nous étonne est l’âme de la vie polit que en Angleterre. Elle saisit tes Citoyens d’un droit d’opposition qui s’exerce par une libre dis
cussion, et, dans les circonstances graves, par des manifestations dont l’objet est seulement d’avertir le pouvoir, ou d’appeler son at
tention sur des mesures à prendre. La modération est le caractère d’une opposition libre; ce qui explique pourquoi l’opposition, en Angleterre, n’est ni violente ni passionnée. Contenue en temps ordi
naire par le respect dû aux institutions et au grand principe delà liberté qui consacre l’indépendance des opinions d’autrui, elle ne sort de sa réserve habituelle que dans les élections ; mais alors elle devient vive; acerbe, audacieuse, et s’oublie jusqu a la licence. L vi
sage a sanctionné en quelque sorte ce genre de liberté malgré ses inconvénients, à peu près comme il autorise un certain dévergon
dage pendant les jours gras. Les élections sont le carnaval de la vie poli tique en Angleterre. Il n’est pas douteux que la forme même de l’élection ne favorise cette licence. La publicité qui lui est imposée devait la faire dégénérer en une espèce de représentation théâtrale,
dans laquelle les applaudissements et les sifflets, les points admiratifs et les brocards devaient être de la partie.
« En France, à de très-raresexceptions près,c’est, surtout l’ambition qui pousse vers les affaires publiques ; en Angleterre, c est le désoeuvrement. Un gentilhomme chasseur de renards, quand la chasse est close, un marchand devenu millionnaire et retiré des af
faires, s’ils 11e sont membres du parlement pour occuper un peu
leurs loisirs, doivent infailihlement périr d’ennui ; ce n’est pas de l’ambition, mais de l’hygiène. Cependant les suffrages des électeurs ne peuvent aller trouver les plus ennuyés et les plus oisils, et c’est
à eux de se produire. Ils ont d’ailleurs marqué déjà à coup sûr par quelque excentricité qui les recommande, et, s ils sont inconnus, ils ont la ressource des placards qui disent leurs noms et leurs mérites, tille profession de foi fait le veste. Ceci peut suffire pour les candi
datures qui ont d’elles-mêmes quelque chance de réussir à la faveur d’un nom déjà connu Mais, si l’élection menace d’être disputée, il tout des moyens plus énergiques, et en appeler à la brigue. 11 est Nécessaire de visiter les électeurs et d’agir sur chacun d’eux en par
ticulier. Le thème est ues plus difficiles. L’électeur est fermier; il 11e peut être que protectionniste, car la loi des céréales a lait baisser les orges et les seigles : en lui promettant une hausse au moyen de la prohibition, le candidat a gagné sa voix. Dans les bourgs manu
facturiers, il faut reprendre en sous-œuvre les discours de M. Cobden et parler libre échange. Le candidat qui peut flatter le coutelier de Shelfield de l’espoir de répandre impunément ses couteaux dans les cinq parties du monde, aura pour lui toutes les free.-t rade-rs, c’est-à-dire les partisans de la liberté du commerce. — La protec
tion. le libre échangé, voilà les deux pivots de l’intrigue 11 est cependant des électeurs qui n’étant ni propriétaires, ni fermiers, ni fabricants, ne sont qu’indirectemcnt intéressés au libre échange et à la protection, et qui ne seraient pas fâchés de voir le budget allégé ou la taxe sur le malt rabattue, ou l’égalité de la taxe établie,
ou l’impôt des pauvres diminué; le candidat devra faire sonner pour ceux-ci les grands mots de réforme financière.
« La candidature est lancée : il lui faut encore le support d’un comité qui centralise les moyens d’action qui doivent assurer l’élec
tion. Il s’agit d’avoir quelques amis éprouvés qui se chargent de frapper les grands coups. C’est à cette réunion d’intimes, qui se forme en bureau, qu’appartient le soin d’élaborer les affiches et de colporter la candidature. A cet effet, elle a sous la main les instru
ments de publicité les plus variés. C’est d’abord le hoard-mtm, ou homme- affiche, qui, placé entre une double planche, ressemble, à s’y méprendre, à un soufflet de forge qui marche ; c’est le polcbearer, dont le van (éventail) porte le nom du candidat patronné écrit en majuscules gigantesques. Viennent ensuite les chariots de formes plus ou moins bizarres, que les comités empruntent tout ex
près pour la circonstance à l’industrie des puffers ou faiseurs de puffs, et qu’ils couvrent de placards qui recommandent leur candidat. Tout ceci n’est encore que l’exposition.
« Le jour de l’élection est venu. Chaque bourg a dressé ses liustings, espèces de tréteaux grossiers, sur lesquels vont monter les candidats. La foule s’amasse et grossit ; elle se pousse et. se cou
doie comme à un spectacle de la foire. Les candidats, brillamment escortés par des avilis à cheval ou eu voiture, précédés par des bannières et suivis quelquefois par un corps de musique, viennent s’of
frir aux suffrages des électeurs au milieu d’une véritable pompe théâtrale. Us se rangent sur les hustings, toujours accompagnés de leurs amis, qui ont mis pied à terre. Une partie de l’estrade est réservée au shérif et à ses assesseurs. A l’heure assignée pour l’élec
rassemblée de l’ordonnance royale qui convoque les électeurs, ainsi tpie du bribery-act ou loi contre la corruption, et, après cette formalité, il déclare que les opérations vont commencer.
