cette pensée qu’il construit son drame ou sa comédie. En dépit qu’il en ait, il voit dans le héros M. X ou dans l’héroïne Ma
dame Z, et il écrit ses rôles pour eux, presque sans le vouloir. Il le voudrait, d’ailleurs, qu on ne saurait l’en blâmer; le succès est à ce prix. Il est inutile ici de donner des noms; tout le monde les connaît, et ils viennent tout naturellement à l’esprit de tous ceux qui suivent le
mouvement théâtral anglais,ou si l’on aime mieux,le piétinement du théâtre anglais. Piétinerc’est faire un mouvement, mais ce n’est pas avancer. Et le théâtre anglais piétine.
D’un autre côté, le public a une forte part de responsabi
lité dans l’état de choses actuel. Bien que Shakespeare ait dit ; « Ce qui im
porte,c’est la pièce», pour le public an
glais, ce qui importe, c’est l’acteur. L’An
glais, le Londonien,
va au théâtre pour voir MM. A, B et C
et Mesdames X, Y et Z. La pièce vient en second lieu et l’auteur en troisième li
gne... et en core !
Dans un salon, dans un club anglais, on nediscute presque ja
mais le mérite de tel ou tel auteur drama
tique. Il n’en est pas un dont le nom suffise à attirer le pu
blic ; c’est l’acteur ou l’actrice en vedette qui « fait recette». Ce n’est guère encourageant pour les dra
maturges dont les critiques seuls con
naissent les noms et
les œuvres. Les neuf dixièmes des specta
teurs n’en ont cure. Quand le public an
glais s’intéressera aux auteurs autant qu’aux acteurs, l’art drama
tique de l’Angleterre renaîtra et retrouvera sa prospérité d’autre
fois; mais il restera dans un état d’infé
riorité marqué aussi longtemps que qua
tre - vingt - dix - neuf spectateurs sur cent seront incapables de dire de qui est la pièce qu’ils ont vue hier ou la semaine dernière.
Donc, à l’heure
Photo F.-W. Burford (Londres).
BRITANNICUS (M. Esme Percy)
HIS MAJESTY’S THEATRE. — NERO
qu’il est, et depuis longtemps déjà, en Angleterre, au théâtre, c’est l’acteur qui est tout. 11 peut, sans exagération, parodier le mot de Louis XIV et dire : l’art dramatique, c’est moi! et il aura raison. Mais il est bien permis de dire qu’il a pris, ou que le public lui a fait ou lui a laissé prendre une situation prépondérante qui n’est pas justifiée. Il prend sa revanche,
le comédien anglais !
Pendant longtemps il a été traité comme un paria, comme « un vagabond et un co
quin» disait même la loi. Aujourd’hui il tient le haut du pavé, il domine, il s’im
pose; il ne lui suffit pas d’être considéré; il veut être, il est considérable. Il est partout, et partout il est en vedette; dans le monde comme dans la presse, on ne s’occupe que de lui. A lui la place d’hon
neur, pendant que l’auteur dramatique se contente modestement d’un petit coin.
Il faut se rendre compte de cette situation spéciale, privilé
giée faite à l’acteur en Angleterre pour comprendre le succès de certains théâtres et la vogue de certaines pièces.
Il va sans dire que, avec le système actuel, il n’y a pas et il ne peut y avoir de théâtre du répertoire à Londres. Du jour où le regretté Sir Henrylrvinga quitté le Lyceum, devenu, depuis, un musichall, les Londoniens ont vu disparaître le dernier théâtre où l’on conservât encore les vieilles traditions.
