nicomède (M. Albert Lambert fils)
COMÉDIE-FRANÇAISE. — La Semaine de Corneille. — NICOMEDE
Rodogune fut jouée pour la première fois, jusqu’au 7 juin 1906, cette tragédie a réalisé 403 représentations).
Quant à Nicomède, qui n’avait pas été mis à la scène depuis 1864,. c’est une des œuvres les plus curieuses et les plus intéressantes du répertoire de Corneille. Lui
même disait en en parlant : « C’est une pièce d’une constitution assez extraordinaire... » Il ne l’a, du reste, pas qualifiée tragédie, mais d’une appellation plus particulière, « tragi-comédie ». Je ne sais quel critique a dit familièrement : « C’est une tragédie qui a perdu


ses échasses... » La phrase est drôle, mais ne manque pas de jus


tesse, parce que, dans Nicomède,
les personnages parlent une langue moins pompeuse, plus vraie, plus réelle que celle de la convention coutumière. Le héros principal, qui donne son nom à la tragédie, descend des hauteurs, affecte un
ton de comédie railleuse, et sous les noms historiques de Prusias, le roi débonnaire, et d’Arsinoé, sa femme ambitieuse, on serait tenté d’inscrire,entre parenthèse, comme désignation d’emploi, ceux d’Or
gon, le bon bourgeois, et de Philaminte, la maîtresse-femme, tyran-femelle du logis. C’est, d’ail
leurs, leplus grand charme de cette
pièce de nous faire voir, sous un jour nouveau, le talent de Cor
neille et sa souplesse d’exécution, par une sorte de combinaison voulue, de l’auteur du Menteur
collaborant avec l’auteur de Cinna, dans une action tragique dont le dénouement est d’agréable comé


die. En sa préface, Corneille s’en


excuse presque lui-même, lorsqu’il présente l’argument au lecteur :
« Pour la fin, écrit-il, je l’ai réduite en sorte que tous mes personnages y agissent avec générosité, et que les uns rendent ce qu’ils doivent à la vertu, alors que les autres, de
meurant dans la fermeté de leur devoir, laissent un exemple assez illustre et une conclusion assez agréable... »
L’interprétation nouvelle de Nicomède a été bonne dans son ensemble, avec quelques valeurs en saillie : j’ai beaucoup aimé Silvain dans l’incertain Prusias, parce qu’il joue bourgeoisement le per


sonnage, ainsi que l’auteur l’a


conçu ; Madame S.-Weber, qui prête sa beauté de camée à la reine Laodice, et surtout Albert Lambert, Nicomède jeune et sincère,
Photo Félix.