a trouvé le moyen de jouer sur la cinquième, la corde roide. C’est l’acrobate des vir
tuoses et le virtuose des acrobates. Tout nous annonce d’ailleurs un été on ne peut plus musical, car, sans compter la foule de ces établissements bachiques où la musique fait partie des rafraîchissements et où l’on ne peut plus consommer le moindre sorbet sans accompagnement de harpe ou de flageolet, une instrumentation encore plus ori
ginale a déjà forcé la porte des théâtres les moins lyriques. Ainsi, chaque soir, aux Va
riétés, une compagnie de quinze musiciens hongrois : violons et violoncelle, clarinettes et trompettes, contrebasse, et ophicléide, fait entendre les airs variés d’un répertoire hongrois et allemand. Ces symphonies un peu bruyantes et encore plus belles, le pu
blic les goûte beaucoup : il en use comme d’un rafraîchissement nécessaire entre deux vaudevilles.
Le Théâtre-Français, qui de temps en temps se reprend à Molière , a joué le Mi
santhrope pour la satisfaction de M. Brindeau. « Je n’ai fait que répéter le rôle, au
rait dit l’acteur, je le jouerai dans dix ans. » Ainsi parlait Molé, qui, selon les contempo
rains, fut un magnifique Alceste. M. Brindeau a de la chaleur et de l’intelligence ; les belles traditions et les bons conseils ne lui manquent pas, non plus que l’ampleur, fl peut donc réussir un jour ou l’autre, s’il sait unir l’énergie à la distinction et montrer les velléités du philosophe sous l’habit et avec les manières d’un gentilhomme du
vieux temps. Penser Alceste comme Perlet et l’exécuter comme Fleury, ce serait ten
ter l’impossible; une seule tradition suffit,
pourvu qu’on s’y tienne. On a trop effraye les comédiens sur la portée prétendue ou réelle du rôle, et Molière lui-même assu
rément n’y voyait pas les profondes malices que la critique y a mises. Alceste n’est peutêtre qu’un esprit libre et frondeur, empri
sonné dans la peau d’un grand seigneur, et qui s’en tire comme il peut, c’est-à- dire très-mal. Tout le comique du rôle est là :
Par la sambleu ! messieurs, je ne croyaispas être Si plaisant que je suis!...
M. le docteur Récamier, décédé à Paris le 28 juin 1852.—Dessin de Marc; gravure de Best, Hotelin et Cie.
dans une manœuvre, mais il s’est relevé intact : est-ce qu’un hussard se casse jamais la jambe? Reste à savoir, ajoute l’historien avec un rare bon sens, si cette brillante solennité n’aura pas d’autre résultat que d’a­
voir procuré un peu de distraction aux dames et quelque distraction aux oisifs? Fera-t-elle naître dans cette jeunesse inoc
cupée le goût d’un plaisir qui est la source de si nobles jouissances? L’indifférence dé
plorable à laquelle on doit la disparition complète de la race limousine, ce précieux produit des croisades, fera-t-elle place à un intérêt sérieux?
C’était aussi un brave cavalier et un brillant officier de hussards en ses jeunes an
nées, que le comte Xavier de Maistre, qui vient de mourir à Saint-Pétersbourg dans un âge avancé. Faute de pouvoir guerroyer, et s’ennuyantde la vie degarnison,un beau jour il lui prit fantaisie de tenter une as
cension aérostatique, un premier exploit qui lui réussit. A quelque temps de là il s’a­
visa d’un autre qui plut moins à ses chefs, c’était le l oyage autour de ma chambre,
livre charmant qui, bien plus tard, devait lui procurer un peu de gloire, et qui d’abord lui valut quelques mois de prison à cause decette logique du duel qu’il développe avec complaisance au chapitre 3. Il avait soumis le manuscrit à son frère, Joseph de Maistre, — le grand logicien ou sophiste ultra
montain dont Bonald disait : « Je pense tout ce qu’il écrit, et il me semble que j’ai écrit ce qu’il pensait,» — et au lieu du ma
nuscrit censuré qu il attendait, Xavier reçut de son frère le livre tout imprimé. Cela se passait à Chambéry, x ers 1795, et néanmoins le / oi/age. autour de ma chambre, et le Lépreux de ta vallée ri’ Aoste, composé un peu plus tard, ne furent connus à Paris qu’en 1818. Une femme d’esprit, mais assez mal servie par son esprit en cette circons
tance, voulut retoucher ce livre et le gâta.
