AU CONSERVATOIRE
Cette année, comme l’année dernière, les concours ont eu lieu à l’Opéra-Comique. Il est probable que, dorénavant, il en sera toujours ainsi, et cela ne changera que :
Quand on r’construira le Conservatoire,
ce qui me paraît être une opération architecturale renvoyée aux calendes grecques, puisque nous sommes dans un « doux » pays où l on n’a d’argent que pour les choses inutiles.
Constatons, avec peine d’ailleurs, que « plus ça change, plus c’est la même chose », et que ces concours, qui devraient être un simple examen de fin d’année, se transforment en représentations gratuites, dont les places sont distribuées, avec une fas
tueuse libéralité, à toutes les personnes qui n’ont rien à y voir,
et qui trouvent simplement, dans ces séances, l’occasion de tuer le temps d’un après-midi oisif.
Maintenant, voyons comment se sont passées les choses, en procédant par ordre, comme c’est notre habitude.
Voici d’abord le « chant », classe des hommes :
Dix-neuf concurrents se présentèrent devant un jury composé de MM. Gailhard, Ad. Bruneau, Paul Dukas, Paul Vidal, Véronge de la Nux, Renaud, Delmas, Dufranne, Escalaïs et Vilmos Beck, présidé par M. Gabriel Fauré, le nouveau direc
teur du Conservatoire, qu’assistent MM. Ad. Bernheim, d’Estournelles de Constant, et F. Bourgeat, qui représentent l’administration.
La moyenne du concours fut loin d’être mauvaise, elle témoigne d’une certaine émulation, on voit qu’on a « travaillé », bien qu’aucune personnalité ne se soit mise en saillie, et les élèves, qui pour la plupart chantent bien, auraient besoin de donner plus d’« expression-» à ce qu’ils chantent.
Les deux premiers prix ont été décernés à M. G. Petit, déjà remarqué au dernier concours, très en progrès, qui a bien détaillé un air difficile de Mendelssohn ; et à M. Franceil, un ténor doué d’une jolie voix, qui a chanté, dans un bon style et de belles sonorités, un air de Bon Juan. Ces deux récom
penses nous ont paru très méritées, malgré les glapissements de ce public inutile qui, parait-il, avait d’autres favoris.
Trois seconds prix : à MM. Nansen, qui a dit agréablement un air de Stratonice, chanteur de demi-caractère, qui semble plus fait pour les salons que pour le théâtre; Dupouy, baryton
correct, qui a bien chanté une page de YElie de Mendelssohn ; Sorrèze, plus douteux, d’un organe insuffisant, dont le succès a soulevé quelque tempête.
Deux premiers accessits : à MM. Gilles, bonne voix de basse, qui a chanté l’air traditionnel des Indes galantes, et Domnier, baryton de bon timbre. Puis quatre seconds : à MM. Vigneau, un beau ténor, qui eût pu être mieux servi; Payait, Vaurs et Teissier... encouragement.
A signaler, M. Meurisse, une basse expressive, qui est resté sur le pavé... Pourquoi ??
Le concours des élèves femmes a été beaucoup plus brillant. Là, il y a des sujets mûrs déjà pour le théâtre, et une collection de voix vraiment belles. Il en est même jusqu’à « deux » qui sont tout à fait remarquables, maniées par des artistes d’une
virtuosité réelle. Le jury, qui a fait de son mieux, a dû vraiment éprouver l’embarras du choix ; il eût pu décerner des prix à tout le monde. Il y a longtemps qu’on n’a vu si beau concours, et ici le sexe faible a battu le sexe fort, à plate couture.
Trois premiers prix : à Mademoiselle Martyl (élève de M. Martini), une jolie blonde, expressive, douée d une voix déli
cieuse, qu’elle dirige avec un style exquis; c’est une étoile qui se lève. Dès son premier concours, elle s’est mise hors de pair. Elle a chanté à merveille un air difficile de la Création, d’Haydn;
Mademoiselle Lasaile, une voix solide, aux accents superbes, qui a chanté l’air du Prophète avec une belle autorité drama
tique; Mademoiselle Lamare, artiste charmante et savante, qui a dit la Marguerite au rouet, de Schubert, simple mélodie, un peu grêle comme morceau de concours.
Quatre seconds prix : à Mademoiselle Bailac, qui a fait preuve d’une belle voix, dans une seconde exécution de l’air de Fidès, du Prophète; Mademoiselle Delimoges, exquise chanteuse
d opéra-comique; Mademoiselle Galle, toute jeune encore, mais déjà classée pour sa voix chaude, vibrante, au sûr médium; et Mademoiselle Madeski, pour sa bonne exécution de la Prise de Troie.
Quatre premiers accessits, qui pourraient être quatre premiers prix en une année de disette : à Mesdemoiselles Daubigny, Gustin, Jeanne Bloch et Chantal, qui toutes firent preuve de réelles qualités.
Enfin, quatre seconds accessits : à Mesdemoiselles Salva, Le Photo H. Manuel.Photo Paul Boyer.Mlle BAILAC
2e prix de chant. — 2e prix d’opéra
M11® GALLE
2 prix de chant. — 2« accessit d’opéra
CONSERVATOIRE NATIONAL DE MUSIQUE ET DE DÉCLAMATION