noblesse; autant de fêtes du brillant, dont les feux multiples ruisselaient en cascades sur les belles étoffes et les belles gorges nues.
Quelle dépense il a dû se faire de Véritable Lait de Ninon, pour peupler ces salles de tant de suaves décolletés, dont les blanches chairs semblaient autant de fleurs de luxe ! Car c’est à ce produit sans rival de la Parfumerie Ninon, 31, rue du Quatre-Septembre, que toutes les grandes coquettes demandent la conservation et le capiteux épanouissement de leur décolleté. Seul il vous fait une gorge de lis, des épaules d’albâtre, une peau du plus grisant satin. Les satins et les libertys étaient les étoffes reines de ces inoubliables soirées; mais la soie Salomé et ÏIndro-Silk y triom
phaient de leurs reflets chatoyants et doux et de la faveur dont la plus grande partie des femmes les honorent en ce moment. C’est que l’un et l’autre de ces deux tissus sont venus rajeunir fort heureusement la série de ceux dont nous disposions jusqu’ici, et qui commençaient à devenir classiques. L’on ne sor
tait guère des libertys; et l’on en avait tant et tant abusé que l’on en était fatiguée. Je ne veux point médire de ces satins. Ils ont leur charme et offrent de précieuses ressources à nos coquetteries. Mais la soie Salomé, mais YIndro-Silk ont je ne sais quoi de plus capti
vant, de plus prenant, de plus exquisement neuf. Leurs coloris offrent des reflets de rêve; leurs plis ont une silencieuse souplesse, pleine d’harmonie et de grâce. Ils font mieux qu’habiller : ils enveloppent la silhouette de leur
prestige distingué. Ils sont, l’un et l’autre, quelque chose comme l’aristocratie de la toi
lette du soir; et c’est pourquoi ils ont pris chez les grands couturiers, dans nos fêtes mondaines, partout, la place prépondérante dont les autres tissus sont un peu jaloux.
Pour l’été. — Toutes ne peuvent, ou n’aiment pas — et elles ont raison, dépenser des sommes folles pour les uniques deux mois que dure notre été, juillet et août. L’économie est une vertu très féminine et que l’on fait bien d’observer, même dans les plus hautes situations. Aussi, pour affronter notre trop courte canicule, fait-on d’adorables petits costumes en linon rayé, tel que le linon blanc à rayures bleues. Déjà c’est un peu, quoique très peu, moins salissant que tout blanc.
Quelques fronces rattrapées dans le volant à plat du bas, une taille un peu écourtée, une mignonne guimpe en tulle ou une collerette en linon brodé et voilà une ravissante robe jeune, légère, fraîche et pas chère. Le badi
nage d’un petit volant court, au bas des manches, est charmant pour faire valoir la perfection d’une main entretenue avec la célèbre Pâte des Prélats, de la Parfumerie Exo
tique, 35, rue du Quatre-Septembre. Plus que par les bagues dont elles se parent, les
mains valent par leur propre beauté, leur finesse, leur aristocratie ; et toutes ces qualités
c’est la Pâte des Prélats, inventée pour le pape Léon X de Médicis, qui vous les donne.
MARQUISE DE NOY.