giatures estivales, ni le plaisir de chasser les mouettes, ni l’annonce lue dans un journal local qui l’a conduit auprès du docteur.
Unenotice surles decouvertes de Kervil, discutée àl’Académiede Médecine, a attiré son attention ; il a flairé dans l’exploitation du
nouveau sérum une source de bénéfices considérables; il vient se rendre compte de la situation et du parti qu’il en pourra tirer.
Ce Chambalot étale cyniquement son féroce égoïsme. Il se proclame un disciple de Nietzche ; avant tout, il songe à satisfaire ses petits appétits et ses vastes désirs ; il veut d’abord jouir de toutes choses, et il se souciera aussi peu d’écraser un chien avec
côté du mal, il a tôt vu le remède. Adrienne est très éprise du docteur, que son élégance, sa grâce, son charme ont subjugué, étourdi. Il faut donc qu’un divorce libérant Jean Kervil, un second mariage avec Madame Darnot lui donne la fortune, la
santé et, par conséquent, le succès. Brutalement, notre homme révèle à Adrienne l’état de son propre cœur qu’elle se cachait à elle-même, -— car elle estfoncièrement honnête, — et il l’invite à l’action immédiate. La jeune femme a d’abord un mouvement de généreuse révolte! elle ne peut infliger à Yvonne une pareille
torture morale. « Puisqu’il ne s’agit que d’argent, dit-elle à Chambalot, venez en aide â votre ami. — Je ne suis pas riche,
réplique-t-il, je n’ai que l’apparence de la fortune. — Et votre société? — La santé de Kervil rend l’affaire trop incertaine.
— Si je vous avançais la somme? » Hélas! les convenances mondaines et sociales de notre époque ne permettent pas une pareille combinaison dont tout le monde aurait à souffrir! Les événements vont précipiter la catastrophe. Yvonne a compris, je ne dirai pas la passion, mais l’attirance qui va jeter son mari
dans les bras d’Adrïenne ; elle veut éloigner sa rivale et, prenant prétexte de l’état maladif de Gilberte dont les nerfs sont surexcités
son automobile pour « faire de la vitesse », de se montrer grossier à table afin de s’emparer des meilleurs morceaux, ou de brûler une tapisserie ancienne avec les cendres de sa pipe en
fumant à l’aise dans un confortable fauteuil, que de mettre à mal une naïve Bretonne qu’il séduira après l’avoir quelque peu violentée, ou de broyer l’âme d’une créature admirable. Il va maintenant jouer le grand jeu. Il croit que la fortune est au bout; ses atouts, cette fois, ce sont deux cœurs de femmes!
Chambalot a vite compris le danger; Kervil, malade, épuisé, à bout de ressources, peut succomber avant la réussite. Mais, à
par l’air de la mer, elle la prie, elle lui intime presque l’ordre de quitter au plus tôt le pays. Adrienne s’affole. Dans un entretien avec sa belle-mère qui la rappelle à ses devoirs avec beaucoup de fermeté, de délicatesse et de bon sens, elle laisse voir la vio
lence de ses sentiments. Non, elle ne partira pas. En présence de Kervil, elle exalte son dévouement à la science, l’intérêt de tant de familles que ses découvertes rendront au bonheur ; elle le sup
plie de sauver tous ces malheureux, de donner un père à Gilberte, qui aura besoin d’une direction énergique. Et Kervil, entraîné, consent, tandis qne Chambalot murmure gaiement en se frottant les mains : « Ça y est ! »
Il faut maintenant décider Yvonne au divorce. Tâche malaisée, car elle est aussi tendre épouse que chrétienne fervente.
Chambalot n’est guère embarrassé. Il lui persuadera qu’en demeurant auprès de son mari, elle n’obéit pas à un noble et pur amour, mais à l’égoïsme le plus effrené : « Vous l’aimez pour vous, non dans son propre intérêt. Quand, pour lui conserver la vie qui l’abandonne, pour l’aider à accomplir une œuvre gran
diose, il faut vous sacrifier, vous refusez ; c’est vous-même que vous chérissez dans la personne de Jean. Vous me reprochez de
Photo Paul Boyer.
CHAMBALOT
(M. R. Duflos)
ADRIENNE DARNOT (Mile g. Cerny)
Décor de M. Jambon.
COMÉDIE-FRANÇAISE. — LES MOUETTES. — Acte II