des erreurs et des contradictions à chaque page, pour ne pas dire à chaque ligne : j’en cite quelques-unes au hasard.
(Page 92.) « C’est, pour avoir voulu s’attribuer le droit d’être religieux à sa guise, que Sophocle fut décrété d’accusation capitale. »
Eschyle, et non Sophocle, fut accusé, non pas d’irréligion, mais d’avoir, dans-ses Euménides, révélé les secrets d’E leusis.
(Même page.) « Dans tous les petits gouvernements de la Grèce, dans le gouvernement romain lui-même, l’autorité était pontificale avant toute chose. »
Enorme erreur historique ! Lépide vaincu est relégué dans sa dignité de grand prêtre.
(Page 85.) «Les armées de toutes les nations ont été d’a bord exclusivement formées de cavalerie. »
M. Grenier de Cassagnac pourrait-il nous dire combien il y avait de cavaliers au passage de la mer bouge et à la guerre de Troie ?
(Page 86.) « Henri IV, etc., fit faire par le bourreau une effroyable trouée dans la noblesse. »
Biron fut le seul noble exécuté sous le bon roi.
(Page 85.) « Un des plus notables scandales qui révoltèrent à home les dévots païens, même du temps de César,
ce fut l’entrée dans le corps des pontifes de Ventidius Bassus, roturier d’origine, et qui pourtant était devenu consul »
Deux cents ans avant le temps de César, ïibérius Coruncanius, roturier d’origine, était grand pontife..
(Page 13.) « Véron, qui se. piquait de connaître la fin des choses et qui était classique, se moquait fort du style de Sénèque,.qu’il appelait du sable sans chaux; mais ce terrible critique n’arrêta pas l’élan qui était donné. »
Ce n’est pas Néron, mais bien Caligula, qui a dit que le style de Sénèque était du sable sans ciment. One M. Granier relise la vie de Sénèque, dont il a voulu faire un novateur pour le besoin de son argumentation.
(Page 25.) « La filiation des dieux est une chose aussi rigoureuse dans la théologie d’Homère que le homoiousios dans la théologie catholique. »
Je suis bien fâché de donner à M. Granier cette petite leçon de pédagogie, mais le homoiousios n’a que faire dans la théologie catholique, il y est même fort déplacé, car c’est un terme arien (de nature semblable). Le terme catholique est homoousios (de même nature).
Le livre deM. Granier de Cassagnac est une fourmilière d’erreurs, on n’en finirait pas s’il fallait les relever toutes; passons donc au chapitre des contradictions :
« Les esclaves n’ont pas été violemment enchaînés par « les maîtres. » (Page 64.)
« Parmi les esclaves, les uns avaient été pris à la guerre, « les autres volés. » (Page 296.)
« L’esclavage n’a pas commencé violemment. » (Page 67.) « S’il y a un fait indubitable dans l’histoire, c’est que « chez toute nation européenne, sans exception, toutes les « fonctions sociales, comme la guerre, la juridiction, le sa
it cerdoce, la science, ont été d’abord exclusivement rem« plies par des hommes de race noble. » (Page 84.)
« Sous le christianisme, les a ffranchis arrivaient, comme « tous les autres hommes, aux degrés les plus éminents de
« la hiérarchie épiscopale. Ebbon , archevêque de Reims « sous Charles le Chauve, avait été un esclave porcher. » (Page 68.)
«L’esclavage est un fait primitif et spontané, sans quoi « il y aurait eu guerre perpétuelle entre les maîtres et les « esclaves. » (Page 68.)
N’est-ce pas ce qui a eu lieu en effet ?
« 11 est de la nature de toute grande chose d’être solitaire; les chênes naissent espacés. » (Page 75.)
