de ses plus grands scrupules et de ses plus violentes antipathies. Durant quatre années, Henry Clay remplit cette haute fonction, et s’y fit estimer de tous ceux qui avaient affaire à lui; mais lors de l’é­
lection du général Jackson, au choix duquel il s’était fortement opposé, il lui fallut abandonner Washington, et il se retira dans sa terre d’Ashland, où il de
meura jusqu’en 1831. Les concitoyens de ce grand homme ne pouvaient longtemps se passer de ses services, et,
au mois de septembre de cette même année, il fut envoyé au sénat pour y re
présenter le Kentucky. Pendant onze ans il demeura fidèle à son poste, jus
qu’en 1842, où sa santé le contraignit de se démettre de ses fonctions.
Cependant Ilarison avait été élu président , et un an après il mourut, lais
sant sa place à M. John Tyler. Cet état de choses dura jusqu’en 1844, et, lors
que l’heure des élections sonna, le parti whig ne crut pas pouvoir mieux faire que de choisir pour candidat le célèbre Henry Clay. Il n’entre point dans le cadre de cette notice de raconter les dé
tails de cette campagne présidentielle, dans laquelle M. James K. Polk, hom
me inconnu, sans éloquence et d’un médiocre talent, l’emporte sur le plus illustre orateur et le plus capable di
plomate des Etats-Unis ; il nous suffira de dire que cette défaite fut pénible au cœur de Henry Clay, qui cependant, malgré ce premier échec, consentit en
core, en 1848, à voir son nom porté devant la convention de Baltimore, où il fut de nouveau mis de côté pour celui du général Zacharie Taylor, le vain
queur de Buena-Vista, que l’on choisit pour succéder à M. Polk. — Quoique cette défaite fut adoucie par le choix immédiat de Clay, délégué au sénat par le Kentucky, elle n’en affecta pas moins son cœur, ulcéré par un double désap
pointement, et, de 1849 au 29 juin 1852,
jour de sa mort, la santé de Henry Clay fut plus ou moins chancelante,
jusqu’à ce qu’enfin la vie s’éteignit enH. Clay. — Dessin de Marc; gravure de Best, Hotelin et Cie.
lui, sans effort, comme une lampe brûlante éteinte par un souffle du vent.
Tel est l’abrégé le plus court que nous puissions offrir à nos lecteurs de la carrière politique du grand homme dont les Etats-Unis portent le deuil. La nouvelle de sa mort a été reçue par le pays avec une manifestation de dou
leur générale. Le congrès a interrompu ses séances, les établissements publics ont été clos, les navires mettaient leurs pavillons à mi-mât, les canons de tous les forts tiraient une salve en mémoire de l ami du peuple, et partout où son cercueil a passé, sur la route qui con
duit de Washington à Ashland, dans le Kentucky, il a rencontré une foule si


lencieuse, prosternée, dont la voix mul


tiple redisait les éloges de l’illustre mort qu’il renfermait.
C’est à Henry Clay que les Etats-Unis doivent en grande partie le respect qu’ils inspirent généralement, car ü avait su prouver à ses concitoyens qu’il était urgent pour eux de protéger l’industrie nationale, d’employer les excé
dants des revenus du pays à accomplir des travaux d’utilité publique, de iorcer les nations du vieux et du nouveau monde à reconnaître les libertés natio
nales, tout en demeurant, lui et son pays, dans des limites de non-interven
tion. Plein de génie, de générosité et
de.grandeur d’âme, Henry Clay est l’homme qui a été le plus populaire en Amérique après Washington, et son éloquence surpassait de beaucoup celle de l’illustre général.
Une haute stature, une figure caractéristique et noble à la lois, des yeux vifs, perçants et pleins d’expression , une voix sonore, prolonde, flexible et infatigable, telles étaient les qualités physiques de Henry Clay ; quant à ses qualités morales, les marques de regret que lui adresse encore l’Amérique en
tière sont la meilleure preuve de la sympathie qu’il avait acquise au milieu d’un peuple qui ne la prodigue jamais.
B. H. Révoil.
Constantinople, 5 juillet 1852.


Mon cher Paulin,


Vous me trouveriez bien vulgaire si je venais vous dire que Constantinople est une des plus grandes merveilles du monde ; vous croiriez avoir le droit de me ranger dans une des classes de voyageurs que Sterne a, je crois, omises dans sà classification des différentesespèces de touristes, celle du voyageur badaud. Eh bien! dussé-je passer pour vul


gaire, dussiez-vcus me ranger parmi les badauds, je suis forcé d’avouer que Constantinople a dépassé l’idée que je




Les fêtes du Ramazan à Constantinople.


m’étais formée de la magnificence de son aspect. A d’autres le soin d’énumérer, mosquée par mosquée, palais par palais, ce que tout voyageur qui se respecte un peu doit né
cessairement visiter. Arrivé depuis quelques jours à peine, je n’ai pu que jeter un regard sommaire sur l’ensemble, et il serait non-seulement téméraire à moi, mais encore impra
ticable, d’exprimer un jugement, d’émettre une opinion sur l’admirable spectacle que j’ai sous les yeux.
Un jour, peut-être prochain, verra sans doute surgir quelque Saint-Foix, quelque Dulaure, ou, mieux encore, quelque Texier turc, qui parviendra à faire la monographie
de Constantinople. Le goût de la littérature nouvelle commencé à se répandre dans l’empire ottoman ; malheureuse
ment le nombre des auteurs n’est pas en rapport avec le nombre possible de lecteurs. Mais que de difficultés attendent même l’écrivain du pays qui se dévouera à une sem
blable tâche ! A l’exception de quelques grandes artères, des bezesteins, des marchés, dans lesquels afflue le monde, la ville, quoique énormément peuplée, semble déserte : la vie intérieure est cachée. Harem signifie; défendu, sacré; et l’in
violabilité du domicile conjugal sera toujours un obstacle à ces mille investigations nécessaires au complément des étu


Une nuit de Ramazan à Constantinople. — Dessin de P. Blanchard; gravure de Best, Hotelin et Cie.