race entière. Nul plus que lui n’a contribué à les doter de deux chemins de fer, qui sans son énergique volonté attendraient peut-être encore longtemps leurs premiers rails.
La mort de cet homme de bien, modèle de toutes les vertus privées, a jeté Mulhouse dans le deuil le plus profond, et sa nombreuse famille dans une douleur qui ne s’effacera jamais.
Paulin.
Courrier de Paris.
Encore une déception, la fin du monde n’est pas venue. On l’attendait dimanche avec une conliance si fort ébranlée maintenant, que nos Mathieu Laensberg se sont résignés à proclamer l’ajournement indéfini de la catastrophe ; mais, si Paris n’est pas brûlé, il n’en vaut guère mieux, et l’on se demande où et comment, dans celte fourmilière incendiée,
chaque poitrine humaine peut trouver sa quote-part d’air respirable. En attendant que la température s’abaisse, les exécutions se continuent contre les chiens suspects, et ils le sont tous : c’est un autre massacre des innocents. L’hydrophobie est un cas pendable ; ainsi l’a décidé l’autorité, qui pousse au carnage avec un zèle au-dessus de (ont éloge.
Ceci est bien véritablement la fin du monde pour la race canine; aussi parle-t-on d’une société proteclrice des ani
maux qui aurait réclamé en faveur de certaines espèces menacées d’une abolition complète; mais l’autorité n’en dé
mord pas, et elle a raison. A dire vrai, notre belle capitale est un chenil qu’on ne saurait trop purifier. Prenez garde,
ajoutent nos philanthropes à rebours, qu’en frappant le plus lidèle compagnon de l’homme, c’est une source de revenus dont vous vous privez; au nom de la taxe, respectez Turc et .1 lédor, et mettez un terme à cet horrible massacre de contribuables.
Mais voici des choses plus sérieuses : tout Paris, en ce moment, arrive de Strasbourg, à la suite des cinq cents per
sonnes qui y sont allées. Certes, ce charmant voyage de mille kilomètres et de trois jours aura fait plus de bruit dans les journaux que le fastueux passage du Rhin par Louis XIV dans l’épitre de Boileau ; mais, à côté de cette poignée de privilégiés, que de mécontents, et surtout que de mécontentes, puisque les dames se trouvaient exclues de la cérémonie. Il y avait banquet, bal et tout ce qui s’ensuit.
Pourquoi donc cetle interdiction ? C’est ici que le champ s’ouvre aux conjectures. On dit que le Prince-Président se serait vu obligé de limiter son choix à un très-petit nombre d’élues ; c’eût été d’ailleurs une bien grande fatigue pour un si petit plaisir : telle est la conjecture la plus probable, la plus charitable dans tous les cas ; mais la suivante l’est beaucoup moins. Si les dames de Paris n’ont pas figuré dans le cortège, c’est que les dames de Strasbourg ne font pas voulu, à ce que disent du moins quelques-unes de ces belles évincées. Les beautés d’Alsace auraient redouté le voisinage des grâces parisiennes :


A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire.


Et cette victoire strasbourgeoise, c’est un de nos collaborateurs qui se charge de vous en offrir le bulletin.
On a répété à satiélé que M. le Prince-Président de la République, se trouvant à l’étroit, dans le château de Saint- Cloud , allait arrondir ce charmant domaine public au moyen de l acquisition de Montretout; ce n’est là qu une historiette faite à plaisir, et probablement aussi vraie que celle qui attribue au chef de l’Etat l’intention de donner aux personnes de sa maison des logements dans le château de Versailles. Ceux qui répandent ce bruit oublient tout net que Versailles n’est plus qu’une habitation en peinture, un musée ouvert aux gloires de la France. En dépit de ses frè
res, ou plutôt de ses sœurs, Napoléon ne voulut jamais l’habiler, et encore moins voulut-il que quelque autre de son sang s’y établit.
Dans un petit livre très-spirituel et signé d’/in som qui fut illustre au temps.de l’empire, se trouve Ÿ
tl hier, et qu un de nos confrères, qui est notre ami, va... aura peut-être révélé : c’est que le yacht la Heine d<-s litiges, que Louis-Philippe lit construire au Tréport pour l’u­
sage de sa famille, vient d’être vendu à Eu par autorité de justice, et désormais ce joli navire, non débaptisé et toujours couronné des armes de son propriétaire, va promener dans
la rade le premier amateur venu, moyennant trente sous la course.
