THÉATRE NATIONAL DE L’OPÉRA-COMIQUE




Les Pêcheurs de Saint-Jean


Scènes de la vie maritime en quatre actes, poème de M. HENRI CAIN, musique de M. CH -M. WIDOR
Le sujet des Pêcheurs de Saint-Jean, le drame musical que M. Ch.-M. Widor a fait repré
senter à l’Opéra-Comique, est un fait divers pittoresque de l’existence maritime. M. Henri Cain aurait pu traiter cet épisode en un acte rude et violent; il a préféré ménager l’émotion du public en quatre actes qu’il a essayé de varier par des scènes curieuses, colorées, par des hors-d’œuvre
ingénieusement imaginés pour jeter une note claire dans ce drame où les éléments déchaînés et les passions qui se livrent de terribles combats donnent au livret une tonalité généralement sombre et même noire.
Nous sommes au port de Saint-Jean-de-Luz. On va baptiser la nouvelle barque de pêche de maître Jean-Pierre; la marraine du bateau sera la jolie Marie-Anne, la fille de Jean-Pierre. Marie-Anne aime Jacques, le pilote qui depuis longtempstravaille aux côtés de Jean-Pierre; Jacques, à son tour, n’aime pas moins Marie-Anne, mais il n’avait pas osé jusqu’ici le lui avouer, parce que Marie-Anne sera très riche procession s’avance pour bénir la barque; la céré
monie traditionnelle a lieu au milieu des prières du clergé et des chants naïfs des pêcheurs basques.
Au deuxièmeacte, Jean- Pierre a appris que son pilote aime Marie-Anne; il lui a donné son congé.
Jacques n’a pu quitter le pays; il rôde autour de la maison où habite Marie- Anne; il rencontre la bienaimée et tous deux se jurent un éternel amour. Leurs confidences sont brusque
ment interrompues par l’arrivée de Jean-Pierre qui est furieux de surprendre sa fille avec celui qu’il a congédié ; il accuse Jacques de n’en vouloir qu’à la dot de Marie-Anne. Jacques se contient pour ne pas por
ter la main sur le père de celle qu’il aime; il s’enfuit.
On le retrouve quelques instants plus tard au cabaretbuvant aveclespêcheurs et les matelots, les yeux hagards, égarés par l’al
cool; c’est pour lui une façon d’oublier son amour et son chagrin. Jean-Pierre passe par là, l’insulte et le nargue. C’en est trop
Jacques se précipite sur lui, le terrible couteau pyrénéen à la main; c’est à grand’peine que les autres pêcheurs arrivent à parer les coups destinés à Jean-Pierre. Écumant, épuisé, Jacques tombe dans les bras de sa mère en larmes.
Au troisième acte, Marie-Anne passe tristement la nuit de Noël. Le vent souffle autour de la maison, la mer est en furie.
Jean-Pierre n’est pas rentré du large et son pilote Jacques n’est plus là pour le sauver s’il arrivait un malheur. Voici la mère de Jacques qui console la pauvre Marie-Anne ; elle est venue en secret, car elle aussi a été chassée par Jean-Pierre. Jacques a couru à la suite de sa mère; il ne veut pas qu’elle reste plus longtemps dans cette maison si inhospitalière pour elle et pour lui, cette maison où on l’a oublié, lui, après les serments qu’on lui a faits. Marie-Anne n’a pas de peine à prouver au malheu
reux qu’elle a conservé intacte la foi jurée. Il demande alors à Marie-Anne de fuir avec lui. Elle refuse et il part fou de douleur.
Au quatrième acte, la tempête déferle, les vagues se ruent contre les rochers. Au large, la barque de Jean-Pierre est désemparée et ne peut rentrer au port. Tandis que les habitants du vil
lage se lamentent, Jacques arrive. Il suffit que Marie- Anne l’ait regardé avec des yeux suppliants, il comprend son devoir, s’em
barque avec dix hommes résolus, vole au secours de Jean-Pierre et le ramène lui et son équipage. On comprend de reste que Jean-Pierre ne peut plus hésiter à donner sa fille en mariage à Jacques qui l’a sauvé.
Tel est ce drame, raconté le plus brièvement possible. Mais pendant ces quatre actes où évoluent les personnages que je viens de citer, il en est un dont je n’ai pas fait mention et qui a bien son importance : c’est la mer. Elle est sur la scène, elle est dans la coulisse. Elle caresse, elle mugit. Quand elle est tranquille, elle permet aux matelots de chanter au cabaret ; quand elle devient furieuse, elle plane au-dessusdel’amour, elle lui commande, elle le guide. Et c’est, on l’avouera, un personnage qui n’est pas sans grandeur.
La partition que
M. Ch.-M. Widor a écrite


un jour. Mais voici que la


M . HENRI CAIN
Photo P.


Berger.