« Chaque candidat est alors présenté au suffrage des électeurs par un mooer ou ami qui a bien voulu se charger de la motion, et sa candidature est appuyée par un seconder qui fait valoir les titres du postulant. La parole est ensuite au candidat lui-même pour dé
velopper ses opinions, et répondre à toutes les interpellations qui lui sont adressées. Un feu croisé de lazzi part de l’assistance ; les apostrophes les plus grossières pleuveut sur le candidat, qui est ar
rêté à chaque phrase de son discours. Quelquefois des projectiles sont lancés sur les hustings ; assez généralement ce sont des rats morts, et cette plaisanterie ne manque jamais d’exciter le rire de 1 assemblée. Le tumulte est alors à son comble : on crie, on hurle, 011 s’amuse. Les dernières élections, pour le comté de West
minster, à Londres, ont offert une scène à peu près semblable. Un concours d’étrangers de distinction appartenant au corps diploma
tique, parmi lesquels on remarquait l’ambassadeur de Turquie, et bon nombre de daines des premières familles d’Angleterre, s’étaient donné rendez-vous sur le lieu de l’élection, et occupaient les galeries du marché de Covent-Garden. Une populace turbulente se pressait aux abords des hustings. Le front de la baraque était littérale
ment tapissé de placards par lesquels on sollicitait les électeurs en faveur de lord Maidstone, candidat ministériel. Les affiches du no
ble lord portaient ces mots : « Le. thé. la bière et le tabac à bon
marché. » Cette profession de foi, qui aurait dû désarmer le gros de rassemblée, a provoquées plus amères railleries. Le malheureux candidat a été impitoyablement bafoué pour ses poésies et son attachement à la politique de lord Derby. Des grognements l’ont constamment empêché de prendre la parole, et sa candidature a été ensevelie sous une avalanche d’épigrammes et d’injures.
« Les élections de la cité ont été plus pacifiques. On y remarquait les ducs de Nemours, de Montpensier et d’Aumale. A la vérité l’un des candidats, sir John Russell, commandait, par la haute position qu’il a occupée dans les affaires, le respect des assistants. Dans Marylebone les opérations se sont passées avec assez d’ordre. Il n’y avait d’ailleurs aucune opposition, et sir Dudley Coutts Stuart, ainsi que M. Benjamin Hall, ont eu leur mandat renouvelé sans contestation. On sait que le premier est cousin par alliance de Louis-Napoléon, président de ia République, ayant épousé la princesse Christine, tille de Lucien Bonaparte et sœur du prince de Canino.
« Nous avons montré le côté le plus séduisant du tableau, et on a pu voir s’il est fait pour séduire. Quelquefois ia scène est moins plaisante ; il arrive souvent que le candidat, qui prévoit l’orage, a la précaution de mener à sa suite de vigoureux supporters ou soutiens rte sa cause. Leur présence dans l’assemblée occasionne parfois
des rixes sanglantes ; à ces causes de désordre il faut joindre encore les vols nombreux qui se pratiquent devant les liustings, et l’on comprendra combien il serait nécessaire de modifier un système électoral qui fait une si large part aux abus. Déjà, aux dernières élections, des électeurs ont interpellé lord Palmerston sur la ques
tion d’une réforme de ce genre, et lui ont demandé s’il appuierait une proposition qui tendrait à substituer le vote au scrutin secret au mode de votation actuellement eu usage. Mais l’ex-ministre a dé
claré formel ement que la publicité du vote, telle qu’elle existe, lui paraissait préférabl au vote secret, comme étant plus conforme à l’essence d’un gouvernement libre où tous les actes doivent être pu
blics. La réponse est au moins spécieuse; on pourrait dire qu’il est d’un gouvernement libre d’assurer la liberté des votes, ce qui n’est pas toujours facile avec les redoutables r.s/a/Jiers qui convient le votant à donner son suffrage à leur candidat.
« Le vote à main levée, ainsi qu’il est usité dans le plus grand nombre de cas, procède moins de la réflexion, et peut être sujet à l’en
traînement. A la vérité, la loi accorde au candidat la faculté de ré
clamer le poil ou scrutin, mais seulement dans le cas où le vote à main levée laisse quelque doute sur l’élection. Une considération d’un ordre plus grave rend désirable le scrutin secret. Bien des ci
toyens paisibles négligent d’exercer leurs droits électoraux, parce qu’il leur répugne de subir les aménités auxquelles lesbustings don
nent lieu. Ils savent qu’ils peuvent y gagner quelques bons horions, ou tout au moins d’indécents quolibets, et cela suffit pour les détourner de leurs devoirs d’électeurs.
« Nous sommes persuadé encore que bien des candidats d’un mérite recommandable se proposeraient aux suffrages de leurs concitoyens s’ils n’avaient pas à passer par l’épreuve des hustings. Ajou
tons que dans le système électoral, tel qu’il est en pratique, il faut nécessairement avoir une grande fortune pour courir l’honneur de l’élection. Les dépenses qu’une candidature occasionne sont énormes, surtout quand on se pique d’amour-propre. Un candidat un peu considérable et qui veut être considéré, outre les frais de publicité de tout genre qu’il a à supporter, doit acquitter les frais géné
raux de l’élection et défrayer honorablement ses électeurs. On se récrie et l’on dit : « Quoi ! c’est là cette liberté ; c’est là cette indépendance dont vous nous pariiez ! » Je n’ai fait allusion qu’à l’heu
reuse impuissance du gouvernement à l’égard de la liberté des votes. La captation ne peut venir que de la part des particuliers, et celle-là, quoique également regrettable, me semble moins dangereuse. Elle a d’ailleurs sa répression dans la loi, et les transactions auxquelles elle donne lieu ne peuvent être qu une fraude punissable. L’exemple a toujours démontré, au contraire, que les gouvernements pouvaient corrompre avec impunité.