Voulez-vous cependant un échantillon de nos nouveautés parisiennes? L’ffippodrome fait partir ses ballons de l’année dernière et reprend ses Filles de l’air, pendant que le Cir
que, son voisin, a repris MUe Caroline Loyo et ses exercices.
Mu“ Loyo, qui n’a guère de rivale, cravache en main, est celte virtuose que les Américains, qui se connaissent en
voltige comme en musique, ont surnommée la Jenny Lind de l’équilalion. Une autre nouveauté de la saison, c’est le Ranelagh, jardin d’agrément où l’on joue la comédie, salle de spectacle où l’on danse, et qui s apprête à fêter l’anniver
saire de sa fondation. Le Ranelagh vient d’entrer dans son soixante-dix-huilième printemps; il a vu sauter l’ancien ré
gime, la République, l’Empire et les plus récentes royautés: quelle danse ! Ailleurs on a vu se succéder plusieurs dynas
ties; le Ranelagh n’en a connu qu’une, dont M. Ilerny est le fondateur et le chef. Le Ranelagh joue volontiers là co
médie d’amateur, c’est son côté faible ; mais quand cela lui arrive, a tout le moins une J ois l’an, c’est uniquement par charité, et il faut lui savoir gré de l’intention. Ailleurs, — et c’est une vieille nouveauté de plus, — cette chaleur sénégambienne achève de faire éclore une foule d’établisse
ments bachiques et lyriques qui font de la fraîcheur à leur porte avec un arrosoir et des flots de mélodie. Citons en pas
sant pour ses mérites diaboliques, le théâtre de M. Lacaze, un habile magicien qui a planté sa tenle aux Champs- Elysées, carré Marigny. Chaque soir, en dépit de celle tem
pérature brûlante, la salle de Al. Lacaze, autrement dit le Château du diable, s’emplit d’une foule enchantée, et ce n’est pas encore là le tour le plus surprenant de cet admirable sorcier.
Du côté du Rhin allemand entendez-vous ce grand bruit d’acclamalions et celle explosion d’un enthousiasme peutêtre chauffé par la réclame? C’est la tragédie en personne qui va montrer dans les cours du Nord la pourpre impé
riale et la coupe ensanglantée. Pour parler sans équivoque, MUe Rachel a eu l’honneur de jouer à Berlin devant les souverains du Nord ; et l’empereur de Russie, ce digne appré
ciateur du talent, cet autocrate en matière de goût, aurait fait exprimer à la tragédienne, le désir de la voir à Saint- Pétersbourg. Hermione a été moins heureuse dans ses re
présentations ordinaires, où, comme en Angleterre cl de même qu’en Italie, M11 Rachel a trouvé des juges plutôt que des admirateurs. Puisqu’aujourd’hui la langue des chiffres est la plus éloquente de toutes les langues, ajoutons que
Camille a encaissé des recettes qui ont dû faire pleurer sa vanité. Une exclamation sinistre, qui n’est peut-être qu’un
écho parisien, a retenti là-bas : ih ! comme elle baisse! C’est que l’accent finit par se perdre sous le ciel de l’étran
ger ; et que peut devenir celte tragédie française qui parle anglais ou allemand pendant une bonne moitié de l’année ?
On annonce de Spa que Al. Meyerbeer est attendu à Paris. Attendu par qui? La correspondance officieuse n’en dit rien ; seulement elle ajoute : « L’illustre maestro est malade. » Et l’on trouve que c’est faire de la réclame in extremis. Autrefois cetle réclame s’entendait bien mieux à soigner l’entrée du grand homme à Paris. Beaux jours de
l’annonce du Prophète et du Camp de Silésie, qu’ètesvous devenus ? M. Meyerbeer est malade. Ah ! la triste invention ! et que c’est couper maladroitement la queue du chien d’Alcibiade !
D’ailleurs nous ne saurions plus attendre avec une bien vive impatience l’arrivée du grand compositeur, puisque nous possédons à Paris le poète Jasmin. On l’a vu l’autre jour traversant le pont des Arts (les canards l’ont bien passé) dans ses grands souliers; il avait la tenue d’un prix Montyon en bonnes fortunes : gilet à fleurs, vesle bleue de
ciel, culotte enrubanée et un soupçon de poudre sous le classique béret; M. Jasmin allait chez les Quarante, qui s’é­
taient réunis pour lui donner l’accolade et l’acclamer poêle à huis clos en attendant le grand jour de l’ovation publique.
