LUDOVIC HALÉVY
Il y a un demi-siècle, — c’était dans les premiers jours de juillet de l’année 1855, — le musicien Jacques Offenbach ouvrait, aux Champs-Ely
sées, son premier théâtre. L’installation en
était bien modeste ; le prix des places était modéré. L’affiche annonçait plusieurs petites pièces dont l’une est demeurée célèbre : les Deux Aveugles. La soirée commençait par un prologue intitulé Entre\, Messieurs, Mesdames et signé Servières. C’est la pre
mière œuvre que M. Ludovic Halévy écrivit pour la scène, et nous célébrons aujourd’hui son jubilé : cinquante ans de théâtre !
Pourquoi dissimulait-il sous le pseudonyme de Servières sa personnalité? Craignait-il de compromettre, parla frivolité de cette fantaisie, une famille qui était parée du prestige acadé
mique ? Bien qu’il n’eût guère que vingt ans, Ludovic Halévy occupait un poste important dans l’administration de notre pays. Était-il admissible qu’un fonctionnaire notoire présentât au
public un spectacle aussi joyeux ? Comment ? A vingt ans, Ludovic Halévy était déjà une manière de personnage? Mais oui ! Il s’est plu à déclarer souvent que sa carrière fut facile.
Quand il entra à l’Académie française, le 4 février 1886, il commença son discours de réception par cette phrase: « On m’a souvent reproché d’être un homme heureux et je n’ai jamais fait difficulté de reconnaître que cette accusation était pleinement justifiée. »
Son véritable bonheur, ce fut, c’est encore sa famille. Son père, Léon Halévy, était un homme d’une profonde culture et d’une souplesse d’esprit tout à fait rare. Il écrivait des tragédies, mais la majesté classique des alexandrins ne lui faisait pas dédai
gner l’art de tourner agréablement les couplets de vaudeville. Son grand-père maternel était un architecte, Hippolyte Le Bas, membre de l’Institut, qui demeurait à l’Institut et vivait dans le société de peintres qui devinrent illustres. Son oncle, Fromental
M. LUDOVIC HALÉVY EN 1865
HENRY MEILHAC EN 186 5