«L’honneur de siéger au parlement n’est donc pas tout à fait aussi gratuit qu’il le parait ; et, en écartant la question de dépense, il reste encore une somme d’ennuis et de dégoûts capable d’arrêter même une ambition osée. Quand on songe à tous les malheureux aflligés de langueur qui sont réduits à chercher dans la vie publique une diversion salutaire au mal qui les dévore, on est nui d’une pitié pro
fonde pour ces infortunés qui se condamnent volontairement à boire l’humiliation à une aussi forte dose. J’estime, quant a moi, que c’est acheter chèrement l’honneur, quelque grand qu’il soit, d’accoler à son nom, sur sa carte, l’abréviation M P. (membre du parlement).
« Agréez, monsieur, etc.
« Auguste Faure.
« Londres, le 17 juillet. »
On ne connaît pas’encore, à l’heure où nous écrivons, le résultat général des élections; mais les premières prévisions, que nous avons accueillies avec toute la presse, ne se sont pas réalisées, ou du moins ont-elles été affaiblies dans leurs proportions. Le ministère, sans avoir la majorité, en appro
qu’il a renoncé, dans toutes ses déclarations officielles, aux engagements qu’il avait pris dans l’opposition; ce qui n’a pas empêché, dans quelques comtés, les violences des pro
tectionnistes contre leurs adversaires, et notamment contre le fils de l’illustre llobert Peel, dans le comté de Warwick.
Mais la question entre protectionnistes et / ree tra/iers est une conversation presque polie en comparaison de ce qui
se passe entre catholiques et anglicans. Ici, ce ne sont plus des rats morts, des œufs pourris et quelques horions, qui font les frais du divertissement : « Ce ne sont partout,
ditun témoin, que de vraies batailles, avec de vrais morts et des blessés ; des rues entières saccagées, des églises pillées et détruites, des maisons incendiées et démolies. 11 y a eu telle grande ville, comme Belfast, par exemple, où les catho
liques et les protestants se sont livré une bataille rangée, qui a duré tout un jour, et où les combattants ont fait usage, non-seulement de pierres, de briques et de bâtons, mais aussi d’armes à feu. »
Nous rendons compte plus loin de l’inauguration du chemin de fer de Strasbourg, qui tient une grande place dans l’histoire de cette semaine, si grande, que nous avions es
péré pouvoir lui consacrer nous-mêmes une plus grande place clans ce numéro. Mais nous avions compté sans l’ad
ministration de la compagnie, qui ne nous a pas accordé à temps les facilités nécessaires pour préparer la partie de notre relation qui ne s’improvise pas. Nous avons trouvé plus d’intelligence et de bonne volonté à Strasbourg même, de la part de M. Théophile Schuler, chargé, sous la direc
tion des colonels du 15e régiment d’artillerie (pontonniers) et du 17e léger, d’exécuter un magnifique dessin représentant le principal épisode des fêtes de Strasbourg, les ma
nœuvres militaires sur le petit Rhin, près de Hasbourg. On trouvera plus loin ce dessin, où figurent un pont de con
version, une flottille de huit bateaux, un pont de radeaux et des tirailleurs jetés sur la rive ennemie. La tribune du
président, élevée au milieu des estrades construites avec un goût infini par le capitaine Poinsignon complétait, au dire des témoins, une scène d’une grande beauté pittoresque (1). Mais ce n’est pas l’habile directeur du chemin de fer
du Nord qui aurait laissé le pas, dans cette solennité industrielle el pacifique, à un épisode dont l’intérêt est uniquement militaire.
Quoi qu’il en soit, avec le défilé des chars rustiques, compromis par l’orage, cet épisode est un des plus inté
ressants parmi les récits qui nous arrivent des fêles de Strasbourg.
Un passage de vive force devait être simulé sur le petit Rhin; le polygone des pontonniers, situé à 250 ou 300 mètres du pont du petit Rhin, avait élé choisi pour cette manœuvre.
La rive droite était défendue par un détachement de 100 voltigeurs du 17e léger.
Le passage devait être effectué par deux bataillons d’infanterie, forts de 500 hommes chacun, l’un du 24e léger, l’autre du 62e de ligne, appuyés par une batterie d’artillerie.
Ces troupes étaient sous le commandement du général de brigade Uhrich.
A un signal donné, douze ou quinze pontonniers, habiles nageurs, se précipitent à l’eau et traversent le petit Rhin à la nage, pour simuler la surprise d’un poste placé sur la rive opposée ; l équipement, l’armement et les munilions de ces militaires sont placés sur un petit radeau traîné par eux en nageant. Arrivés sur l’autre rive, les pontonniers font feu sur l’ennemi; pendant ce temps deux compagnies d’infanterie traversent la rivière dans des bateaux pour ap
puyer le premier mouvement des pontonniers; ces deux compagnies sont repoussées.
