COMÉDIE-FRANCAISE

La Fleur merveilleuse

Pièce en cura-tx-e actes, en -vers, de M/VE. MIGUEL ZAMACOIS

M

Miguel Zamacoïs nous a lui-même conté la genèse
de sa pièce et commenr la Fleur merveilleuse, qui
• vient de s’épanouir si joliment sur la scène du Théâtre-Français, avait germé tout d’abord dans son imagi
nation. Un vieux bouquin, rappelant par quelle étrange crise de « tulipomanie » avaient, au xvne siècle, passé les Pays-Bas et, en particulier, la ville de Harlem, lui était tombé sous les yeux. Il y avait pu suivre la métamorphose de cette calme Hol
lande qu’enfiévrait un beau jour la passion des tulipes; il s’était amusé des absurdes marchés, des contrats extravagants où, cou
ramment, l’on donnait sa brasserie, son moulin, — même sa fille pour une fleur. Autour du clocher de Saint-Bavon, il avait entrevu, bourdonnante, affairée comme un essaim d’abeilles, la folle cité dont, tout à l’heure, un de ses personnages nous dira :
Ignorez-vous Que vous êtes tombés dans un pays de fous?
Qu’au-dessus de la Vierge et du Christ on adore Sur des autels fleuris cette déesse : Flore ?
Que des murs de Harlem à l’horizon lointain Tout l’espace aperçu n’est qu’un vaste jardin ?
Et qu’à perte de vue, ondulant sur leurs stipes, Ce ne sont que tulipes, tulipes, tulipes?
Du plus gueux des valets au plus riche bourgeois, Du plus gros commerçant au dernier villageois, Pas un qui ne subisse ici la tyrannie De cette passion : la tulipomanie !
Et, présidant aux jeux de tous ces obsédés,
Semblant donner l’exemple aux pays possédés, S’érige tout en haut de notre basilique,
Le bulbe monstrueux d’un oignon symbolique.
Une si pittoresque folie, à une époque et dans un pays non moins pittoresques, avait de quoi séduire un poète. Aussi l’au
teur des Bouffons se promit-il de situer à Harlem « la tulipière » quelque aimable conte d’amour ou quelque romanesque aven
ture de cape et d’épée. Il s’est tenu parole: la Fleur merveilleuse tiendra un peu de l’un et de l’autre ; en outre, nous y sentirons que le choix préalable des circonstances ambiantes a, comme on dit, déterminé sa structure et son développement. Mais une simple fleur, fût-elle la plus merveilleuse des tulipes et une cité, fût-ce la blonde Harlem, aussi plaisamment tulipomane que l’amateur de La Bruyère, pouvaient suffire à éveiller, non à retenir l’intérêt : ce n’étaient là, pour employer une des images du