ClIARLKS-IIli.NRl (M. René Mauprc)
Décor de M. Jusseaume.
DE IIAUGII
(M. Antoine)
Pièce en cinq actes, de M. WILHELM MEYER-FÖRSTER. — Traduction de MM. MAURICE RÉMON & W. BAUER
Voici une pièce qui ne prouve rien. Elle n’a pas la moindre prétention philosophique, ne sou


tient aucune thèse, n’aspire ni à la dignité tragique ni à une excessive distinction litté


raire. Mais, tout simplement, elle a fait son tour d’Europe, de capitale en capitale, de cen
tième en centième, de triomphe en triomphe. D’emblée elle vient de conquérir le public parisien, qui lui a fait le plus chaleureux accueil. Son succès sera très grand. Car elle est simple, claire, accessible à tous, un peu naïve, très touchante et toujours pittoresque. Elle charme et repose, elle rajeu
nit. Et par-ci par-là, grâce à la vérité des situations, à la sincé
rité des personnages, cette idylle atteint d’elle-même une sorte d’éloquence et de poésie.
Non qu’elle vaille, par l’originalité du sujet : c’est l éternelle histoire de Tite et Bérénice, ou bien la légendaire aventure du prince avec la bergère (seulement elle finit mal et l’on ne s’y marie pas). M. Meyer-Forster a mis tout son talent à broder sur ce thème banal de discrets ornements, à l’enrichir de quelques accents neufs, toujours avec tant de mesure que l’amer
tume n’en est nulle part trop poignante, ni l’agrément trop frivole. Et cela n est point déjà si facile de faire tout bonnement un petit drame bien réussi, où il y a de quoi rire et pleurer un peu, juste de ton, de proportions heureuses et qui se déroule en de captivants décors.
Celui du premier acte est plutôt sombre : lourdes tentures, boiseries sévères, et d’opaques vitraux masquant le ciel, ne laissant filtrer du dehors qu’une lumière incertaine et des bruits étouffés. C’est, au fond de quelque principauté allemande, le séjour royal où le prince Charles-Henri, fils du souverain régnant, vit s’écouler tristement son enfance, puis sa jeunesse. Il n’a pas vingt ans, mais si loin que remontent ses souvenirs, il n’a jamais connu une minute de liberté ni de plaisir. Prison
nier de ce château, il n’en a jamais franchi la poterne pour sortir seul et vagabonder dans les rues, dans les champs. Ses yeux ne connaissent point l’horizon. Toute spontanéité en lui fut contrainte par l’étiquette, tout épanchement réduit aux dehors d’une froide politesse. Nulle familiarité qui vînt tempérer le faste qui l’entoure. Elevé parmi les laquais et les courtisans obséquieux, il n’a jamais serré la main d’un véritable ami,
Photo Larcher.
Acte Ier
Dr GÜTTNER (M. Chelles)


THÉATRE ANTOINE