Il est inutile d’aller plus avant dans le livre, non plus que dans la biographie de M. Granier de Cassagnac. Agir autrement ce serait, dans le premier cas, dépenser son temps en pure perte; dans le second, se heurter à la vie politique de l’écrivain. Ce que j’ai voulu démontrer, c’est que M. Granier de Cassagnac ne croit pas lui-même à ses théories littéraires et philosophiques. Il a cherché le bruit, il l’a trouvé, et, fort heureusement pour lui, il n’a pas poussé l’amour de la célébrité jusqu’à imiter ce Pérégrinus- Protée, qui se lmila en pleine place publique pour vivre dans la mémoire des hommes ; mais il est de la famille de cet étrange philosophe. Ce désir effréné de faire parler de lui à tout prix a entraîné M. Granier de Cassagnac dans des écarts qui ont compromis son talent, et complètement dé
truit son autorité. Depuis quinze ans il a touché à tout, littérature, histoire, politique, philosophie; on entre de plain pied dans le monde littéraire officiel avec un bagage, plus léger que le sien. Eh bien ! je mets M. Granier de
Je voulais, au début de cet article, parler de publications qui s’empilent depuis un mois sur ma table, mais l’espace me manque aujourd’hui ; je remets à un prochain jour les Illuminés, de Gérard de Nerval; le Livre d Ulric, par Eu
gène Cordier; le Bois de Daphné, par Eugène de Stadler; les Harmonies, par Henri Cozic, et Mademoiselle de Fontanges, une touchante histoire qui est déjà dans les mains de tout le monde.
Edmond Texier.
Les foudres universitaires viennent d’atteindre, par une condamnation publique à la réprimande, une pièce d’assez mauvais vers
Cette séguidille, puisque séguidille il y a, est dédiée à m. Philoxène Boyer, jeune poète olympien, qui s’est créé un genre parles soupers de lettres qu’il donne au café Foi et à ta maison d’Or. Ce n’est ni plus ni moins que te sonnet. d’Oronte adressé à Amphitryon.
En voici la première, strophe (l’auteur, conseillant au Lucullus de la fantaisie le voyage classique en Espagne, le dissuade d’aller au Nord) :
Et les grèves
Où jadis l errant Horsa
L’escadrille paternelle,
Sans warrant d un noir destin , Un matin,
Veut, de toute sa vitesse,
Fuir Lutèce,
Vers Windsor ;
Salle pleine ;
Veut rendre hommage à Brunei
Veut affronter le Jlirtage Au cottage !
Il y en a quatre ou cinq autres de cette baleine et de ce rhythme, L’Illustration, tenant à ne point encourir Je mot de Rivarot, et à ne point offrir à son public « une prose où tes vers sè sont mis, » bornera là Sa citation.
Si nous avions été grand maître de l’Université, il nous semble que nous aurions simplement renvoyé Oronte-professeur à la deuxième scène du Misautrope, et que nous lui eussions doucement remontré, par lettre officieuse et confidentielle :
Qti‘Tl faut qu un honnête homme ait toujours grand empire Sur ces démangeaisons qui nous prennent d’écrire ;
Qu’on doit tenir la bride aux grands empressements Qu on a de faire éclat de tels amusements,
Et que, parla chaleur de montrer ses ouvrages, On s expose à jouer de mauvais personnages.
........................Qu’un froid écrit assomme,
Qu il ne faut que ce fable à décrier un homme, Et, qu eût-on d autre part cent belles qualités, On regarde les gens par leurs méchants côtés.
Que si Oronte se fût regimbé sous l’avis, nous lui aurions dit enfin :
Et qui diantre vous pousse à vous faire imprimer î Si i on peut pardonner l’essor d un mauvais livre,
Ce n est qu aux malheureux qui travaillent pour vivre. Croyez-moi, résistez à vos tentations. Dérobez au public ces occupations,
Et n’allez point quitter, de quoique i on vous somme, Le nom qu’en Dauphine vous avez d’honnête homme, Pour prendre de la main d un avide imprimeur Celui de misérable et ridicule auteur ?
De cette façon, la leçon eût été, ce nous semble, proportionnée à la faute, et l’expiation au délit. Et notez bien que, comme pour rendre le parallèle plus sensible, l’auteur du malheureux boléro cen
suré a soin de déclarer, dans la dédicace à l’Apicius des coloristes, que sa cachucha est improvisation pure.
.................................Au reste, vous saurez
Que je n ai demeuré qu un quart d heure à le faire. C’est Oronte en chair et en os.
M. le ministre de l’instruction publique, qui n’est point payé pour être misanthrope; a jugé que Molière ne suffirait point au châtiment de ce délit de lèse-goüt. Nous nous inclinons, comme il nous con
vient, devant la sentence universitaire. Tremblez, mauvais poètes; Bavius et Méyitis, ne vous faites point agréger.
