tueusement ses babouches à la porte, — j’aime à croire qu’elle était musulmane et que ses ablu
tions étaient fréquentes, — puis,
après les rafraîchissements obligés de café, limonade, liqueur, confi
tures parfumées, etc., nous prîmes congé de notre hôte pour monter sur les chevaux que lesmoukres (1) avaient amenés à la porte de la maison consulaire.
Six heures de plaine richement cultivée, cinq heures de montagnes escarpées et d’une aridité déso
lante, séparent Jaffa de Jérusalem ;
le commencement de la route est charmant : des haîes de cactus épineux bordent le chemin dé cha
que côté : ce sont les enclos des jardins des habitants de Jaffa. Des arbres touffus, de magnifiques pal
miers dattiers élèvent au-dessus des nopals leur vigoureuse ver
dure; l’oranger, le citronier, le caroubier entremêlent leurs bran
ches chargées quelquefois de fleurs et de fruits; d’énormes grenadiers épanouissent leurs fleurs de corail au milieu des liserons variés de forme et de couleur; parmi de sombres ombrages apparaît de temps en temps une blanche mai
son , délicieuse retraite en temps de chaleur; de toutes parts les sakies sont en mouvement pour éle
ver les eaux destinées à l’arrosage des jardins; la route, sillonnée de caravanes de chameaux, de Turcs richement vêtus et superbement montés, de paysans des environs aux costumes éclatants, de femmes à la figure cachée par un voile sombre, entièrement enveloppées d’une longue pièce d’étoffe blan
mesure d’énormes fardeaux et cherchant à dérober leur visage sous le voile bleu d’étolfe gros
sière dont elles tiennent un bout entre les dents, le tout forme un ensemble dont le caractère oriental est le principal trait , et qui ravira l’ar
tiste à portée de le contem
pler, en même temps qu’il é- tonnera et sé
duira même les personnes les moins accessibles au
sentiment poétique.
Les religieux franciscains , gardiens du saint sépul
cre, possèdent danstoutesles villes de la
Palestine des couvents, ou, pour parler plus exacte
ment, des hospices dans lesquels sont reçus gratuite
ment les voyageurs de tou
te religion qui entreprennent
le pèlerinage de terre sain
te. Notre pre
mière étape é- tait toute marquée : c’est dans la ville de Rama ou
Ramlè , que nous devions passer la pre
(1) Domestique qui accompagne les chevaux que louent les voya
geurs, et qui est chargé de ramener les montures.
— Le loueur de chevaux se nom
me chef des moukres. C’est lui qui traite du prix de location; il ne possède quelquefois pas un seul che
val , mais il se charge de les procurer.
de ses fleurs, est d’un aspect charmant; de blancs minarets s’élèvent dans les airs, contrastant par leur immobilité avec la tige flexible des hauts palmiers qui s’élèvent de toutes parts et ombragent de leur gracieux panache les coupoles dont la plupart des maisons sont cou
vertes; des forêts de nopals, de gigantesques figuiers entourent la ville, formant comme un encadre
ment d’émeraudes à la blancheur de perle de Ramlè ; lorsque l’on pénètre dans la ville, cet enchan
tement cesse, il est vrai ; cette perle est assise sur du fumier, et en regardant la cour de Vokel, ou hô
tellerie arabe devant laquelle notre promenade nous conduisit, nous nous félicitâmes d’avoir, grâce à la sollicitude des bons religieux, un asile dans lequel nous ne se
rions pas exposés à la redoutable invasion des insectes qui pullulent dans les lieux publics de la Palestine.
L’hospitalité que nous reçûmes fut cordiale et nous présagea celle qui nous attendait à Jérusalem; mais le temps nous pressait, et à une heure du matin nous montions à cheval ; huit heures de chemin nous séparaient encore de la ville sainte, et nous voulions arriver à temps pour voir les cérémonies de l’Eglise le jour de l’Ascension.
Aussi les trois lieues de plaine qui nous séparaient des montagnes
furent franchies rapidement; mais une fois arrivés dans les premiè
res gorges, il fallut ralentir notre allure et nous confier à la sagacité de nos chevaux arabes, dont nous eûmes souvent lieu d’apprécier l’intelligence.
A compter de cet endroit, le pays change entièrement d’aspect : de fertile et bien cultivé qu’il était, on ne voit plus que pierres autour de soi; on entre dans le pays maudit des rochers, des broussailles, des arbustes épi
neux, desherbes piquantes ; une sé
cheresse et une aridité ex
trêmes , voilà ce qu’il faut s’attendre à trouver jusqu’à Jérusa
lem. Quelque
fois cependant la triste verdure de l’oli
vier varie un peu l’aspect monotone de la montagne; quelques Ara
bes pasteurs, des chèvres noires, aux longues oreilles tomban
tes, animent
de temps en: temps le pay
sage, car,mal
gré l’absence de tout ce qui est nécessaire
à la vie de, l’homme, cet horrible pays est habité ! La route,ou,pour mieux dire, le sentier, passe au pied de deux ou trois
villages; peutêtre leurs ha
raient-ils été bien étonnés s’ils eussent su la com
passion qu’ils m’inspiraient.
Deux valléesprofondes etétroites cou
pent la route de Jérusalem; la première , celle de Jéré
mièrë nuit ; cette ville, bâtie au milieu de la plaine de Saron, célébrée dans l’Ecriture pour sa fertilité et la beauté
Campement sur la montagne des Oliviers, pour la fête de l’Ascension. — Dessin de Blanchard ; gravure de Best, Hotelin et Cie.
tions étaient fréquentes, — puis,
après les rafraîchissements obligés de café, limonade, liqueur, confi
tures parfumées, etc., nous prîmes congé de notre hôte pour monter sur les chevaux que lesmoukres (1) avaient amenés à la porte de la maison consulaire.