Les Prisonniers du Caucase et la Jeune Sibérienne sont les doux dernières produc
tions de Xavier de Maistre, il les composa à Saint-Pétersbourg, en 1820; on veut cependant que MmeCottin ait utilisé la Jeune Sibé
rienne dans son Elisabeth, et on oublie que l’auteur de Malvina était morte avant cette époque.
quement pour l amour des belles. J’emprunte au récit d’un témoin oculaire, très-spirituel et très-compétent, cette cir
constance principale, que tous ces mouvements, d’une durée de deux heures sans interruption, se sont exécutés avec un ensemble et une précision incroyables, et, chose, remarquable, sans commandement. Un seul cavalier a été démonté
milieu de la cour la plus littérairement française de l’Europe, sans en excepter la France. Il sacrifiait aussi aux muses, témoin son épitaphe, qui débute ainsi :
« Ci-gît sous cette pierre grise Xavier, qui de tout s étonnait,
Demandant d’où venait la bise, Et pourquoi Jupiter tonnait. »
Quant au docteur Récamier, qu’ên pourrait-on dire maintenant qne tout le monde ne sache ? Il était né à Belley en 17Gà, et il fut élevé au collège des jésuites. — Chirurgien militaire comme. Broussais, il quitta bientôt le, service, et fut reçu docteur à la faculté deParis en 1800. Il dut promp
tement à son mérite et à l’amitié de Bichat la place de médecin-adjoint à l’Hôtel-Dieu.
En même temps il débutait dans la carrière de. l’enseignement par le cours de, medecine pratique qu il n’a­
bandonna qu’en 1820, M. deCorbière l’ayant nommé professeur à la Fa
culté. Appelé ensuite à remplacer Laennec au Collège de France de préférence à M. Magendie, son installa
tion fit du bruit. L’opinion accusait Récamier de cultiver les congréga
tions encore plus que la science. Le fait est qu’en 1830, il refusa le ser
ment au nouveau pouvoir, afin de demeurer fidèle à la cause qui suc
combait. La foi de Récamier était une foi ardente, et il faisait pénétrer ses convictions religieuses jusque dans l’exercice de son art. De quelque côté qu’on l’envisage, il n’en est pas moins vrai que pendant cinquante ans le docteur Récamier a honoré sa profession par des travaux estima


bles et par plus d’une œuvre de cha


rité. Ainsi, il avait volontairement alloué aux pauvres le dixième de tout ce qu’il gagnait, c’était une ditne sa.- crée à laquelle, il n’aurait pas touché, même dans les plus grandes extrémités. Philippe Busoni.
A la suite de la conquête, de la Savoie par la France révolutionnaire,(Xavier de. Maistre quitta son pays pour toujours, et prit du service dans les armées russes ; en 1799, il faisait partie de l’état-major de Suwarow. Etabli depuis à Saint-Pétersbourg, où il se maria, il était venu à
Paris pour la première et la dernière fois en 1839. Jusqu’au dernier moment, Xavier de Maistre a cultivé les lettres, au
Cependant le Théâtre-Français, voulant
revenir tout de bon à la comédie élégante, a reçu une comédie en trois actes et en vers de M. de Belloy. Au Vaudeville, on a donné les Gaietés champêtres, une imitation très-libre du roman et qui le travestit un peu. Cette idylle en poudre , cette églogue enrubanée, cette chanson du printemps, mêlée de tant de beaux airs et d’un admirable récitatif emprunté à lantiquité , qu en
avez-vous fait? Quatre ou cinq scènes assez pimpantes et assez gaies, tout juste le nécessaire pour les façons de M. Luguet et les petites grâces de MUc Saint-Marc. Au bout de la pièce, qui est très-courte, on s’est aperçu qu’il s’agissait d’un pastiche sans prétention , et on l’a traité comme tel. Les Gaietés champêtres, de Jnnin, ah! l’aimable livre, et même le livre admirable, si nous sa
vions encore le lire comme il mérite d’être lu !
York, nom d un chien, tel est le titre mordant d’une pièce très-amu
sante , où les auteurs , MM. Paul Bo
cage et Octave Feuillet, ont fait une grande dépense de verve et déhu
mour. C’est une flèche de plus dans le carquois de Ravel. Or vous verrez qu’en considération du succès, le succès le plus vif, les jeunes au
teurs n’hésiteront plus à nous donner une excellente comédie... ailleurs,
Avant d’en venir aux notices qui doivent encadrer ces deux portraits, il faut absolument que nous men
tionnions le carrousel offert par le 5e de hussards à la ville de Limoges et l’épisode le plus brillant de son der
nier festival. Les ordonnateurs delà fête en ont envoyé les dessins à VIl
lustration, malheureusement cette communication nous est parvenue trop tard. MM. les officiers voudront bien accepter nos remercîments et comprendre nos regrets, qui seront partagés par les lecteurs de VIllus
tration. Il ne sera pas dit du moins que la publicité dont ce journal peut disposer aura tout à fait manqué à cettefêtechevaleresque, si digned’intérèt sous tous les rapports, puisque la charité s’y trouvait associée. C’est même par là que le tournoi moderne se distingue un peu de l’ancien, où
les chevaliers couraient la bague et combattaient de tout leur cœur uni
M. Xavier de Maistre, décédé à Saint-Pétersbourg, le 12 juin 1852.—Dessin de Marc; gravure de Best, Hotelin et Cie.