Alors l’attaque générale commence : un pont de bateaux est jeta par conversion ; celte manœuvre difficile est sou
tenue par une batterie d’artillerie qui croise son feu, trois pièces à droite, trois pièces à gauche; un pont de radeaux est jeté en même temps à une faible distance du premier pont ; au même moment, une section d’arlillerie, avec ses deux pièces et ses chevaux, est embarquée sur une traille et passe le fleuve. L’ennemi riposte par un feu nourri à cette triple attaque ; le bataillon du 24e léger, qui traverse le pont de bateaux, est replié d’abord mais bientôt il re
prend l’offensive, pendant que la seclion d’artillerie et le bataillon du 62e de ligne, qui a traversé le pont de radeaux, prennent position sur la rive ennemie, et se rendent maîtres du terrain.
Arrivées sur l’aulre rive, toutes les troupes se sont retournées, placées en ligne; elles ont fait face au Prince, en présentant les armes.
Après ces manœuvres, on se rendit au grand Rhin. Un pont de bateaux fut jelé sur toute ia largeur du fleuve, au milieu des détonations de l’artillerie. La rive allemande était couverte d’une foule accourue de tous tes villages riverains.
Un détachement de soldats badois assistait, l’arme au bras, à ces opérations militaires, et recevait nos officiers et nos pontonniers au moment où ces derniers mettaient le pied sur la rive allemande. Français et Allemands fraterni
saient et buvaient au même verre. Voilà un passage du Rhin qui n’aura coûté de larmes à aucune mère, il n’y a eu heureusement que de ia bière de répandue.
On n’a guère lu celte semaine que les bulletins de cette’ belle campagne dont l’inauguration du chemin de Stras
bourg a été l’occasion ; nous n’aurions donc rien à ajouter à ce qui est dit ici et plus bas si nous n’avions à rectifier ce qui a été annoncé dans noire dernier numéro au sujet de Bou-Maza, qu’on avait cru perdu, et qui s’est retrouvé le lendemain à Ham, après avoir séjourné à Compiègne et dans la forêt de Pierrelonds quelques heures de plus que la durée de son congé. Bou-Maza, retrouvé, s’est étonné qu’on l’eût cru perdu, et il a écrit au Constitutionnel, pour s’en plaindre, en termes qui annoncent une vertu blessée d’un tel soupçon. Le secrétaire de Bou-Maza est quelque journaliste de la bonne école, et qui a très-bien choisi son or
gane. Néanmoins, Ai. le ministre de la police ne s’y fiera pas.
Profitons de l’occasion pour annoncer que les nouvelles d’Afrique continuent à être trèsrrassurantes, et que l’insur
rection de la Kabylie ne paraît pas devoir encore celle fois triompher du courage de nos soldats et de l’habileté de nos généraux.
Les nouvelles étrangères ne sont guère plus intéressantes que les nôtres. Les bruits d’invasion de la Havane par les flibustiers américains, ainsi que les appellent les jour
naux espagnols, ont recommencé à circuler, et donnent lieu, dans cette colonie, à des préparatifs de défense et à des sévérités personnelles très-énergiques.
La crise ministérielle n’est pas terminée en Belgique. En Allemagne, on ne signale comme original que le discours de l’électeur de Hesse-Gassel à l’ouverture de la session des Etats : « Afin, dit-il, que personne ne se trouve empêché
de prêter le serment voulu, toute allusion à la constitution a été pour cette fois retranchéedelaformule. » C’est, comme on voit, de la haute comédie.
La session des chambres hanovriennes a été close le 17 juillet, sans ajournement.
— Tandis qu’on célébrait à Strasbourg l’événement qui rapproche cette ville de la capitale, on menait, à quelques lieues de là, à Mulhouse, le deuil d’un des meilleurs ci
toyens de l’Alsace, d’un des promoteurs les plus zélés de ces chemins de fer qui sont la gloire de ce siècle et la cause des plus utiles triomphes de l’activité humaine.
M. Nicolas Kœchlin venait de mourir, le 15 juillet, à l’âge de soixanle-onze ans, après une longue et cruelle maladie.
Membre de la Chambre des députés de 1830 à 1841, il avait su conquérir, par la noblesse et la loyauté de son caractère,
l’eslime et la confiance des hommes les plus considérables dans tous les parlis. Sa vie politique et industrielle a jeté un nouveau lustre sur le nom célèbre de Kœchlin, qu’il a si dignement porté, sur Mulhouse, sa ville natale, et sur T Al
(1) Nous devons un remerciaient à M. Théophile Schuler pour la communication qu’il a bien voulu nous faire du dessin de cette manœuvre. M. Théophile Schuler est l auteur de ces délicieux croquis qui accompa
gnent, dans notre dernier numéro, le compte rendu de la comédie al a- cienne d’Arnold. Nous relevons, à ce sujet, une erreur de l’auteur de l’article. Ce n’est point M. Simon, éditeur, qui a eu l initiative de cette publi
cation ; c’est M. Théophile Schuler lui-même, qui avait songé à dessiner les scènes delà comédie pour rappeler celle-ci à ses compatriote; et la tirer de l’oubli où elle commençait à tomber. C est plus tard et lorsque ces dessins formaient un charmant album, que son imprimeur, M. Simon, a eu l idée de les réunir au texte ainsi remis en faveur, et de faire de l’œuvre d Arnold et de l œuvre de M. Schuler une belle édition illustrée. L initiative est assez honorable pour que nous ayons cru devoir rétablir le fait au profit de notre excellent et ingénieux artiste.
