de piano? Grâce n’est pas une petite fille qui s’abandonne à des rêves romanesques : elle a vingt-sept ans ; elle a de la raison et de la volonté. Claude Morillot ne l’a pas séduitepar de belles paroles; il est gauche, timide; il est étourdi par un bonheur qu’il n’aurait jamais osé souhaiter. Mais Grâce est une mystique. Au couvent on l’appelait la Madone. Elle a voulu entrer en reli


gion. Ce qui l’a charmée, c’est précisément l humilité de Claude.


Elle s’est penchée sur sa détresse, comme la divinité incline parfois sa miséricorde sur les plus pauvres des mortels. Elle l’a élevé vers le paradis qu’il n’espérait point et qu’il craint toujours de perdre. Elle regarde avec une tendresse attentive ce modeste qui s’étonne d’être l’élu, i
Il faut cependant qu’il travaille. Une amie de Grâce, Suzanne, a épousé un riche.raffineur, Roger Lechâtelier. Il lui est facile de fournir à Claude Claude, elle excusera son imprudence. Hélas! il n’est point l’homme qu’elle avait rêvé et elle sent bien que son existence sera toujours, éternellement médiocre.
Elle a bien voulu passer quelques semaines chez son amie Suzanne Lechâtelier, aux environs de Compïègne. Tandis que Claude reste dans le vilain hôtel et s’acquitte de sa besogne quo
tidienne, Grâce a de belles robes et, sous le nom de Madame Chalindrey, elle vit dans une société élégante. Roger se garde
Elle refuse d’écouter sa mère, qui tente de la ramener dans le droit chemin et qui, pour la toucher, a recours à toutes les
hypocrisies : phrases vaines de la morale, évanouissement simulé, larmes d’une petite sœur que Grâce chérit. Grâce ne reviendra dans sa famille que si ses parents consentent à son mariage avec Claude. Pourquoi s’y opposent-ils? Nous compre
nons qu’ils aient d’abord repoussé cette mésalliance; mais n’ontils point intérêt à légitimer une union scandaleuse ?


M. Henry Bataille a tenu évidemment à nous signaler la fausseté de l’honneur mondain. Il nous montre aussi Roger Lechâtelier qui guette Grâce comme une belle proie, qui est bien décidé à profiter de défaillances qu’il prévoit et qu’il pro




voquerait. Mais Grâce refuse avec une dignité charmante les propositions brutales de Roger. Elle l’oblige, en souriant, au




respect. Où donc trouvera-t-elle la protection désintéressée dont elle a besoin? Sa famille la repousse, Roger la désire. Claude? Mais Claude est puéril. Pour prendre en location un piano ne vient-il pas de prélever deux cents francs sur la caisse qui lui a été confiée? Grâce se sent bien seule dans la vie. Elle berce


bien de lui parler d’amour. Il n’a pas oublié la leçon spirituelle qu’elle lui a donnée. Il l’entoure d’attentions et de prévenances. Elle ne peut former un souhait qui ne soit aussitôt exaucé. Elle sent toujours la volonté de Roger et son invisible présence. Cette adoration muette et respectueuse la touche, l’enivre. Elle s’éva
nouit presque parce que Roger a frôlé trop longuement sa main.
Elle comprend qu’elle lui appartient. Tout le monde s’aperçoit de la passion qui grandit entre Grâce et Roger. Inquiète,
MARIETTE DE PLESSANS (M11 Macnyll)
Décor de M. Amable.
Photo P. Boyer,
grace de plessans (M*1 B. Bady)
Mme de plessans (Mm« Cécile Caron) hortense de plessans (Mlle J. Marie-Laurent)
VAUDEVILLE. — LA MARCHE NUPTIALE. — Acte II