MME GALLI-MARIÉ


blier sous ce nouveau nom et ne consentant à sortir de la retraite qu’une seule fois, en 1890, pour prendre part à une représentation solennelle de Carmen dans le but d’élever un monu
ment à Bizet, représentation qui fut un désastre complet pour la pauvre Carmen, vieillie, fatiguée, qu’un accident vocal désar
çonna complètement. Depuis lors, plus jamais il ne fut question d’elle et c’est peut-être vous apprendre qu’elle vivait encore que de vous annoncer sa mort survenue à Vence, dans la maison des religieuses dominicaines où elle se faisait soigner.
Depuis et y compris la Servante-Maîtresse, je crois bien avoir vu Madame Galli-Marié dans tous les rôles qu’elle a joués d’origine ou repris, et la diversité même des personnages qu’elle
était appelée à représenter, tant elle excellait à provoquer le rire ou à faire couler les larmes, sera suffisamment mise en évi
dence par la rapide nomenclature de tant de rôles si divers, soit masculins, soit féminins, car elle portait à ravir le travesti. Les uns, tendres et mélancoliques; les autres, vifs et délurés; ceux-ci chastes et réservés, ceux-là passionnés jusqu’à la vio
lence, étaient, quels qu’ils fussent, rendus par elle avec une vérité qui semblait être la nature même et qui, cependant, ne l’était pas toujours, car par son tempérament comme par son caractère, elle était tout l’opposé d’une tendre Marie ou d’une Mignon rêvant aux étoiles. Voici d’abord le page Kaled, de Lara, d’Aimé Maillart, de qui elle chanta aussi, dans les Dragons de Villars, Rose Friquet, cette seconde édition de la Petite Fadette, de George Sand, qu’elle personnifia pareillement dans l’opéracomique de Semet ; l’Urielle, des Amours du Diable, de Grisar, en attendant qu’elle chante également la Madame de Bryane, des Porcherons, du même auteur, et Blanche d’En
traigues, du Capitaine Henriot, de M. Gevaert; la gracieuse Marie,
d’Hérold; la folle Piccinina, de Fiord’Ali^a, deVictor Massé; le Lazarille, du Don César de Ba^an, de M. Massenet ; Ven
dredi, dans le Robinson Cru
soé, d’Ofîenbach ; Fantasio,
dans l’ouvrage du même compositeur ; Zanetto, dans le
Passant, de M. Paladilhe ;
Alexandre,dans le Char, de M. Emile Pessard;
Jeanne, dans l’Ombre, de Flotow, Diano
Armero, dans José Maria, de Jules Cohen; en
fin, Marthe, dit Piccolino, dans Piccolino d’Er
nest Guiraud et, par exception, César, dans les
Rendeç-v o us b our geois, de Nicolo.
Photo Nadar.
Mme GALLI-MARIÉ
Rôle de Carmen. — OPÉRA-COMIQUE C’était une véritable enfant de la balle que Céles
tine Marié, née à Paris en novembre 1840, car elle était la fille d’un chanteur longtemps attaché à l’Académie de musique, ce Marié de Lisle, dont la voix était devenue plus grave à mesure qu’il avançait en âge et qui, après avoir tenu l’emploi de premier ténor, avait chanté les rôles
de baryton, puis ceux de basse. Bon chien chasse de race, et Célestine Marié, qui était déjà Madame Galli-Marié lorsqu’elle débuta à Paris, s’était, de très bonne heure, sentie attirée vers les planches, ainsi que le furent aussi ses sœurs cadettes, Irma et Paola Marié, qui ont occupé toutes les deux une place dis
tinguée entre les chanteuses d’opérettes ; elle avait trouvé un maître tout prêt à la former en la personne de son père, et ses merveilleux dons de nature aidant, elle s’était lancée dans la carrière dès l’âge de dix-huit ans. Mais encore qu’elle eût obtenu d’emblée un succès considérable, elle s’était trompée de voie,
car cette jeune femme, comédienne autant que chanteuse et dont la voix était assez ordinaire, avait commencé par chanter les grands premiers rôles d’opéra : d’abord à Strasbourg, dès 1859 ; puis à Toulouse, ensuite à Lisbonne où elle abordait le réper
toire italien, enfin à Rouen. C’est là que Perrin, alors directeur de l’Opéra-Comique, alla la chercher après le grand succès qu’elle avait remporté en créant le premier rôle dans la Bohémienne, de Balfe, qui ne s’était pas encore jouée en France, qui parut par la suite au Théâtre Lyrique et ne se rejouera sans doute jamais ni à Rouen ni à Paris.
12 août 1862 : telle est la date du brillant début de Madame Galli-Marié à l’Opéra-Comique, dans la Servante-Maîtresse. Après avoir fourni là
une carrière ininterrompue
d’une dizaine d’années, elle alla chanter en province et en Belgique, mais revint bien vite
à son cher théâtre où elle resta encore de i874à 1878. Par la suite, elle n’y reparut plus qu’exceptionnellement, en 1884-1885, par exemple, après avoir de nou
veau couru la
province et l’étranger, l’Italie en particu
lier. Elle chanta aussi à Londres en 1886, mais presque aussitôt après elle abandonna définiti
vement la scène et se retira dans le Midi, sur les
bords de la Méditerranée, ayant troqué son nom de Galli
Marié contre celui de Ma
dame Delaur, se laissant ou