Pourtant, nous devons dire que le cas est,nouveau et ta répression sévère. A tout prendre, la séguidille de M. Parisot, de Greno
ble, n’est pas beaucoup plus mauvaise que la ballade à la Lune et le Point sur un i deM. Alfred de Musset, qui est académicien ; que les Tourangelles, deM. Rodolphe d’Ornano, que l on a tait préfet;
qu’une autre Séguidille, qu’une autre Lune, et que les Taches garnies, de M. Théophile Gauthier, qui est décoré pour ses couvres. Mais ces grands hommes ne font point partie de l’Université,
cela est vrai. Citons alors M. de Fontanes, t’un des plus brillants prédécesseurs de M. le ministre actuel, qui fit beaucoup de mauvais vers, et se les pardonna toujours. Il ne nous tombe pas non plus bien sous le sens, comment la poésie seule serait atteinte, et pourquoi la mauvaise prose aurait droit aux immunités, au droit de cir
culation que n’obtiennent point les séguidilles. J’imagine que c’est l’embarras de frapper qui retient seul le bras de M. le ministre. Le Lycée est fort écrivain de sa nature ; et, comme tous les genres sont bons, hors un seul, le proscrire dans la prose universitaire, c’est
tuer d’un seul coup ta Renue des Deux Mondes qui vit des Quatre Facultés. — Si M. Juhinal redevient professeur, il ne pourra donc
plus écrire? Lugele, I encres... où en seront le Mercure et tant d’autres feuilles modestes que ce député nourrit de sa forte moelle d’antiquaire ? Tout bien considéré, le précédent nous semble dange
reux et comminatoire au plus haut point pour l’avenir de la littéra
ture lourde, orgueil de la génération, et c’est sous ce point de vue que nous osons prier civiquement M. le ministre de vouloir bien considérer toute la portée de son blâme. J. Faure.
Le vallon de la Fûre, en Dauphiné.
Mon cher ami, si vous n’avez pas vu le jour dans le pays que vous habitez maintenant, la destinée a su vous y atta
cher comme à une autre patrie, et par les liens qui naissent des intérêts de l’existence humaine, et par ceux de l’a
mitié. A tous ces titres, — au nom des derniers surtout, — puisse-t-elle vous fixer pour longtemps sur cette terre aima
ble dont je veux essayer de faire valoir auprès de vous les droits qu’elle a à votre curiosité, à votre intérêt et à votre attachement. Loin de moi néanmoins la prétention de me poser en historien... ,1e me contenterai de vous montrer des sites ravissants, de faire avec vous une revue rapide des industries répandues, avec une si large profusion dans le val
lon de la Fûre, — un autre Manchester, — et de vous narrer quelques faits historiques peu connus. Ecou lez-moi donc avec indulgence (1).
Sur les bords de la Fûre, comme dans toute la partie du département de l*tsère connue sous le nom de Terres- Froid es, le costume des femmes ne diffère, guère de celui des autres localités, et tend partout à s’uniformiser de plus en plus. Les coiffures seules offrent encore un peu de ca
chet, et celles que nos lecteurs ont sous les yeux leur en
donnent une idée exacte, sinon élégante. Le n 1, comme le n” 3, est un chapeau de paille galonné sur le bord et em
belli autour de la forme d’un ruban plus ou moins riche ; il est presque toujours posé sur un petit bonnet d’indienne à dessins orné d’une ruche de dentelles noires. Le n“ 2 est un chapeau de paille ayant un galon noir sur ses bords étroits, qui lui donnent l’apparence, par derrière, d’une simple calotte. Ce chapeau est toujours posé sur une coiffe blanche à grands plis plats reposant sur un chignon, et se ren
contre fréquemment encore dans les Terres-Froides et aux environs deBourgoin. Enfin le n h est un chapeau de paille noire garni de rubans de la même couleur, tl affecte, par sa forme, de se rapprocher un peu des chapeaux de ville, et ést porté surtout par les personnes qui ont de l’aisance. Une robe de laine, de cotonnade ou d’indienne, un large tablier {fondu) de colonne bleue, violette ou rose, ou de soie noire pour les paysannes riches, un fichu imprimé ou un châle commun, des bas noirs ou bleus, et des souliers à épaisse semelle, tel est en résumé ce costume déchu, dont la coiffure seule offre encore quelques traits à conserver.
DE MM. BLANCHET. — TOUR DE LOUIS XI.