Ce n’est que pour boucher un trou,entre deux pièces mo
dernes, que l’on joue maintenant du Shakespeare, du Sheri
dan, du Goldsmith, et il n’y a plus de troupe homogène comme autrefois. Les représentations en souffrent, mais lesacteurs, individuelle
ment, y trouvent un avantage; en passant d’un théâtre à un au
tre, en abordant tour à tour les genres les plus divers, ils font
dame Z, et il écrit ses rôles pour eux, presque sans le vouloir. Il le voudrait, d’ailleurs, qu on ne saurait l’en blâmer; le succès est à ce prix. Il est inutile ici de donner des noms; tout le monde les connaît, et ils viennent tout naturellement à l’esprit de tous ceux qui suivent le
mouvement théâtral anglais,ou si l’on aime mieux,le piétinement du théâtre anglais. Piétinerc’est faire un mouvement, mais ce n’est pas avancer. Et le théâtre anglais piétine.
D’un autre côté, le public a une forte part de responsabi
lité dans l’état de choses actuel. Bien que Shakespeare ait dit ; « Ce qui im
porte,c’est la pièce», pour le public an
glais, ce qui importe, c’est l’acteur. L’An
glais, le Londonien,
va au théâtre pour voir MM. A, B et C
et Mesdames X, Y et Z. La pièce vient en second lieu et l’auteur en troisième li
gne... et en core !
Dans un salon, dans un club anglais, on nediscute presque ja
mais le mérite de tel ou tel auteur drama
tique. Il n’en est pas un dont le nom suffise à attirer le pu
blic ; c’est l’acteur ou l’actrice en vedette qui « fait recette». Ce n’est guère encourageant pour les dra
maturges dont les critiques seuls con
naissent les noms et
les œuvres. Les neuf dixièmes des specta
teurs n’en ont cure. Quand le public an
glais s’intéressera aux auteurs autant qu’aux acteurs, l’art drama
tique de l’Angleterre renaîtra et retrouvera sa prospérité d’autre
fois; mais il restera dans un état d’infé
riorité marqué aussi longtemps que qua
tre - vingt - dix - neuf spectateurs sur cent seront incapables de dire de qui est la pièce qu’ils ont vue hier ou la semaine dernière.
Donc, à l’heure
Photo F.-W. Burford (Londres).
BRITANNICUS (M. Esme Percy)
HIS MAJESTY’S THEATRE. — NERO
qu’il est, et depuis longtemps déjà, en Angleterre, au théâtre, c’est l’acteur qui est tout. 11 peut, sans exagération, parodier le mot de Louis XIV et dire : l’art dramatique, c’est moi! et il aura raison. Mais il est bien permis de dire qu’il a pris, ou que le public lui a fait ou lui a laissé prendre une situation prépondérante qui n’est pas justifiée. Il prend sa revanche,
le comédien anglais !
Pendant longtemps il a été traité comme un paria, comme « un vagabond et un co
quin» disait même la loi. Aujourd’hui il tient le haut du pavé, il domine, il s’im
pose; il ne lui suffit pas d’être considéré; il veut être, il est considérable. Il est partout, et partout il est en vedette; dans le monde comme dans la presse, on ne s’occupe que de lui. A lui la place d’hon
neur, pendant que l’auteur dramatique se contente modestement d’un petit coin.
Il faut se rendre compte de cette situation spéciale, privilé
giée faite à l’acteur en Angleterre pour comprendre le succès de certains théâtres et la vogue de certaines pièces.
Il va sans dire que, avec le système actuel, il n’y a pas et il ne peut y avoir de théâtre du répertoire à Londres. Du jour où le regretté Sir Henrylrvinga quitté le Lyceum, devenu, depuis, un musichall, les Londoniens ont vu disparaître le dernier théâtre où l’on conservât encore les vieilles traditions.
Ce n’est que pour boucher un trou,entre deux pièces mo
dernes, que l’on joue maintenant du Shakespeare, du Sheri
dan, du Goldsmith, et il n’y a plus de troupe homogène comme autrefois. Les représentations en souffrent, mais lesacteurs, individuelle
ment, y trouvent un avantage; en passant d’un théâtre à un au
tre, en abordant tour à tour les genres les plus divers, ils font