Mademoiselle Borgo, très belle, très dramatique et très acclamée, une tragédienne lyrique qui a le diable au corps et lui a donné toute liberté dans la chanson patriotique du Tribut de Zamora : « Allons, Enfants de l’Ibérie ! », cet air un peu com
Cliché Pierre Petit.
mun mais assez enthousiaste, que Gounod appelait « ma Marseillaise ». Elle y a très brillamment décroché son premier prix.— Mademoiselle Blot, une fort jolie femme, un peu capri
cieuse, et qui manifeste sa mauvaise humeur quand le jury ne se laisse pas convaincre. Mademoiselle Vix, étrange et charmante, d’un talent très personnel, et Made
moiselle Foréau, une falcon qui cueille des lauriers danstous les genres lyriques, ont obtenu des seconds prix. — Trois premiers accessits, bien mérités, à Mesdemoiselles Thiesset, Cornes et Mérentié, —un second accessit à Mademoiselle Royer. — En somme,
concours excellent du côté féminin, où, accident rare, toutes les concurrentes, sans exception, furent récompensées, et ce fut justice.
Du côté des hommes, le jury, sévère mais juste, n’a pas donné de premier prix. Il s’est contenté de deux seconds prix, à M. Devriès, intéressant dans Faust, et Morati, chanteur adroit, dans la scène des Tombeaux, de Roméo et Juliette; un premier accessit à M. Lafont ; deux seconds, à MM. Simard et Milhau. Le concours des hommes s’est tenu entre le passable et le médiocre, plus voisin du second que du premier.
Le côté féminin triomphe encore dans le concours d’opéra-comique, où les hommes font assez triste figure. Ceux-ci n’ont obtenu, en tout et pour tout, qu’un premier et un second prix. — Le premier prix, à M. Casella, bon comédien et adroit chanteur; il a chanté et surtout joué le rôle de Miton, de le Roi l’a dit! de Delibes, avec une verve comique qui a mis toute la salle en gaieté. — Le second prix, à M. Chevalier, qui m’a paru excellent dans la scène dite du somnambulisme, d’Haydée; je dis excellent, autant qu’il est permis de l’être dans ce morceau de facture « rococo ».
Les femmes ont été mieux dotées, et le méritèrent vraiment. Le jury du concours de chant avait réuni, dans un second prix, les noms de Mesdemoiselles Foréau et Duchêne ; il les a disjointes cette fois; le premier prix a été accordé à Mademoiselle Foréau (déjà deuxième prix dechantet deuxième prixd’opéra), pour son émouvante et intelligente interprétation de Werther. Elle a dit la scène des « lettres ». On a fait, pour ce fragment, tous les frais de mise en scène que comporte le Conservatoire, c’est-à-dire un grand remue-ménage de chaises et de tables, qui a mis la salle en gaieté. Je n’affirmerais pas que Mademoi
selle Foréau n’ait bénéficié de cette belle humeur; en tout cas, son succès a été très grand. Mademoiselle Duchêne, qui n’a eu qu’un second prix, est une can
tatrice très faite, et sa voix de mezzo-soprano est de belle ampleur. Elle a joué, en véritable artiste, la scène d’Orphée ramenant Eurydice et laperdant pour la seconde fois; mais pourquoi chevrote-t-elle? la douleur peut s’exprimer sans ces subterfuges inutiles, presque vieillots. Des premiers accessits ont été décernés à Mademoiselle Vallandri (Mireille), Ma
dame Vergonnet (Manon); des deuxièmes à Madame Dangès, Mademoiselle Vix et à Madame Guionie,
la première très nature et très bien campée dans la Jacqueline du Médecin malgré lui, prise en belle humeur; la seconde un peu sacrifiée dans la scène grise et ennuyeuse de Djamileh; la troisième, un peu lourde, dans le vétuste Maître de Chapelle.
Passons maintenant au concours de déclamation : celui-là n’est pas le moins suivi, et, cette année, la poussée dramatique a été telle qu’il a fallu mettre une rallonge. On a donc divisé le concours en deux séances : une matinée fut consacrée à la tragédie, une journée entière à la comédie.
Le concours de tragédie a d’ailleurs été peu com
m,,c agnès borgo. — 1er Prix d’opéra