cussion, et, dans les circonstances graves, par des manifestations dont l’objet est seulement d’avertir le pouvoir, ou d’appeler son at
tention sur des mesures à prendre. La modération est le caractère d’une opposition libre; ce qui explique pourquoi l’opposition, en Angleterre, n’est ni violente ni passionnée. Contenue en temps ordi
naire par le respect dû aux institutions et au grand principe delà liberté qui consacre l’indépendance des opinions d’autrui, elle ne sort de sa réserve habituelle que dans les élections ; mais alors elle devient vive; acerbe, audacieuse, et s’oublie jusqu a la licence. L vi
sage a sanctionné en quelque sorte ce genre de liberté malgré ses inconvénients, à peu près comme il autorise un certain dévergon
dage pendant les jours gras. Les élections sont le carnaval de la vie poli tique en Angleterre. Il n’est pas douteux que la forme même de l’élection ne favorise cette licence. La publicité qui lui est imposée devait la faire dégénérer en une espèce de représentation théâtrale,
dans laquelle les applaudissements et les sifflets, les points admiratifs et les brocards devaient être de la partie.
a Essayons d’embrasser l’ensemble du tableau.
« En France, à de très-raresexceptions près,c’est, surtout l’ambition qui pousse vers les affaires publiques ; en Angleterre, c est le désoeuvrement. Un gentilhomme chasseur de renards, quand la chasse est close, un marchand devenu millionnaire et retiré des af
faires, s’ils 11e sont membres du parlement pour occuper un peu
leurs loisirs, doivent infailihlement périr d’ennui ; ce n’est pas de l’ambition, mais de l’hygiène. Cependant les suffrages des électeurs ne peuvent aller trouver les plus ennuyés et les plus oisils, et c’est
à eux de se produire. Ils ont d’ailleurs marqué déjà à coup sûr par quelque excentricité qui les recommande, et, s ils sont inconnus, ils ont la ressource des placards qui disent leurs noms et leurs mérites, tille profession de foi fait le veste. Ceci peut suffire pour les candi
datures qui ont d’elles-mêmes quelque chance de réussir à la faveur d’un nom déjà connu Mais, si l’élection menace d’être disputée, il tout des moyens plus énergiques, et en appeler à la brigue. 11 est Nécessaire de visiter les électeurs et d’agir sur chacun d’eux en par
ticulier. Le thème est ues plus difficiles. L’électeur est fermier; il 11e peut être que protectionniste, car la loi des céréales a lait baisser les orges et les seigles : en lui promettant une hausse au moyen de la prohibition, le candidat a gagné sa voix. Dans les bourgs manu
facturiers, il faut reprendre en sous-œuvre les discours de M. Cobden et parler libre échange. Le candidat qui peut flatter le coutelier de Shelfield de l’espoir de répandre impunément ses couteaux dans les cinq parties du monde, aura pour lui toutes les free.-t rade-rs, c’est-à-dire les partisans de la liberté du commerce. — La protec
tion. le libre échangé, voilà les deux pivots de l’intrigue 11 est cependant des électeurs qui n’étant ni propriétaires, ni fermiers, ni fabricants, ne sont qu’indirectemcnt intéressés au libre échange et à la protection, et qui ne seraient pas fâchés de voir le budget allégé ou la taxe sur le malt rabattue, ou l’égalité de la taxe établie,
ou l’impôt des pauvres diminué; le candidat devra faire sonner pour ceux-ci les grands mots de réforme financière.
« La candidature est lancée : il lui faut encore le support d’un comité qui centralise les moyens d’action qui doivent assurer l’élec
tion. Il s’agit d’avoir quelques amis éprouvés qui se chargent de frapper les grands coups. C’est à cette réunion d’intimes, qui se forme en bureau, qu’appartient le soin d’élaborer les affiches et de colporter la candidature. A cet effet, elle a sous la main les instru
ments de publicité les plus variés. C’est d’abord le hoard-mtm, ou homme- affiche, qui, placé entre une double planche, ressemble, à s’y méprendre, à un soufflet de forge qui marche ; c’est le polcbearer, dont le van (éventail) porte le nom du candidat patronné écrit en majuscules gigantesques. Viennent ensuite les chariots de formes plus ou moins bizarres, que les comités empruntent tout ex
près pour la circonstance à l’industrie des puffers ou faiseurs de puffs, et qu’ils couvrent de placards qui recommandent leur candidat. Tout ceci n’est encore que l’exposition.
« Le jour de l’élection est venu. Chaque bourg a dressé ses liustings, espèces de tréteaux grossiers, sur lesquels vont monter les candidats. La foule s’amasse et grossit ; elle se pousse et. se cou
doie comme à un spectacle de la foire. Les candidats, brillamment escortés par des avilis à cheval ou eu voiture, précédés par des bannières et suivis quelquefois par un corps de musique, viennent s’of
frir aux suffrages des électeurs au milieu d’une véritable pompe théâtrale. Us se rangent sur les hustings, toujours accompagnés de leurs amis, qui ont mis pied à terre. Une partie de l’estrade est réservée au shérif et à ses assesseurs. A l’heure assignée pour l’élec
tion, ceux-ci prennent place au bureau. Le shérif donne lecture à
rassemblée de l’ordonnance royale qui convoque les électeurs, ainsi tpie du bribery-act ou loi contre la corruption, et, après cette formalité, il déclare que les opérations vont commencer.