En suivant le cours de la Fûre, au sortir du lac de Paladru, qui passe pour recouvrir les ruinés impies de la ville d’Are, jus o Dei j/idicin svbmergatam, on ne tarde pas à découvrir les débris de la fameuse tour de Clermont, reste du manoir de cette illustre famille (Clara s Aluns), qui avait cette flère devise : Si omrie.
tence et de production, remontent, plus heureux que ceux de tant de noms Cités en l’Armorial de France, jusques au commencement du quatorzième siècle. Sous la direction ha
bile et énergique de M. A. Gourju, cet établissement a pris, dans ces dernières années, et notamment depuis 18A2, par l’application de la mélliode prussienne et la substitution de la houille au charbon de bois, un développement considérable. Il se compose aujourd’hui de douze bâtiments d’ex
ploitation disposés en amphithéâtre, et emploie près de cent ouvriers jouissant, grâce aux soins intelligents de leur patron, d’une caisse de.secours parfaitement organisée.
L’usine de Bonpertuis est mise en activité par vingt-sept moteurs hydrauliques, et a fourni fan dernier, au com
merce, 79/i,92à kilogr. d’acier. Elle a obtenu deux médailles d’argent aux expositions nationales de 18/iû et de 18A9.
A quelques pas de cet établissement industriel, la route de Lyon traverse le vallon. Le paysage devient plus sauvage et les habitations plus rares. Le seul bruit qu’on entend est celui de la Fûre qui roule ses eaux limpides au fond de la gorge. Bientôt pourtant reparaissent et les traces de culture et quelques hameaux clair-semés. Les aciéries du lîivior frappent nos regards, et, à travers les bois moins touffus, on voit poindre la tour et les ruines de Châteaubourg, d’où nous apercevons à nos pieds les forges de ce nom.
Mais des toits obscurcis la bleuâtre fumée, En nuages légers mollement transformée,
Dévoile avec lenteur le sommet des coteaux.
Par l onde soulevés, soudain de lourds marteaux D’une horrible cadence enchantent mon oreille. Rives! quels souvenirs ton seul aspect réveille ! Profondément ému, je me suis écrié :
Tous ces petits plaisirs si grands pour l’innocence (2) !
Le bourg de Rives est désigné dans les anciennes chartes sous les noms de Castrum de Ripis, Castellum de Ripis et Ripæ. Ce nom lui vient probablement de la grande quantilé de sources et de ruisseaux qui se trouvent dans ses environs, et surtout des branches nombreuses de la Fûre que l’industrie a su depuis rendre esclaves de ses exi
gences; car sa position sur le bord même de cette petite rivière lui est commune avec bien d’autres villes ou bourgs.
On ne peut préciser la date de son origine. Le pays était jadis couvert de forêts, et il en existe encore un grand nombre. Sans doute quelques charbonniers, attirés par une ex
ploitation facile, auront élevé leurs cabanes au milieu même de ces forêts, sur le bord de l’eau. Plus tard, des forgerons seront aussi venus établir leurs martinets dans 1e même lieu,
y trouvant à la fois une économie dans le transport des charbons, et des chutes d’eau admirablement disposées. Peu à peu des chaumières se seront groupées près des forges pour
recevoir les familles devenues plus nombreuses, et auront été ainsi le noyau du Rives actuel.
Sous les guerres de religion. Rives, comme lieu de passage, eut à souffrir des représailles des partis. Délivré enfin
de l’anarchie, le Dauphiné devint industriel, de guerrier qu’il était dans les siècles précédents. Ses forteresses avaient été rasées, plusieurs de ses villes même n’existaient plus. Les châteaux, abandonnés à cause de l’incommodité
extrayons du. moins celles des parties qui ont le plus spécialement trait aux gravures jointes à cet article et dont M G. Vallier est l’auteur.
(1) Cette-petite rivière torrentueuse dont nous allons suivre le cours p t- toresquc, reçoit le nom de Furèns depuis lelac de P al adru jusqu’à Rives, où elle prend celui de Fûre, après sa jonction avec le Réaumont.
(2) Poésies diverses d’Aug. Blanchet.
(1) Le. détruit d’espace ne nous permettant pas, à notre grand regret de reproduire en entier l’intéressant travail de M; Gustave V allier, nous en
(Page 92.) « C’est, pour avoir voulu s’attribuer le droit d’être religieux à sa guise, que Sophocle fut décrété d’accusation capitale. »
Eschyle, et non Sophocle, fut accusé, non pas d’irréligion, mais d’avoir, dans-ses Euménides, révélé les secrets d’E leusis.
