Mais par-dessus tous ces rôles, où Madame Galli-Marié déploya un talent toujours égal à lui-même avec des nuances très justes, très délicates, planent et rayonnent deux figures aujour
d’hui populaires en France et qui étaient totalement ignorées du grand public lorsque Madame Galli-Marié fut choisie pour les faire vivre sur la scène, en même temps qu’elle chante
rait la musique que la Mignon de Goethe avait inspirée à Ambroise Tho
mas et celle que la Carmen de Méri
mée avait fait jaillir du cerveau de Georges Bizet. Ces deux oeuvres, vous le savez aussi bien que moi, ne furent pas, tout d’abord, des mieux accueil
lies par le public français, et si, pour l’une des deux au moins, cet accueil était passablement injuste, il était éga
lement regrettable pour les deux, car ces deux compositeurs-là avaient mis le meilleur d’eux-mêmes dans leurs partitions.
Quoi qu’il en soit, ces deux personnages, en dehors du plus ou moins de relief que leur donnait le génie ou le talent du compositeur, durent de
prendre un caractère singulier, une couleur très accentuée, une vie extraordinaire à la façon dont Madame Galli-Marié les des
sina, les campa sur la scène et les imposa à l’attention de plus en plus intéressée des spectateurs, de telle façon que ces figures si dissemblables entrèrent peu à peu dans les yeux et dans les oreilles du public, se gravèrent dans sa mémoire et finirent par gagner toutes ses préférences. J’ajouterai que Madame Galli
Marié, pour ceux qui l’ont vue à ce mo
ment de sacarricre, a marqué
ces deux rôles d’une emprein
te ineffaçable, à tel point que toutes les can
tatrices qui les ontabordéspar la suite, n’ont pu que, ou se rapprocher le plus possible de la créatrice — je n’en vois qu’une seule,
Madame de Nuovina, qui lui soit égale dans Carmen, et je n’en vois
aucune dans Mignon, — ou
bien chercher à faire autre
ment qu’elle en exagérant les
nuances, en forçant la note, en outrant les effetsaussibien
dans Mignon que dans Car
men. Et nous savons,parune
lettre récemment publiée de Madame Galli-Marié, quelle colère elle ressentit, elle, la comédienne accomplie, quand elle vit une Mignon exotique et du reste applaudie à outrance, s’amuser à mettre de la poudre de riz sur ses bottes, se
barbouiller les joues de rouge comme un clown et retrousser sa robe jusqu’aux genoux pourmontreràWilhelm Meister comme celte robelui va bien. Par ce que Madame Galli-Marié dit avoir éprouvé ce soir-là, jugez de ce qu’elle aurait souffert en face de tant d’autres Mignon, de tant d’autres Carmen.
Madame Galli-Marié, après avoir atteint au sommet de sa carrière avec
ces deux rôles qui resteront toujours attachés à son souvenir et lui vaudront une place très glorieuse dans les annales de l’Opéra-Comique, eut encore la chance de terminer sa carrière comme elle l’avait commencée : en faisant vivre sur la scène un de ces personnages de l’ancienne Comédie italienne, pour lesquels il semblait qu’elle eût été créée, toute rieuse, toute mutine et toute mo
queuse. Colombine après Zerbine, la Surprise de l’Amour, de Ferdinand Poise, après la Servante- Maîtresse, de Pcrgolcse, à quinze ans de distance. Et cette der
— fut encore un très grand succès pour elle, un succès qui dut reporter sa mémoire au premier jour de ses débuts à Paris :
n’avait-elle pas été légèrement émue, elle pourtant si crâne, à l’heure où elle allait affronter le public de Pa
ris, et ne l’étaitelle pas autant,
pour le moins, au moment où
elle allait lui direadieu pour se lancer dans des caravanes
à travers le monde ? Que d’émotions, que de bravos, que de succès pour Madame
G a 11 i - Marié entre ces deux dates : 1862 et 1877, et quel
souvenir aussi doux que cruel
n’en dut-elle pas emporter dans la retraite où elle s’était volontairement confinée,
où elle était comme morte déjàpournous, bien avant que de mourir !
ADOLPHE
Mme GALLI-MARIÉ
Mme GALLI-MAR1É
Rôle de Mignon. — OPÉRA-COMIQUE
Photo Lecadre.
Mme GALLI-MARIÉ Photo Lecadre.
