COMÉDIE-FRANÇAISE




Le Prétexte


Comédie en deux actes, en prose, de M. DANIEL RICHE
LE divorce et ses multiples conséquences a paru à M. Daniel Riche un sujet propre à fournir deux actes pour la Comédie-Française; non point deux actes à thèse, sévères ou tragiques, mais deux actes aux allures de vaudeville, où la moralité se dissimule sous les plaisanteries ; l’émotion sous l’exagération du jeu de personnages toujours volontairement comique.


Je ne sais si, traité dans le genre sérieux ou sentimental, ce sujet n’eût pas donné quelque chose ; soumis au régime du rire,


il a perdu quelque peu de sa valeur. Le ton badin employé pour parler de choses pénibles ne provoque qu’un rire où se mêle un peu de dépit irrité; la bouffonnerie des personnages qui n’est pas toujours de bon goût nous gâte le plaisir que nous aurions eu à suivre l’auteur en des déductions plus fines, partant plus vraies, et à nous intéresser à un épisode qui n’est pas sans un touchant intérêt.
Il n’est pas jusqu’au titre qui nous déconcerte. Le Prétexte c’est l’histoire de deux vieux divorcés qui n’ont qu’une fille et qui ne cherchent qu’une occasion de renouer; l’idée qu’ils pourront perdre cette fille qui vient de se marier leur fournit le « prétexte » de rapproche
ment qu’ils cherchaient après s’être, — tout au long de ces deux actes,— abreuvés de mu
tuelles injures. Le vrai sujet n’est pas là ; il est dans cette parole de la jeune héroïne de la pièce : « On ne doit pas divorcer quand on a des en
fants. » Le titre ne nous le dit malheureusement pas, le scénario de la pièce non plus.


***


Madame Lebrizard, la seule personne sensée de la pièce — et que Madame Thé
rèse Kolb interprète avec sa bonne humeur et sa rondeur habituelles, — a un neveu,
André (M. Paul Numa). Il s’est épris de Jeanne de Ternoy (Mademoiselle Muller), fille d’un ménage divorcé.
M. deTernoy, à qui M. Pierre Laugier prête les grâces co
miques qu’il sait si bien dis
penser dans les comédies d’Augier qu’il interprète et sa femme, Madame de Fiérens, évaporée, trépidante, colère
et fantasque, telle que nous l’a rendue Madame du Minil, se sont séparés après huit ans de mariage. Depuis que le divorce a été prononcé, ils se battent devant la justice pour des riens; ils en sont à leur vingtième procès, et l’un comme l’autre ne peuvent entendre prononcer leur nom sans entrer aussitôt en fureur.
M. de Ternoy, dont c’est le jour d’avoir Jeanne, a amené sa fille chez Madame Lebrizard. Il sait quels sont les projets d’André et les approuve; mais qu’on ne parle pas de lui à son ancienne femme, sans quoi tout serait manqué.
Il en est là de ses vindicatifs conseils, lorsque entre une espèce de bureaucrate grotesque, sorte de Gribouille administratif (que M. Georges Berr rend avec talent, mais en charge), dont la balourdise sera pour l’auteur un des éléments du comique de sa pièce, ce qui n’empêchera pas que ce soit à lui qu’il confiera le soin de dénouer l’action et de conclure. Laperche, s’est ainsi qu’il se nomme, sous-chef de bureau au ministère de l’Agricul
ture, a sauvé Jeanne et sa mère d’un accident de voiture. Celle-ci s’est prise de passion pour cet être simple, et comme, à ses yeux, il a le mérite de n’être pas connu de M. de Ternoy, elle veut en
faire le mari de sa fille. C’est dans ce but que, sans façon, elle l’a invité à la table de son amie Madame Lebrizard, chez qui elle doit dîner le soir. Mais tout le plan qu’elle avait machiné est détruit ; Laperche est marié depuis huit ans et, lui, ne veut pas divorcer. Comme elle s’est mise en tête de marier Jeanne, elle accueille favorablement la demande qu’André, qui a intel
ligemment caché son jeu, lui fait de la main de sa fille.
Ces fiançailles mettent en présence l’ancien mari et son ancienne femme; d’abord courtois, l’entretien s’enve
nime; il se termine par des injures, lorsque l’un et l’autre ont posé comme condition au mariage que, ni l’un, ni l’autre n’auraient le droit d’entrer chez le jeune ménage.

* *
André a tout promis, quitte à ne rien tenir. Le voilà marié. Heureux? Il le serait s’il n’a­
vait sa vie empoisonnée par la perpétuelle présence chez lui de ses beaux-parents qui,
Pliolo Félix.
M. DANIEL RICHE