(Même page.) « Dans tous les petits gouvernements de la Grèce, dans le gouvernement romain lui-même, l’autorité était pontificale avant toute chose. »
Enorme erreur historique ! Lépide vaincu est relégué dans sa dignité de grand prêtre.
(Page 85.) «Les armées de toutes les nations ont été d’a bord exclusivement formées de cavalerie. »
M. Grenier de Cassagnac pourrait-il nous dire combien il y avait de cavaliers au passage de la mer bouge et à la guerre de Troie ?
(Page 86.) « Henri IV, etc., fit faire par le bourreau une effroyable trouée dans la noblesse. »
Biron fut le seul noble exécuté sous le bon roi.
(Page 85.) « Un des plus notables scandales qui révoltèrent à home les dévots païens, même du temps de César,
ce fut l’entrée dans le corps des pontifes de Ventidius Bassus, roturier d’origine, et qui pourtant était devenu consul »
Deux cents ans avant le temps de César, ïibérius Coruncanius, roturier d’origine, était grand pontife..
(Page 13.) « Véron, qui se. piquait de connaître la fin des choses et qui était classique, se moquait fort du style de Sénèque,.qu’il appelait du sable sans chaux; mais ce terrible critique n’arrêta pas l’élan qui était donné. »
Ce n’est pas Néron, mais bien Caligula, qui a dit que le style de Sénèque était du sable sans ciment. One M. Granier relise la vie de Sénèque, dont il a voulu faire un novateur pour le besoin de son argumentation.
(Page 25.) « La filiation des dieux est une chose aussi rigoureuse dans la théologie d’Homère que le homoiousios dans la théologie catholique. »
Je suis bien fâché de donner à M. Granier cette petite leçon de pédagogie, mais le homoiousios n’a que faire dans la théologie catholique, il y est même fort déplacé, car c’est un terme arien (de nature semblable). Le terme catholique est homoousios (de même nature).
Le livre deM. Granier de Cassagnac est une fourmilière d’erreurs, on n’en finirait pas s’il fallait les relever toutes; passons donc au chapitre des contradictions :
« Les esclaves n’ont pas été violemment enchaînés par « les maîtres. » (Page 64.)
« Parmi les esclaves, les uns avaient été pris à la guerre, « les autres volés. » (Page 296.)
« L’esclavage n’a pas commencé violemment. » (Page 67.) « S’il y a un fait indubitable dans l’histoire, c’est que « chez toute nation européenne, sans exception, toutes les « fonctions sociales, comme la guerre, la juridiction, le sa
it cerdoce, la science, ont été d’abord exclusivement rem« plies par des hommes de race noble. » (Page 84.)
« Sous le christianisme, les a ffranchis arrivaient, comme « tous les autres hommes, aux degrés les plus éminents de
« la hiérarchie épiscopale. Ebbon , archevêque de Reims « sous Charles le Chauve, avait été un esclave porcher. » (Page 68.)
Voici maintenant quelques axiomes de M. Granier de . Cassagnac:
« Les faibles n’ont jamais été mis dans l’oppression par « les forts. » (Page 63.)
«L’esclavage est un fait primitif et spontané, sans quoi « il y aurait eu guerre perpétuelle entre les maîtres et les « esclaves. » (Page 68.)
N’est-ce pas ce qui a eu lieu en effet ?
« 11 est de la nature de toute grande chose d’être solitaire; les chênes naissent espacés. » (Page 75.)
Il n’y a donc pas de forêts de chênes?
Il est inutile d’aller plus avant dans le livre, non plus que dans la biographie de M. Granier de Cassagnac. Agir autrement ce serait, dans le premier cas, dépenser son temps en pure perte; dans le second, se heurter à la vie politique de l’écrivain. Ce que j’ai voulu démontrer, c’est que M. Granier de Cassagnac ne croit pas lui-même à ses théories littéraires et philosophiques. Il a cherché le bruit, il l’a trouvé, et, fort heureusement pour lui, il n’a pas poussé l’amour de la célébrité jusqu’à imiter ce Pérégrinus- Protée, qui se lmila en pleine place publique pour vivre dans la mémoire des hommes ; mais il est de la famille de cet étrange philosophe. Ce désir effréné de faire parler de lui à tout prix a entraîné M. Granier de Cassagnac dans des écarts qui ont compromis son talent, et complètement dé
truit son autorité. Depuis quinze ans il a touché à tout, littérature, histoire, politique, philosophie; on entre de plain pied dans le monde littéraire officiel avec un bagage, plus léger que le sien. Eh bien ! je mets M. Granier de
Cassagnac au défi de se présenter jamais comme candidat à l’Académie des sciences morales?