Six heures de plaine richement cultivée, cinq heures de montagnes escarpées et d’une aridité déso
lante, séparent Jaffa de Jérusalem ;
le commencement de la route est charmant : des haîes de cactus épineux bordent le chemin dé cha
que côté : ce sont les enclos des jardins des habitants de Jaffa. Des arbres touffus, de magnifiques pal
miers dattiers élèvent au-dessus des nopals leur vigoureuse ver
dure; l’oranger, le citronier, le caroubier entremêlent leurs bran
ches chargées quelquefois de fleurs et de fruits; d’énormes grenadiers épanouissent leurs fleurs de corail au milieu des liserons variés de forme et de couleur; parmi de sombres ombrages apparaît de temps en temps une blanche mai
son , délicieuse retraite en temps de chaleur; de toutes parts les sakies sont en mouvement pour éle
ver les eaux destinées à l’arrosage des jardins; la route, sillonnée de caravanes de chameaux, de Turcs richement vêtus et superbement montés, de paysans des environs aux costumes éclatants, de femmes à la figure cachée par un voile sombre, entièrement enveloppées d’une longue pièce d’étoffe blan
che, et d’autres chargées outre
mesure d’énormes fardeaux et cherchant à dérober leur visage sous le voile bleu d’étolfe gros
sière dont elles tiennent un bout entre les dents, le tout forme un ensemble dont le caractère oriental est le principal trait , et qui ravira l’ar
tiste à portée de le contem
pler, en même temps qu’il é- tonnera et sé
duira même les personnes les moins accessibles au
sentiment poétique.
Les religieux franciscains , gardiens du saint sépul
cre, possèdent danstoutesles villes de la
Palestine des couvents, ou, pour parler plus exacte
ment, des hospices dans lesquels sont reçus gratuite
ment les voyageurs de tou
te religion qui entreprennent
le pèlerinage de terre sain
te. Notre pre
mière étape é- tait toute marquée : c’est dans la ville de Rama ou
Ramlè , que nous devions passer la pre
(1) Domestique qui accompagne les chevaux que louent les voya
geurs, et qui est chargé de ramener les montures.
— Le loueur de chevaux se nom
me chef des moukres. C’est lui qui traite du prix de location; il ne possède quelquefois pas un seul che
val , mais il se charge de les procurer.
de ses fleurs, est d’un aspect charmant; de blancs minarets s’élèvent dans les airs, contrastant par leur immobilité avec la tige flexible des hauts palmiers qui s’élèvent de toutes parts et ombragent de leur gracieux panache les coupoles dont la plupart des maisons sont cou
vertes; des forêts de nopals, de gigantesques figuiers entourent la ville, formant comme un encadre
ment d’émeraudes à la blancheur de perle de Ramlè ; lorsque l’on pénètre dans la ville, cet enchan
tement cesse, il est vrai ; cette perle est assise sur du fumier, et en regardant la cour de Vokel, ou hô
tellerie arabe devant laquelle notre promenade nous conduisit, nous nous félicitâmes d’avoir, grâce à la sollicitude des bons religieux, un asile dans lequel nous ne se
rions pas exposés à la redoutable invasion des insectes qui pullulent dans les lieux publics de la Palestine.
L’hospitalité que nous reçûmes fut cordiale et nous présagea celle qui nous attendait à Jérusalem; mais le temps nous pressait, et à une heure du matin nous montions à cheval ; huit heures de chemin nous séparaient encore de la ville sainte, et nous voulions arriver à temps pour voir les cérémonies de l’Eglise le jour de l’Ascension.
Aussi les trois lieues de plaine qui nous séparaient des montagnes
furent franchies rapidement; mais une fois arrivés dans les premiè
res gorges, il fallut ralentir notre allure et nous confier à la sagacité de nos chevaux arabes, dont nous eûmes souvent lieu d’apprécier l’intelligence.
A compter de cet endroit, le pays change entièrement d’aspect : de fertile et bien cultivé qu’il était, on ne voit plus que pierres autour de soi; on entre dans le pays maudit des rochers, des broussailles, des arbustes épi
neux, desherbes piquantes ; une sé
cheresse et une aridité ex
trêmes , voilà ce qu’il faut s’attendre à trouver jusqu’à Jérusa
lem. Quelque
fois cependant la triste verdure de l’oli
vier varie un peu l’aspect monotone de la montagne; quelques Ara
bes pasteurs, des chèvres noires, aux longues oreilles tomban
tes, animent
de temps en: temps le pay
sage, car,mal
gré l’absence de tout ce qui est nécessaire
à la vie de, l’homme, cet horrible pays est habité ! La route,ou,pour mieux dire, le sentier, passe au pied de deux ou trois
villages; peutêtre leurs ha
bitants au
raient-ils été bien étonnés s’ils eussent su la com
passion qu’ils m’inspiraient.
Deux valléesprofondes etétroites cou
pent la route de Jérusalem; la première , celle de Jéré
mie, est habitée parla tribu
Messe de l’Ascension à la montagne des Oliviers. — Dessin de Blanchard; gravure de Best, Hotelin et Cie.
mièrë nuit ; cette ville, bâtie au milieu de la plaine de Saron, célébrée dans l’Ecriture pour sa fertilité et la beauté
Campement sur la montagne des Oliviers, pour la fête de l’Ascension. — Dessin de Blanchard ; gravure de Best, Hotelin et Cie.