« Chaque candidat est alors présenté au suffrage des électeurs par un mooer ou ami qui a bien voulu se charger de la motion, et sa candidature est appuyée par un seconder qui fait valoir les titres du postulant. La parole est ensuite au candidat lui-même pour dé
velopper ses opinions, et répondre à toutes les interpellations qui lui sont adressées. Un feu croisé de lazzi part de l’assistance ; les apostrophes les plus grossières pleuveut sur le candidat, qui est ar
rêté à chaque phrase de son discours. Quelquefois des projectiles sont lancés sur les hustings ; assez généralement ce sont des rats morts, et cette plaisanterie ne manque jamais d’exciter le rire de 1 assemblée. Le tumulte est alors à son comble : on crie, on hurle, 011 s’amuse. Les dernières élections, pour le comté de West
minster, à Londres, ont offert une scène à peu près semblable. Un concours d’étrangers de distinction appartenant au corps diploma
tique, parmi lesquels on remarquait l’ambassadeur de Turquie, et bon nombre de daines des premières familles d’Angleterre, s’étaient donné rendez-vous sur le lieu de l’élection, et occupaient les galeries du marché de Covent-Garden. Une populace turbulente se pressait aux abords des hustings. Le front de la baraque était littérale
ment tapissé de placards par lesquels on sollicitait les électeurs en faveur de lord Maidstone, candidat ministériel. Les affiches du no
ble lord portaient ces mots : « Le. thé. la bière et le tabac à bon
marché. » Cette profession de foi, qui aurait dû désarmer le gros de rassemblée, a provoquées plus amères railleries. Le malheureux candidat a été impitoyablement bafoué pour ses poésies et son attachement à la politique de lord Derby. Des grognements l’ont constamment empêché de prendre la parole, et sa candidature a été ensevelie sous une avalanche d’épigrammes et d’injures.
« Les élections de la cité ont été plus pacifiques. On y remarquait les ducs de Nemours, de Montpensier et d’Aumale. A la vérité l’un des candidats, sir John Russell, commandait, par la haute position qu’il a occupée dans les affaires, le respect des assistants. Dans Marylebone les opérations se sont passées avec assez d’ordre. Il n’y avait d’ailleurs aucune opposition, et sir Dudley Coutts Stuart, ainsi que M. Benjamin Hall, ont eu leur mandat renouvelé sans contestation. On sait que le premier est cousin par alliance de Louis-Napoléon, président de ia République, ayant épousé la princesse Christine, tille de Lucien Bonaparte et sœur du prince de Canino.
« Nous avons montré le côté le plus séduisant du tableau, et on a pu voir s’il est fait pour séduire. Quelquefois ia scène est moins plaisante ; il arrive souvent que le candidat, qui prévoit l’orage, a la précaution de mener à sa suite de vigoureux supporters ou soutiens rte sa cause. Leur présence dans l’assemblée occasionne parfois
des rixes sanglantes ; à ces causes de désordre il faut joindre encore les vols nombreux qui se pratiquent devant les liustings, et l’on comprendra combien il serait nécessaire de modifier un système électoral qui fait une si large part aux abus. Déjà, aux dernières élections, des électeurs ont interpellé lord Palmerston sur la ques
tion d’une réforme de ce genre, et lui ont demandé s’il appuierait une proposition qui tendrait à substituer le vote au scrutin secret au mode de votation actuellement eu usage. Mais l’ex-ministre a dé
claré formel ement que la publicité du vote, telle qu’elle existe, lui paraissait préférabl au vote secret, comme étant plus conforme à l’essence d’un gouvernement libre où tous les actes doivent être pu
blics. La réponse est au moins spécieuse; on pourrait dire qu’il est d’un gouvernement libre d’assurer la liberté des votes, ce qui n’est pas toujours facile avec les redoutables r.s/a/Jiers qui convient le votant à donner son suffrage à leur candidat.
« Le vote à main levée, ainsi qu’il est usité dans le plus grand nombre de cas, procède moins de la réflexion, et peut être sujet à l’en
traînement. A la vérité, la loi accorde au candidat la faculté de ré
clamer le poil ou scrutin, mais seulement dans le cas où le vote à main levée laisse quelque doute sur l’élection. Une considération d’un ordre plus grave rend désirable le scrutin secret. Bien des ci
toyens paisibles négligent d’exercer leurs droits électoraux, parce qu’il leur répugne de subir les aménités auxquelles lesbustings don
nent lieu. Ils savent qu’ils peuvent y gagner quelques bons horions, ou tout au moins d’indécents quolibets, et cela suffit pour les détourner de leurs devoirs d’électeurs.
« Nous sommes persuadé encore que bien des candidats d’un mérite recommandable se proposeraient aux suffrages de leurs concitoyens s’ils n’avaient pas à passer par l’épreuve des hustings. Ajou
tons que dans le système électoral, tel qu’il est en pratique, il faut nécessairement avoir une grande fortune pour courir l’honneur de l’élection. Les dépenses qu’une candidature occasionne sont énormes, surtout quand on se pique d’amour-propre. Un candidat un peu considérable et qui veut être considéré, outre les frais de publicité de tout genre qu’il a à supporter, doit acquitter les frais géné
raux de l’élection et défrayer honorablement ses électeurs. On se récrie et l’on dit : « Quoi ! c’est là cette liberté ; c’est là cette indépendance dont vous nous pariiez ! » Je n’ai fait allusion qu’à l’heu
reuse impuissance du gouvernement à l’égard de la liberté des votes. La captation ne peut venir que de la part des particuliers, et celle-là, quoique également regrettable, me semble moins dangereuse. Elle a d’ailleurs sa répression dans la loi, et les transactions auxquelles elle donne lieu ne peuvent être qu une fraude punissable. L’exemple a toujours démontré, au contraire, que les gouvernements pouvaient corrompre avec impunité.