Je voulais, au début de cet article, parler de publications qui s’empilent depuis un mois sur ma table, mais l’espace me manque aujourd’hui ; je remets à un prochain jour les Illuminés, de Gérard de Nerval; le Livre d Ulric, par Eu
gène Cordier; le Bois de Daphné, par Eugène de Stadler; les Harmonies, par Henri Cozic, et Mademoiselle de Fontanges, une touchante histoire qui est déjà dans les mains de tout le monde.
Edmond Texier.
A propos d’une séguidille.
Les foudres universitaires viennent d’atteindre, par une condamnation publique à la réprimande, une pièce d’assez mauvais vers
composés par un professeur de Grenoble, sous le titre un peu arriéré de Séguidille, et inséré dans le Vaut National, feuille dont nous ignorons la couleur, et qui se publie au chef-lieu de l’Isère.
Cette séguidille, puisque séguidille il y a, est dédiée à m. Philoxène Boyer, jeune poète olympien, qui s’est créé un genre parles soupers de lettres qu’il donne au café Foi et à ta maison d’Or. Ce n’est ni plus ni moins que te sonnet. d’Oronte adressé à Amphitryon.
En voici la première, strophe (l’auteur, conseillant au Lucullus de la fantaisie le voyage classique en Espagne, le dissuade d’aller au Nord) :
Quoi ! c est Londres que tu rêves
Et les grèves
Où jadis l errant Horsa
Embo.ssa
L’escadrille paternelle,
Et ton aile
Sans warrant d un noir destin , Un matin,
Veut, de toute sa vitesse,
Fuir Lutèce,
Veut reprendre son essor
Vers Windsor ;
Veut revoir à Drury-Lané
Salle pleine ;
Veut rendre hommage à Brunei
Au tunnel ;
Veut affronter le Jlirtage Au cottage !
Il y en a quatre ou cinq autres de cette baleine et de ce rhythme, L’Illustration, tenant à ne point encourir Je mot de Rivarot, et à ne point offrir à son public « une prose où tes vers sè sont mis, » bornera là Sa citation.
Si nous avions été grand maître de l’Université, il nous semble que nous aurions simplement renvoyé Oronte-professeur à la deuxième scène du Misautrope, et que nous lui eussions doucement remontré, par lettre officieuse et confidentielle :
Qti‘Tl faut qu un honnête homme ait toujours grand empire Sur ces démangeaisons qui nous prennent d’écrire ;
Qu’on doit tenir la bride aux grands empressements Qu on a de faire éclat de tels amusements,
Et que, parla chaleur de montrer ses ouvrages, On s expose à jouer de mauvais personnages.
Nous lui aurions dit encore :
........................Qu’un froid écrit assomme,
Qu il ne faut que ce fable à décrier un homme, Et, qu eût-on d autre part cent belles qualités, On regarde les gens par leurs méchants côtés.
Que si Oronte se fût regimbé sous l’avis, nous lui aurions dit enfin :
Quelle démangeaison vous a pris de rimer,
Et qui diantre vous pousse à vous faire imprimer î Si i on peut pardonner l’essor d un mauvais livre,
Ce n est qu aux malheureux qui travaillent pour vivre. Croyez-moi, résistez à vos tentations. Dérobez au public ces occupations,
Et n’allez point quitter, de quoique i on vous somme, Le nom qu’en Dauphine vous avez d’honnête homme, Pour prendre de la main d un avide imprimeur Celui de misérable et ridicule auteur ?
De cette façon, la leçon eût été, ce nous semble, proportionnée à la faute, et l’expiation au délit. Et notez bien que, comme pour rendre le parallèle plus sensible, l’auteur du malheureux boléro cen
suré a soin de déclarer, dans la dédicace à l’Apicius des coloristes, que sa cachucha est improvisation pure.
.................................Au reste, vous saurez
Que je n ai demeuré qu un quart d heure à le faire. C’est Oronte en chair et en os.
M. le ministre de l’instruction publique, qui n’est point payé pour être misanthrope; a jugé que Molière ne suffirait point au châtiment de ce délit de lèse-goüt. Nous nous inclinons, comme il nous con
vient, devant la sentence universitaire. Tremblez, mauvais poètes; Bavius et Méyitis, ne vous faites point agréger.