Et à propos de cette cérémonie burlesque, nous dirons bientôt par quelles mains fort peu poétiques sont distribuées ces gratifications, et comment le patois de M. Jasmin se trouve inauguré à l’Académie; l’essentiel à constater au
jourd’hui, c’est que les vrais juges étaient absents. Des quatre ou cinq poêles que compte l’aréopage, aucun ne figu
rait dans la commission des récompenses; le laurier de M. Jasmin n’aura pas reçu la bénédiction de Lamartine, d’Alfred de Vigny, de Victor Hugo, ni même de M. Vienne! ; il a été tressé par les Flourens, les Erhpis et auties Pongerville. Ah! l’Académie, qui étouffe dans ses catacombes, fait fies sottises pour qu’on parle un peu d’elle ; eh bien ! on en


riera.


ms-voici au théâtre, et tout ce qu’on peut dire de ces
blasements, c’est que leur situation est on ne peut plus i v.inatique. La chaleur les brûle à petit feu. Quelques-uns ont pris le parti de fermer leurs portes, chez quelques au
tres il y a recrudescence de chanteurs hongrois et de danses . espagnoles. Aux grands maux les petits remèdes. Cependant, malgré les prévenances des affiches qui écourtent leurs spectacles et vous promettent une abréviation du plaisir, les salles ressemblent plus ou moins à des thébaïdes. Au mi
le celle solitude, qui est-ce qui pourrai! dire ce que viennent les pièces et les acteurs? La tirade languit, le diav « tire la langue, on supprime les longs couplets, pré.nlion hygiénique. L’orchestre accompagne piano ces exerices d’une vocalise imprudente, et respire le plus long
jps possible entre deux airs. Au dehors, l’attitude des ployés de la maison est moins lamentable: le contrôleur joue au piquet avec son chef ; tandis que le placeur, fermant son œil d’argus, laisse entrer le premier venu.
Le Gymnase, toujours le premier au feu el le dernier, a joué Donnant donnant, pièce agréable, un peu à la glace, et ça n’a rien gâté. 11 s’agit encore des amours d’Edouard et d’Elise, mais Edouard est un enfant trouvé, c’est-à-dire
perdu ; il n’a point de nom à mettre au contrat, el comment Elise pourrait-elle s’appeler Mmc Edouard tout court : le noble jeune homme n’y consentira jamais.
Autre empêchement : Elise s’est vouée au blanc, mieux encore, au cloître, pour obtenir du ciel la guérison de sa mère. Quel embarras! Le moyen d’en sorlir? Vous allez voir. A ce pauvre Edouard, l’enfant du hasard et de l’in
connu, il est resté du moins un tuteur qui lui est venu de je ne sais qui et l’on ne sait comment. Ce M. Patrick, es
pèce d’original en perruque rousse, ne se montre guère aux yeux du pupille que pour lui remettre sa pension men
suelle. Sur tout le reste, sir Patrick est muet connue un poisson. C’est en vain que le futur beau-père, une fine mouche, un ancien dignitaire de la rue de Jérusalem, voudrait desserrer les dents de l’insulaire; Patrick est inflexi
ble. Venez donc à noire secours, madame de Gharmieu, ou bien nous n’en sortirons jamais. Celle petite femme, ou plutôt ce petit diable en bonnet rose, a touché le cœur de l’Ir
landais, de sorte qu’elle offre à son adorateur un marché auquel tout le monde s’empresse de souscrire : sa main
sera le prix de l’énigme en question. Mais Patrick ne sait pas deviner les énigmes ; la clef de ee myslère lui a échappé. Donnant donnant, la convention est formelle; il n’a rien à réclamer puisqu’il ne donne rien ; et nous retombons dans loutes nos perplexités, si bien qu’on ne voit plus guère de raisons pour que ça finisse. Et pourtant lout s’est terminé à la satisfaction générale. Ne cherchez plus un père pour Edouard, il vient d’être adopté par Patrick. Mais le vœu d’Elise? Le pape l’en a relevé. Ainsi, ce mariage impossible et cette pièce encore plus impossible, qui eussent cer
tainement paru tels à M. Scribe lui-même, n’ont été qu’un jeu pour M. Amédée Achard. En échange de ce tour de force, le public lui a donné un succès. Donnant donnant, et parlant quittes.
Au théâtre de la Bourse, le Duel de mon oncle n’était pas une affaire plus facile à arranger; mais, grâce à l’esprit du même auteur, qui n’en déploya jamais davantage, tout a fini par des bravos.
Philippe Busoni.
Henry Clay.
