THÉATRE DES VARIÉTÉS
Miquette et sa Mère
Comédie en trois actes, de MM. R. de FLERS et G.-A. de CAILLAVET Voici peut-être l’oeuvre la plus brillante, la plus char
mante, la plus achevée, due à la collaboration de MM. Robert de Fiers et Gaston-A. de Caillavet. Voici la comédie qui leur fait, à mes yeux, le plus d’honneur ; de laquelle ils tireront le profit le plus fin et le plus considérable ; voici un des plus gros succès du Théâtre des Variétés !
Miquette et sa Mère! Jamais les heureux écrivains, les délicieux compères auxquels nous devons les Travaux d’Hercule,
le Sire de Vergy, M. de la Palisse, les Sentiers de la Vertu, l’Ange du Foyer, n’ont répandu avec plus de maîtrise, d’abon
VARIÉTÉS. — MIQUETTE ET SA MÈRE
dance et de chance leurs dons prime-sautiers, leur esprit de mots et d’observation, leur santé, leur malice; jamais ils n’ont conçu et réalisé de plus délicieux fantoches; et qui côtoient de plus près la simple, tendre et riante humanité.
On a souvent écrit que MM. de Fiers et de Caillavet étaient les Meilhac et Halévy de la génération nouvelle. 11 faut bien que l’on écrive quelque chose. Et la manie de la classification est de de celles qui étreignent le plus furieusement les critiques dramatiques à court de copie.
La vérité, c’est que MM- de Fiers et de Caillavet travaillent à deux comme leurs illustres devanciers, récoltent comme eux les plus éclatants succès dans l’opérette et la comédie légère ; s’installent comme eux, victorieusement et avec allégresse, dans ce Théâtre des Variétés où, disait Weiss, « on sent battre le pouls de Paris... ».
Mais la vérité aussi, c’est que les auteurs de Miquette me paraissent appar
tenir tout à fait au boulevard de leur époque ; c’est qu’ils expriment en mots d aujourd hui des façons de sentir nou
velles; c’est qu’ils sont peut-être plus subtilement gouailleurs, plus littéraire
ment analytiques, plus équivoquement observateurs aussi, que leurs devanciers;
c’est qu’ils ont salué de très près pas mal de petites Claudine, qui s’appelaient encore Totoche au lendemain de la guerre... ; c’est que les mœurs varient plus vite que les sentiments, surtout les mœurs joyeuses...; et que, précisément, MM. de Fiers et de Caillavet, en même temps qu’ils connaissent le cœur humain tou
jours identique à lui-même, sont encore parfaitement au courant de ce qui se dit, de ce qui se fait, de ce qui se fredonne, à l’heure, à la minute présente, en un coin — toujours le même — du même boule
vard !... Ils l’expriment donc avec plaisir, avec naturel, avec abondance, avec même un souci de littérature et d’écriture, par quoi ils charment les gens de finesse, l’Académie et les salons... De là vient leur succès fervent, leur succès actuel, leur succès durable; et la faveur croissante dont ils jouissent auprès de la foule, des directeurs et de leurs plus difficiles amis...
Pour ce qui est de ressusciter Meilhac et Halévy... oui, si l’on veut. Mais Meilhac et Halévy vivent encore. Ils vivront long
temps. Ils vivront toujours,.. Ils sont durables, ils sont délicieusement éternels,
ils sont classiques. On n’exprime pas impunément tant d’observations justes,
montgrébin ( M. Matrat)Photo P. Boyer.