Pourtant, nous devons dire que le cas est,nouveau et ta répression sévère. A tout prendre, la séguidille de M. Parisot, de Greno
ble, n’est pas beaucoup plus mauvaise que la ballade à la Lune et le Point sur un i deM. Alfred de Musset, qui est académicien ; que les Tourangelles, deM. Rodolphe d’Ornano, que l on a tait préfet;
qu’une autre Séguidille, qu’une autre Lune, et que les Taches garnies, de M. Théophile Gauthier, qui est décoré pour ses couvres. Mais ces grands hommes ne font point partie de l’Université,
cela est vrai. Citons alors M. de Fontanes, t’un des plus brillants prédécesseurs de M. le ministre actuel, qui fit beaucoup de mauvais vers, et se les pardonna toujours. Il ne nous tombe pas non plus bien sous le sens, comment la poésie seule serait atteinte, et pourquoi la mauvaise prose aurait droit aux immunités, au droit de cir
culation que n’obtiennent point les séguidilles. J’imagine que c’est l’embarras de frapper qui retient seul le bras de M. le ministre. Le Lycée est fort écrivain de sa nature ; et, comme tous les genres sont bons, hors un seul, le proscrire dans la prose universitaire, c’est
tuer d’un seul coup ta Renue des Deux Mondes qui vit des Quatre Facultés. — Si M. Juhinal redevient professeur, il ne pourra donc
plus écrire? Lugele, I encres... où en seront le Mercure et tant d’autres feuilles modestes que ce député nourrit de sa forte moelle d’antiquaire ? Tout bien considéré, le précédent nous semble dange
reux et comminatoire au plus haut point pour l’avenir de la littéra
ture lourde, orgueil de la génération, et c’est sous ce point de vue que nous osons prier civiquement M. le ministre de vouloir bien considérer toute la portée de son blâme. J. Faure.
Le vallon de la Fûre, en Dauphiné.
A M. Henri M..., à Rives.
Mon cher ami, si vous n’avez pas vu le jour dans le pays que vous habitez maintenant, la destinée a su vous y atta
cher comme à une autre patrie, et par les liens qui naissent des intérêts de l’existence humaine, et par ceux de l’a
mitié. A tous ces titres, — au nom des derniers surtout, — puisse-t-elle vous fixer pour longtemps sur cette terre aima
ble dont je veux essayer de faire valoir auprès de vous les droits qu’elle a à votre curiosité, à votre intérêt et à votre attachement. Loin de moi néanmoins la prétention de me poser en historien... ,1e me contenterai de vous montrer des sites ravissants, de faire avec vous une revue rapide des industries répandues, avec une si large profusion dans le val
lon de la Fûre, — un autre Manchester, — et de vous narrer quelques faits historiques peu connus. Ecou lez-moi donc avec indulgence (1).
COSTUMES DES HABITANTS DU VALLON DE LA FURE (1).
Sur les bords de la Fûre, comme dans toute la partie du département de l*tsère connue sous le nom de Terres- Froid es, le costume des femmes ne diffère, guère de celui des autres localités, et tend partout à s’uniformiser de plus en plus. Les coiffures seules offrent encore un peu de ca
chet, et celles que nos lecteurs ont sous les yeux leur en
donnent une idée exacte, sinon élégante. Le n 1, comme le n” 3, est un chapeau de paille galonné sur le bord et em
belli autour de la forme d’un ruban plus ou moins riche ; il est presque toujours posé sur un petit bonnet d’indienne à dessins orné d’une ruche de dentelles noires. Le n“ 2 est un chapeau de paille ayant un galon noir sur ses bords étroits, qui lui donnent l’apparence, par derrière, d’une simple calotte. Ce chapeau est toujours posé sur une coiffe blanche à grands plis plats reposant sur un chignon, et se ren
contre fréquemment encore dans les Terres-Froides et aux environs deBourgoin. Enfin le n h est un chapeau de paille noire garni de rubans de la même couleur, tl affecte, par sa forme, de se rapprocher un peu des chapeaux de ville, et ést porté surtout par les personnes qui ont de l’aisance. Une robe de laine, de cotonnade ou d’indienne, un large tablier {fondu) de colonne bleue, violette ou rose, ou de soie noire pour les paysannes riches, un fichu imprimé ou un châle commun, des bas noirs ou bleus, et des souliers à épaisse semelle, tel est en résumé ce costume déchu, dont la coiffure seule offre encore quelques traits à conserver.