La grande république des Etats-Unis vient de. perdre un homme qui comptait au nombre des plus vaillants cham
pions de ses principes démocratiques, un diplomate -qui
s’était su concilier l’estime et l’affection de tous les partis qui se disputent la suprématie dans le gouvernement de ce vaste pays; en un mot l’un des plus grands citoyens dont s’honore la patrie de Washington, de Jefferson, de Madison et de Munroe.
Henry Clay naquit en 1777, le 12 avril, au Stashes, dans le confié de Hanovre, situé à l’est de la Virginie. Son père, issu d’une famille de baronnets qui avaient émigré d’Angle
terre, élait ministre de la religion réformée, et mourut quatre ans après la naissance de cet enfant. La position respectable de sa famille, son éducation, tout portait Henry Clay à devenir un homme remarquable, et il répondit aux espérances que sajeune intelligence avait su donner de lui.
Le second mari de sa mère crut devoir utiliser les talents précoces de son fds adoplif en faisant de lui un commerçant; mais il prouva bientôt qu’il n’entendait rien au négoce, et, voulant obtenir un rang dans le barreau, il se ren
dit à Richmond à l’âge de quatorze ans, pour y étudier les lois de son pays. Le chancelier White, le,gouverneur de l’Etat, Robert Brooke, et autres légistes distingués remar
quèrent les capacités du jeune étudiant qui, au bout de dixliuit mois écoulés sur les bancs de l’école, passait un exa
men si brillant, qu’il obtenait à l’instant son diplôme d’a­ vocat.
Au mois de novembre, 1797, Henry Clay se rendit à Lexington dans le Kentucky, pour y exercer sa profession ; il avait alors vingt el un ans. Ha renommée se répandit bientôt dans tout le pays environnant, et il lui suffit de dix années pour se placer à la tête du barreau de l’ouest des Elats-Unis.
Dans cet intervalle, Henry Clay s’était marié et avait épousé une fort belle Américaine, miss Lueretia Hart, alliée à l’une des plus anciennes familles du Kentucky, et qui lui donna onze enfants, cinq fils et six filles, dont deux garçons seulement vivent à cette heure.
Ce fut en 1803, sous la présidence de John Adams, qu’Henry Clay, âgé de vingt-sept ans, fut forcé, par le vou
loir de ses concitoyens, d’accepter le mandat de membre de la législature, el, dès son entrée dans ce corps, recom
mandable à tous égards, il se plaça au premier rang parmi les plus éloquents et les plus habiles. Trois ans après, il remplaçait dans le sénat l’honorable John Adair, et, à la fin
de la session, il rentrait encore au sein du corps législatif, dont il devenait président. En 1809, on le renvoya encore représenter le Kentucky au sénat, malgré le désir qu’il avait d’ètre réélu membre de la chambre des représentants, où, selon lui, il eût été plus à même de servir son pays; mais il ne parvint à son but qu’en 1811. A cette époque, les Etats-Unis étaient en difficultés avec l Angleterre, et il était urgent que le gouvernement fût dirigé avec une grande ha
bileté. Ce fut à Henry Clay qu’échut l’honneur de présider la chambre. Une fois investi de ce pouvoir, il devint -le champion le plus zélé des droits de son pays, et, forçant ses collègues à déclarer la guerre à la Grande-Bretagne, il sut dicter des lois à la mère patrie et obliger l’Europe a se liguer avec les Etats-Unis pour abattre l’orgueil du gouver
nement britannique. C’est aussi à ses soins que l’on doit le traité de Gand, signé le 2/i décembre 181i, car il s’était, rendu dans cetle ville pour rédiger les principales clauses de la paix que demandait le vieux monde au nouveau.
Henry Clay visila alors la France et s’y fit de nombreux amis, dont il aimait à redire les noms et avec lesquels il con
serva toute sa vie des relations intimes, entretenues par une fréquente correspondance. De retour aux Etats-Unis, le di
plomate reprit son poste au congrès, et y demeura jusqu’en 1825. Lors de l’avénement au fauteuil présidentiel des Etats- Unis de Adams, qu’il fit élire par son influence et celle de ses amis, il fut forcé par le nouveau dignitaire d’accepter le posle de ministre d’Etat, qu’il avait refusé d’occuper sous
Madison et Munroe. Mais le nouveau chef de la république américaine avait fait appel à son patriotisme, et chez Henry Clay nul ne pouvait toucher cette corde, qui vibrait en lui avec une harmonie inexprimable, sans triompher