naturelles de son tempérament, et que ce n’est pas sage d’être aussi sage.
Révélation foudroyante. Tempête sous un crâne de dévote ! Poussez la situation dans sa logique et vous aurez tout un drame angoissant. Mais M. Georges Feydeau n’a tenté — avec succès — que de nous faire rire, et nous n’assisterons pas longtemps au débat de Madame de Plounidec avec sa conscience. La bonne comtesse entend avant tout sauver son fils. Et avec elle, confor
mément à une casuistique vraisemblablement connue d’elle, la fin, une fois de plus, justifiera les moyens.
Quels moyens ? Un seul s’offre bien entendu : l’éternel féminin. Mais sous quels traits? Une gentille soubrette, à la jolie coiffe, soigne Maurice avec un dévouement dont témoignent les nombreuses allées et venues dans la chambre et autour de la chambre du sympathique malade. Mais il y a mieux que la petite bonne pour rétablir une santé compromise d’adolescent, Made
moiselle Étiennette, une théâtreuse de Paris ultra-élégante, se trouve être venue à Plounidec en auto, dans la compagnie d’un jeune daim parisien, et un caprice ayant hanté sa cervelle d’aimable toquée de s’y arrêter toute une saison, elle est entrée en pourparlers avec la comtesse pour la location d’un pavillon dépendant du manoir. Interloquée, estomaquée par les toilettes et la tenue de la jeune femme, Madame de Plounidec avait décliné ces ouvertures. Mais à présent qu’il s’agit du salut d’un corps, quelle bonne aubaine que d’avoir, presque sous son toit, une femme experte dans les choses qui rendent la santé aux jeunes gens ! Et n’est-ce pas la pie au nid que cette étrangère qui sent si bon? Ce n’est pas Étiennette qui éprouverait
d’insurmontables scrupules à lâcher son balourd compagnon d’auto pour le gentil Maurice. D’ailleurs, au besoin, serait-elle épouvantée par la pensée d’un cumul? Enfin, n’a-t-elle pas reçu le coup de foudre précurseur des béguins sérieux ? Et quel coup de foudre justifié ! Tout à l’heure Maurice qui, étant allé traîner sa neurasthénie sur la plage, à l’heure où elle se baignait, l’a vue en danger d’être noyée, s’est jeté à l’eau et l’a sauvée. Mise en présence de l’homme qu’elle n’a vu qu’en costume de bain, elle l’a retrouvé irrésistible sous la soutane du séminariste, et elle a déjà reluqué, dans la campagne bretonne, les orties où se jettent les frocs.
Au second acte, Maurice a revu Etiennette, et entre les deux jeunes gens s’est établi un flirt tout ce qu’il y a de plus innocent,
je vous assure, de part et d’autre. Et ce n’est pas Étiennette la moins platonique des deux. Ce serait peut-être présomptueux de dire que cet amour lui ait refait une virginité, car elle n’a pas encore opéré la vente de ses objets de prix et de ses dessous pour s’en aller vivre de peu dans un sixième sans ascenseur, mais le sentiment qu’elle éprouve pour Maurice a, à son insu à elle, sa part d’élévation, je dirai presque de noblesse. Certes, elle n’a pas osé congédier de chez elle ses amies ordinaires, petites dames de chez Maxim’s et autres lieux nocturnes, si bien que ces dernières tiennent, devant son préféré, des propos, quelque
fois professionnels, bien faits pour étonner une moins robuste candeur, mais elle se choquera de ces insanités débitées, même sans penser à mal, au jeune séminariste. Elle l’a placé si haut dans son esprit que tout ce qui peut obnubiler cet idéalla révolte. Maurice est pour elle un dieu, et, comme le disait un jour à
VAUDEVILLE. — LE BOURGEON. — Acte I-er
MAURICE DE PLOUNIDEC (M. André Brulé)
l’abbé bourset (M. Jofïre)
Csse DE PLOUNIDEC (Mme Anna Judic)
Décor de M. Amable,
ÉTIENNETTE
(Mlle Jeanne Roily)
OUÉRASSIN
(M. Baron fils)
Photo P. Boyer.