«L’honneur de siéger au parlement n’est donc pas tout à fait aussi gratuit qu’il le parait ; et, en écartant la question de dépense, il reste encore une somme d’ennuis et de dégoûts capable d’arrêter même une ambition osée. Quand on songe à tous les malheureux aflligés de langueur qui sont réduits à chercher dans la vie publique une diversion salutaire au mal qui les dévore, on est nui d’une pitié pro
fonde pour ces infortunés qui se condamnent volontairement à boire l’humiliation à une aussi forte dose. J’estime, quant a moi, que c’est acheter chèrement l’honneur, quelque grand qu’il soit, d’accoler à son nom, sur sa carte, l’abréviation M P. (membre du parlement).
« Agréez, monsieur, etc.
« Auguste Faure.
« Londres, le 17 juillet. »
On ne connaît pas’encore, à l’heure où nous écrivons, le résultat général des élections; mais les premières prévisions, que nous avons accueillies avec toute la presse, ne se sont pas réalisées, ou du moins ont-elles été affaiblies dans leurs proportions. Le ministère, sans avoir la majorité, en appro
chera de manière à se maintenir d’autant plus facilement,
qu’il a renoncé, dans toutes ses déclarations officielles, aux engagements qu’il avait pris dans l’opposition; ce qui n’a pas empêché, dans quelques comtés, les violences des pro
tectionnistes contre leurs adversaires, et notamment contre le fils de l’illustre llobert Peel, dans le comté de Warwick.
Mais la question entre protectionnistes et / ree tra/iers est une conversation presque polie en comparaison de ce qui
se passe entre catholiques et anglicans. Ici, ce ne sont plus des rats morts, des œufs pourris et quelques horions, qui font les frais du divertissement : « Ce ne sont partout,
ditun témoin, que de vraies batailles, avec de vrais morts et des blessés ; des rues entières saccagées, des églises pillées et détruites, des maisons incendiées et démolies. 11 y a eu telle grande ville, comme Belfast, par exemple, où les catho
liques et les protestants se sont livré une bataille rangée, qui a duré tout un jour, et où les combattants ont fait usage, non-seulement de pierres, de briques et de bâtons, mais aussi d’armes à feu. »
Nous rendons compte plus loin de l’inauguration du chemin de fer de Strasbourg, qui tient une grande place dans l’histoire de cette semaine, si grande, que nous avions es
péré pouvoir lui consacrer nous-mêmes une plus grande place clans ce numéro. Mais nous avions compté sans l’ad
ministration de la compagnie, qui ne nous a pas accordé à temps les facilités nécessaires pour préparer la partie de notre relation qui ne s’improvise pas. Nous avons trouvé plus d’intelligence et de bonne volonté à Strasbourg même, de la part de M. Théophile Schuler, chargé, sous la direc
tion des colonels du 15e régiment d’artillerie (pontonniers) et du 17e léger, d’exécuter un magnifique dessin représentant le principal épisode des fêtes de Strasbourg, les ma
nœuvres militaires sur le petit Rhin, près de Hasbourg. On trouvera plus loin ce dessin, où figurent un pont de con
version, une flottille de huit bateaux, un pont de radeaux et des tirailleurs jetés sur la rive ennemie. La tribune du
président, élevée au milieu des estrades construites avec un goût infini par le capitaine Poinsignon complétait, au dire des témoins, une scène d’une grande beauté pittoresque (1). Mais ce n’est pas l’habile directeur du chemin de fer
du Nord qui aurait laissé le pas, dans cette solennité industrielle el pacifique, à un épisode dont l’intérêt est uniquement militaire.
Quoi qu’il en soit, avec le défilé des chars rustiques, compromis par l’orage, cet épisode est un des plus inté
ressants parmi les récits qui nous arrivent des fêles de Strasbourg.
Un passage de vive force devait être simulé sur le petit Rhin; le polygone des pontonniers, situé à 250 ou 300 mètres du pont du petit Rhin, avait élé choisi pour cette manœuvre.
La rive droite était défendue par un détachement de 100 voltigeurs du 17e léger.
Le passage devait être effectué par deux bataillons d’infanterie, forts de 500 hommes chacun, l’un du 24e léger, l’autre du 62e de ligne, appuyés par une batterie d’artillerie.
Ces troupes étaient sous le commandement du général de brigade Uhrich.
A un signal donné, douze ou quinze pontonniers, habiles nageurs, se précipitent à l’eau et traversent le petit Rhin à la nage, pour simuler la surprise d’un poste placé sur la rive opposée ; l équipement, l’armement et les munilions de ces militaires sont placés sur un petit radeau traîné par eux en nageant. Arrivés sur l’autre rive, les pontonniers font feu sur l’ennemi; pendant ce temps deux compagnies d’infanterie traversent la rivière dans des bateaux pour ap
puyer le premier mouvement des pontonniers; ces deux compagnies sont repoussées.
