sion pour l’historien latin et il voulut connaître aussi tous les chefs-d’œuvre de l’antiquité. Incapable de comprendre les langues mortes, il choisit des traductions fidèles. Ce com
merce avec les écrivains et les penseurs de jadis ne lui fut pas inutile. Il se classait premier, en rhétorique, dans la première composition de discours français. Il était sauvé.
Il ne dédaignait d’ailleurs pas les modernes. Les lettres fran
çaises étaient, à ce moment, glorieuses. Nous avons aujourd’hui des poètes de talent, des romanciers subtils. Mais les ouvrages nouveaux qui s’offraient à la curiosité des jeunes gens étaient signés de Victor Hugo, de Lamartine, de Musset, de Vigny, de Balzac, de George Sand. Un incident nous montre que l’admi
ration de Ludovic Halévy n’allait pas seulement aux anciens. Pour avoir lu un livre de George Sand qui fut jugé immoral, il
UNS LOGIS AU PALAIS-ROYAL PENDANT UNE REPRÉSENTATION DU BRÉSILIEN 1862
(En scène, Brasseur et Gil Pérès. DansTavant-scène l’Empereur Napoléon III. Dessin original de Henry Meilhac)
subit la peine des arrêts. Ces heures de châtiment lui fournirent plus tard d’utiles souvenirs quand il écrivit avec Meilhac Toto chez Tata.
J’imagine que Prévost-Paradol ne donna pas seulement à Ludovic Halévy l’amour de la lecture. Il lui apprit sans doute à penser et à vivre librement. Il était de ceux qui estiment que l’homme de lettres ne doit pas se désintéresser des luttes politiques et poursuivre dans l’ombre un labeur tranquille. Il voulait
que celui qui a le privilège de manier des idées les proposât à la foule. Il souhaitait les polémiques fécondes qui défendent les programmes généreux, qui dissipent l’ignorance des masses. C’est en toute sincérité qu’il se rallia à l’Empire quand il crut à la sincérité de son évolution libérale. Trompé par les événe
ments, atterré par la déclaration de guerre, il se tua. Il paya de sa vie une erreur. Sous une apparence élégante, il eut une âme stoïcienne. Certes, Ludovic Halévy ne devint pas, auprès de lui,