ACIÉRTES DE BONPERTUIS ET DE RIVES. — PAPETERIE
DE MM. BLANCHET. — TOUR DE LOUIS XI.
En suivant le cours de la Fûre, au sortir du lac de Paladru, qui passe pour recouvrir les ruinés impies de la ville d’Are, jus o Dei j/idicin svbmergatam, on ne tarde pas à découvrir les débris de la fameuse tour de Clermont, reste du manoir de cette illustre famille (Clara s Aluns), qui avait cette flère devise : Si omrie.
bile et énergique de M. A. Gourju, cet établissement a pris, dans ces dernières années, et notamment depuis 18A2, par l’application de la mélliode prussienne et la substitution de la houille au charbon de bois, un développement considérable. Il se compose aujourd’hui de douze bâtiments d’ex
ploitation disposés en amphithéâtre, et emploie près de cent ouvriers jouissant, grâce aux soins intelligents de leur patron, d’une caisse de.secours parfaitement organisée.
L’usine de Bonpertuis est mise en activité par vingt-sept moteurs hydrauliques, et a fourni fan dernier, au com
merce, 79/i,92à kilogr. d’acier. Elle a obtenu deux médailles d’argent aux expositions nationales de 18/iû et de 18A9.
A quelques pas de cet établissement industriel, la route de Lyon traverse le vallon. Le paysage devient plus sauvage et les habitations plus rares. Le seul bruit qu’on entend est celui de la Fûre qui roule ses eaux limpides au fond de la gorge. Bientôt pourtant reparaissent et les traces de culture et quelques hameaux clair-semés. Les aciéries du lîivior frappent nos regards, et, à travers les bois moins touffus, on voit poindre la tour et les ruines de Châteaubourg, d’où nous apercevons à nos pieds les forges de ce nom.
Mais des toits obscurcis la bleuâtre fumée, En nuages légers mollement transformée,
Dévoile avec lenteur le sommet des coteaux.
Par l onde soulevés, soudain de lourds marteaux D’une horrible cadence enchantent mon oreille. Rives! quels souvenirs ton seul aspect réveille ! Profondément ému, je me suis écrié :
Salut ! heureux village où règne l’amitié ;
Beaux lieux où je goûtai, dans ma folâtre enfance,
Tous ces petits plaisirs si grands pour l’innocence (2) !
Le bourg de Rives est désigné dans les anciennes chartes sous les noms de Castrum de Ripis, Castellum de Ripis et Ripæ. Ce nom lui vient probablement de la grande quantilé de sources et de ruisseaux qui se trouvent dans ses environs, et surtout des branches nombreuses de la Fûre que l’industrie a su depuis rendre esclaves de ses exi
gences; car sa position sur le bord même de cette petite rivière lui est commune avec bien d’autres villes ou bourgs.
On ne peut préciser la date de son origine. Le pays était jadis couvert de forêts, et il en existe encore un grand nombre. Sans doute quelques charbonniers, attirés par une ex
ploitation facile, auront élevé leurs cabanes au milieu même de ces forêts, sur le bord de l’eau. Plus tard, des forgerons seront aussi venus établir leurs martinets dans 1e même lieu,
y trouvant à la fois une économie dans le transport des charbons, et des chutes d’eau admirablement disposées. Peu à peu des chaumières se seront groupées près des forges pour
recevoir les familles devenues plus nombreuses, et auront été ainsi le noyau du Rives actuel.
Sous les guerres de religion. Rives, comme lieu de passage, eut à souffrir des représailles des partis. Délivré enfin
de l’anarchie, le Dauphiné devint industriel, de guerrier qu’il était dans les siècles précédents. Ses forteresses avaient été rasées, plusieurs de ses villes même n’existaient plus. Les châteaux, abandonnés à cause de l’incommodité
extrayons du. moins celles des parties qui ont le plus spécialement trait aux gravures jointes à cet article et dont M G. Vallier est l’auteur.
(1) Cette-petite rivière torrentueuse dont nous allons suivre le cours p t- toresquc, reçoit le nom de Furèns depuis lelac de P al adru jusqu’à Rives, où elle prend celui de Fûre, après sa jonction avec le Réaumont.
(2) Poésies diverses d’Aug. Blanchet.
(1) Le. détruit d’espace ne nous permettant pas, à notre grand regret de reproduire en entier l’intéressant travail de M; Gustave V allier, nous en