mordante, a l’entrain du diable, et possède le don des planches, il est fâcheux qu’elle n’ait pas été servie par un meilleur livret.

Au Vaudeville, Réjane a fait sa rentrée par son rôle de Jacqueline dans la Passerelle, elle s’y est retrouvée toute à l’aise. La pièce de Madame Fréd. Grésac et de M. Francis de Croisset a conservé sa distribution d’antan! seul le rôle de l’avoué Bienaimé a changé de titulaire. Tarride a cédé son étude, à Lérand, le courant des affaires est resté le même et les clients n’ont pas déserté.

A Déjazet c’est une comédie alsacienne, — car il y a un théâtre local en Alsace, — Mossieu le Maire, qui a pris l’affiche. Mossieu le Maire appartient au genre burlesque, c’est, d’ailleurs, celui qui réussit le mieux, tout là-bas, boulevard du Temple.

Notre «Quinzaine» d’aujourd’hui s’agrémente du por

trait de jeunes comédiennes dont nous voulons dire ici quelques mots comme légende à leur portrait. Mademoi

selle Miramon, de l’Athénée, Mademoiselle Lantelme, du Gymnase, et Mademoiselle Dallet, en ce moment en représentation au théâtre des Capucines.

Mademoiselle Miramon est une jolie personne, très fine, avec de grands yeux étonnés qui ne manquent pas d’esprit, elle est élégante et porte merveilleusement la toilette. Je l’avais remarquée, jadis, aux Nouveautés, et l’ai retrouvée avec plaisir à l’Athénée où elle m’a paru charmante dans le rôle de la cocotte Fleurange. Elle dit bien, joue avec aisance, c est une jeune coquette de bonne école, qui a de la grâce et du charme, il ne lui manque qu’une création pour sortir de pair et prendre la place qu’elle mérite.

Je connais moins Mademoiselle Lantelme. Je n’ai eu occasion de la voir que deux fois seulement au théâtre du Gymnase, l’été dernier, dans Pépin cadet, — où elle jouait avec beaucoup de sincérité, le rôle d’une petite Bretonne de tendresse crédule — et, en ces derniers temps, dans la comédie de Pierre Wolff, le Secret de Polichinelle, en ce moment le grand succès du théâtre du boulevard Bonne-Nouvelle,— où elle joue, avec une certaine naïveté bourgeoise, le rôle de la jeune fille à marier, qui regarde la

muraille, quand la conversation prend un tour trop libre, —

c’est une ingénue aux nuances variées, qui est loin d’être sans qualités.

Quant a Mademoiselle Dallet, elle joue en ce moment aux Capucines avec beaucoup de vérité et aussi de succès, le rôle de Jack, le collégien libertin et vicieux dans le Petit Homme de Pierre Wolff. Mademoiselle Dallet a vraiment du talent, et même un talent personnel et original, on voit bien qu’elle s’inspire de Céline Chaumont, mais sans la copier, et je m’étonne qu’un théâtre de genre n’ait pas eu l’idée de s’attacher cette jeune artiste, dont le jeu personnel et l’originalité pourraient trouver leur emploi dans bien des réper

toires. En attendant, elle s’exerce aux Capucines, pour le plus grand plaisir du public très distingué, qui fréquente ce petit théâtre suggestif et intéressant.

Et, par pat enthèse, un jour où j’aurai de la place et du loisir, je veux parler ici de ces deux théâtres dits «à côté», les

Capucines et le Grand-Guignol qui, tous deux, ont conquis droit de cité, ont leurs habitués très fidèles, forment des comédiens, aident les jeunes auteurs à se produire, et donnent asile à la fantaisie des autres, alors que celle-ci veut bien s’épancher sous la forme de la pièce en un acte la pièce brève, rapide, concrète, qui fut autrefois si fort à la mode, alors que les grands théâtres la négligent tout à fait aujourd’hui.

FÉLIX DUQUESNEL.

Mlle MIRAMON

Du Théâtre de l’Athénée

Cliché Boyer.