Rôle de César. — LES RENDEZ-VOUS BOURGEOIS
OPÉRA-COMIQUE
d’hui populaires en France et qui étaient totalement ignorées du grand public lorsque Madame Galli-Marié fut choisie pour les faire vivre sur la scène, en même temps qu’elle chante
rait la musique que la Mignon de Goethe avait inspirée à Ambroise Tho
mas et celle que la Carmen de Méri
mée avait fait jaillir du cerveau de Georges Bizet. Ces deux oeuvres, vous le savez aussi bien que moi, ne furent pas, tout d’abord, des mieux accueil
lies par le public français, et si, pour l’une des deux au moins, cet accueil était passablement injuste, il était éga
lement regrettable pour les deux, car ces deux compositeurs-là avaient mis le meilleur d’eux-mêmes dans leurs partitions.
Quoi qu’il en soit, ces deux personnages, en dehors du plus ou moins de relief que leur donnait le génie ou le talent du compositeur, durent de
prendre un caractère singulier, une couleur très accentuée, une vie extraordinaire à la façon dont Madame Galli-Marié les des
sina, les campa sur la scène et les imposa à l’attention de plus en plus intéressée des spectateurs, de telle façon que ces figures si dissemblables entrèrent peu à peu dans les yeux et dans les oreilles du public, se gravèrent dans sa mémoire et finirent par gagner toutes ses préférences. J’ajouterai que Madame Galli
Marié, pour ceux qui l’ont vue à ce mo
ment de sacarricre, a marqué
ces deux rôles d’une emprein
te ineffaçable, à tel point que toutes les can
tatrices qui les ontabordéspar la suite, n’ont pu que, ou se rapprocher le plus possible de la créatrice — je n’en vois qu’une seule,
Madame de Nuovina, qui lui soit égale dans Carmen, et je n’en vois
aucune dans Mignon, — ou
bien chercher à faire autre
ment qu’elle en exagérant les
nuances, en forçant la note, en outrant les effetsaussibien
dans Mignon que dans Car
men. Et nous savons,parune
lettre récemment publiée de Madame Galli-Marié, quelle colère elle ressentit, elle, la comédienne accomplie, quand elle vit une Mignon exotique et du reste applaudie à outrance, s’amuser à mettre de la poudre de riz sur ses bottes, se
barbouiller les joues de rouge comme un clown et retrousser sa robe jusqu’aux genoux pourmontreràWilhelm Meister comme celte robelui va bien. Par ce que Madame Galli-Marié dit avoir éprouvé ce soir-là, jugez de ce qu’elle aurait souffert en face de tant d’autres Mignon, de tant d’autres Carmen.
Madame Galli-Marié, après avoir atteint au sommet de sa carrière avec
ces deux rôles qui resteront toujours attachés à son souvenir et lui vaudront une place très glorieuse dans les annales de l’Opéra-Comique, eut encore la chance de terminer sa carrière comme elle l’avait commencée : en faisant vivre sur la scène un de ces personnages de l’ancienne Comédie italienne, pour lesquels il semblait qu’elle eût été créée, toute rieuse, toute mutine et toute mo
queuse. Colombine après Zerbine, la Surprise de l’Amour, de Ferdinand Poise, après la Servante- Maîtresse, de Pcrgolcse, à quinze ans de distance. Et cette der
nière création, — car autant vaut ne pas parler de l’Infant, dans les Noces de l’Infante, de Deffès, qui ne se jouèrent pas dix fois,
— fut encore un très grand succès pour elle, un succès qui dut reporter sa mémoire au premier jour de ses débuts à Paris :
n’avait-elle pas été légèrement émue, elle pourtant si crâne, à l’heure où elle allait affronter le public de Pa
ris, et ne l’étaitelle pas autant,
pour le moins, au moment où
elle allait lui direadieu pour se lancer dans des caravanes
à travers le monde ? Que d’émotions, que de bravos, que de succès pour Madame
G a 11 i - Marié entre ces deux dates : 1862 et 1877, et quel
souvenir aussi doux que cruel
n’en dut-elle pas emporter dans la retraite où elle s’était volontairement confinée,
où elle était comme morte déjàpournous, bien avant que de mourir !
ADOLPHE
JULLIEN.
Mme GALLI-MARIÉ
Mme GALLI-MAR1É
Rôle de Mignon. — OPÉRA-COMIQUE
Photo Lecadre.
Mme GALLI-MARIÉ Photo Lecadre.
Rôle de César. — LES RENDEZ-VOUS BOURGEOIS
OPÉRA-COMIQUE