âpre et violent. Mais la partie satirique de son oeuvre, les pages émues et clairvoyantes que lui inspira l’invasion, l’attitude qu’il prit plus récemment à une époque de troubles civils, suffi
sent à prouver qu’il était digne d’un si rare ami, et qu’il fut toujours prêt à défendre la liberté, la patrie et aussi la justice.
Cependant, les événements qui se déroulèrent en France, pendant les années qu’il passa au lycée, pouvaient l’inciter a une certaine indifférence en matière de politique. Dans un discours
Photo Mayer Pierson,
MIle PFOTZER
En 1852, Ludovic Halévy avait terminé ses études. 11 se sentait impé
rieusement attiré vers la carrière littéraire. Mais, à cette époque, les pa
rents montraient encore envers ce métier une défiance qui s’est malheu
reusement dissipée. Aujourd hui, nombre de jeunes gens entrent har
diment dans les journaux, se destinent au roman ou bien au théâtre. La tâche de reporter, de psychologue, ou d’auteur dramatique, nourrit son homme. Mais, au milieu du xixe siècle, la presse française n’avait encore pris qu’un faible développement. Il y avait cinq ou six feuilles qui paraissaient quotidiennement. La vente au numéro était fort restreinte. Je ne sais même pas si les kiosques de journaux exis
taient. L’abonnement était coûteux et beaucoup de personnes entraient dans les cabinets de lecture-pour se tenir au courant des nouvelles politiques ou littéraires. Il n’était pas aisé de trouver un éditeur qui consentit à vendre, sous le nom de volumes, des notations rapides, des souvenirs personnels, des lettres. Quant aux théâtres, leur nombre était limité. Ils étaient encore soumis à une réglementation très stricte. Le Théâtre
qu’il prononça, en 1887, à la distribution des prix du lycée Louis-le-Grand, il a rappelé que l’effet de la révolution de 1848 fut la suppression de l’ancien uniforme : plus de chapeaux de soie à haute forme, plus de larges cravates de percale, plus d’habits à longues basques, mais des képis galonnés d’or et des tuniques militaires. Un enfant enclin à l’ironie aurait pu en conclure que les barricades ne servent qu’à modifier les costumes officiels. Ne serait-il pas naturel que le scepticisme se fût em
paré de l’écolier qui assista à trois révolutions, qui entendit successi
vement chanter dans la chapelle du lycée : « Domine, salvnm fac Re
gcm ! », « Domine, salvamfac Rempiiblicam ! » et « Domine, salvum fac Imperatorem » ?
Heureusement, l’exemple de certains maîtres prouvait aux jeunes Français qu’à côté des formes fragiles de Gouvernement, il y a la solidité de la conscience humaine. Ludovic Halévy conserve un pieux souvenir à deux de ses professeurs. L’un est un historien, M. Auguste Geffroy, qui devint membre de l’Institut et directeur de l’École française à Rome.
L’autre est Eugène Despois, qui l’initia aux beautés de la rhétorique. Celui-ci fut mis en disponibilité par l’Empire à cause de ses idées républicaines, et
il refusa les avantages qu’on lui offrit après la guerre. Il estimait que la joie de faire son devoir ne doit pas être souillée par des bénéfices et des compensations.
Rôle de Valentin. — LA CHANSON DE FORTUNIO. — BOUFFES-PARISIENS
sent à prouver qu’il était digne d’un si rare ami, et qu’il fut toujours prêt à défendre la liberté, la patrie et aussi la justice.
Cependant, les événements qui se déroulèrent en France, pendant les années qu’il passa au lycée, pouvaient l’inciter a une certaine indifférence en matière de politique. Dans un discours
Photo Mayer Pierson,
MIle PFOTZER
En 1852, Ludovic Halévy avait terminé ses études. 11 se sentait impé
rieusement attiré vers la carrière littéraire. Mais, à cette époque, les pa
rents montraient encore envers ce métier une défiance qui s’est malheu
reusement dissipée. Aujourd hui, nombre de jeunes gens entrent har
diment dans les journaux, se destinent au roman ou bien au théâtre. La tâche de reporter, de psychologue, ou d’auteur dramatique, nourrit son homme. Mais, au milieu du xixe siècle, la presse française n’avait encore pris qu’un faible développement. Il y avait cinq ou six feuilles qui paraissaient quotidiennement. La vente au numéro était fort restreinte. Je ne sais même pas si les kiosques de journaux exis
taient. L’abonnement était coûteux et beaucoup de personnes entraient dans les cabinets de lecture-pour se tenir au courant des nouvelles politiques ou littéraires. Il n’était pas aisé de trouver un éditeur qui consentit à vendre, sous le nom de volumes, des notations rapides, des souvenirs personnels, des lettres. Quant aux théâtres, leur nombre était limité. Ils étaient encore soumis à une réglementation très stricte. Le Théâtre
qu’il prononça, en 1887, à la distribution des prix du lycée Louis-le-Grand, il a rappelé que l’effet de la révolution de 1848 fut la suppression de l’ancien uniforme : plus de chapeaux de soie à haute forme, plus de larges cravates de percale, plus d’habits à longues basques, mais des képis galonnés d’or et des tuniques militaires. Un enfant enclin à l’ironie aurait pu en conclure que les barricades ne servent qu’à modifier les costumes officiels. Ne serait-il pas naturel que le scepticisme se fût em
paré de l’écolier qui assista à trois révolutions, qui entendit successi
vement chanter dans la chapelle du lycée : « Domine, salvnm fac Re
gcm ! », « Domine, salvamfac Rempiiblicam ! » et « Domine, salvum fac Imperatorem » ?
Heureusement, l’exemple de certains maîtres prouvait aux jeunes Français qu’à côté des formes fragiles de Gouvernement, il y a la solidité de la conscience humaine. Ludovic Halévy conserve un pieux souvenir à deux de ses professeurs. L’un est un historien, M. Auguste Geffroy, qui devint membre de l’Institut et directeur de l’École française à Rome.
L’autre est Eugène Despois, qui l’initia aux beautés de la rhétorique. Celui-ci fut mis en disponibilité par l’Empire à cause de ses idées républicaines, et
il refusa les avantages qu’on lui offrit après la guerre. Il estimait que la joie de faire son devoir ne doit pas être souillée par des bénéfices et des compensations.
Rôle de Valentin. — LA CHANSON DE FORTUNIO. — BOUFFES-PARISIENS