Alors l’attaque générale commence : un pont de bateaux est jeta par conversion ; celte manœuvre difficile est sou
tenue par une batterie d’artillerie qui croise son feu, trois pièces à droite, trois pièces à gauche; un pont de radeaux est jeté en même temps à une faible distance du premier pont ; au même moment, une section d’arlillerie, avec ses deux pièces et ses chevaux, est embarquée sur une traille et passe le fleuve. L’ennemi riposte par un feu nourri à cette triple attaque ; le bataillon du 24e léger, qui traverse le pont de bateaux, est replié d’abord mais bientôt il re
prend l’offensive, pendant que la seclion d’artillerie et le bataillon du 62e de ligne, qui a traversé le pont de radeaux, prennent position sur la rive ennemie, et se rendent maîtres du terrain.
Arrivées sur l’aulre rive, toutes les troupes se sont retournées, placées en ligne; elles ont fait face au Prince, en présentant les armes.
Après ces manœuvres, on se rendit au grand Rhin. Un pont de bateaux fut jelé sur toute ia largeur du fleuve, au milieu des détonations de l’artillerie. La rive allemande était couverte d’une foule accourue de tous tes villages riverains.
Un détachement de soldats badois assistait, l’arme au bras, à ces opérations militaires, et recevait nos officiers et nos pontonniers au moment où ces derniers mettaient le pied sur la rive allemande. Français et Allemands fraterni
saient et buvaient au même verre. Voilà un passage du Rhin qui n’aura coûté de larmes à aucune mère, il n’y a eu heureusement que de ia bière de répandue.
On n’a guère lu celte semaine que les bulletins de cette’ belle campagne dont l’inauguration du chemin de Stras
bourg a été l’occasion ; nous n’aurions donc rien à ajouter à ce qui est dit ici et plus bas si nous n’avions à rectifier ce qui a été annoncé dans noire dernier numéro au sujet de Bou-Maza, qu’on avait cru perdu, et qui s’est retrouvé le lendemain à Ham, après avoir séjourné à Compiègne et dans la forêt de Pierrelonds quelques heures de plus que la durée de son congé. Bou-Maza, retrouvé, s’est étonné qu’on l’eût cru perdu, et il a écrit au Constitutionnel, pour s’en plaindre, en termes qui annoncent une vertu blessée d’un tel soupçon. Le secrétaire de Bou-Maza est quelque journaliste de la bonne école, et qui a très-bien choisi son or
gane. Néanmoins, Ai. le ministre de la police ne s’y fiera pas.
Profitons de l’occasion pour annoncer que les nouvelles d’Afrique continuent à être trèsrrassurantes, et que l’insur
rection de la Kabylie ne paraît pas devoir encore celle fois triompher du courage de nos soldats et de l’habileté de nos généraux.
Les nouvelles étrangères ne sont guère plus intéressantes que les nôtres. Les bruits d’invasion de la Havane par les flibustiers américains, ainsi que les appellent les jour
naux espagnols, ont recommencé à circuler, et donnent lieu, dans cette colonie, à des préparatifs de défense et à des sévérités personnelles très-énergiques.
La crise ministérielle n’est pas terminée en Belgique. En Allemagne, on ne signale comme original que le discours de l’électeur de Hesse-Gassel à l’ouverture de la session des Etats : « Afin, dit-il, que personne ne se trouve empêché
de prêter le serment voulu, toute allusion à la constitution a été pour cette fois retranchéedelaformule. » C’est, comme on voit, de la haute comédie.
La session des chambres hanovriennes a été close le 17 juillet, sans ajournement.
— Tandis qu’on célébrait à Strasbourg l’événement qui rapproche cette ville de la capitale, on menait, à quelques lieues de là, à Mulhouse, le deuil d’un des meilleurs ci
toyens de l’Alsace, d’un des promoteurs les plus zélés de ces chemins de fer qui sont la gloire de ce siècle et la cause des plus utiles triomphes de l’activité humaine.
M. Nicolas Kœchlin venait de mourir, le 15 juillet, à l’âge de soixanle-onze ans, après une longue et cruelle maladie.
Membre de la Chambre des députés de 1830 à 1841, il avait su conquérir, par la noblesse et la loyauté de son caractère,
l’eslime et la confiance des hommes les plus considérables dans tous les parlis. Sa vie politique et industrielle a jeté un nouveau lustre sur le nom célèbre de Kœchlin, qu’il a si dignement porté, sur Mulhouse, sa ville natale, et sur T Al
(1) Nous devons un remerciaient à M. Théophile Schuler pour la communication qu’il a bien voulu nous faire du dessin de cette manœuvre. M. Théophile Schuler est l auteur de ces délicieux croquis qui accompa
gnent, dans notre dernier numéro, le compte rendu de la comédie al a- cienne d’Arnold. Nous relevons, à ce sujet, une erreur de l’auteur de l’article. Ce n’est point M. Simon, éditeur, qui a eu l initiative de cette publi
cation ; c’est M. Théophile Schuler lui-même, qui avait songé à dessiner les scènes delà comédie pour rappeler celle-ci à ses compatriote; et la tirer de l’oubli où elle commençait à tomber. C est plus tard et lorsque ces dessins formaient un charmant album, que son imprimeur, M. Simon, a eu l idée de les réunir au texte ainsi remis en faveur, et de faire de l’œuvre d Arnold et de l œuvre de M. Schuler une belle édition illustrée. L initiative est assez honorable pour que nous ayons cru devoir rétablir le fait au profit de notre excellent et ingénieux artiste.