Sainte-Barbe-des-Champs.
Tandis que de toutes parts on discute à perte de vue sur l’enseignement, il y a des gens qui enseignent sans discuter, et qui s’en trouvent bien. Ce n’est pas qu’on n’ait raison d’i maginer de superbes théo
ries : mais si l’on peut faire de la bonne pratique, où est le mal? Ce n’est pas d’aujourd’hui qu’on parle d’éducation : après trois siècles, tout n’est pas à inventer, et l’on peut bien faire sans faire du nouveau. Accoutumer l’enfance à l’ordre et au tra
vail, par une discipline ferme sans rudesse; la nourrir d’abord de préférence , mais non pas exclusivement, de ces bonnes lettres grecques et la
tines, qui furent toujours l’aliment des grands et sains esprits ; lui offrir en
suite, à mesure que ses instincts se développent et que ses aptitudes se confirment, des études plus appropriées à la di
versité des caractères et des talents ; écouter enfin la voix de l’opinion publi
que, et admettre, sans précipitation comme sans timidité, les améliorations que réclament sans cesse les besoins nouveaux d’u
ne société toujours en marche : voilà tout le secret.
C’est un peu, comme on voit, le secret de la comédie. Rien de plus simple que de connaître le bien : mais il faut le faire; et voilà pourquoi
l’enfer est pavé de bonnes intentions. Comme tout le monde, Sainte-Barbe voit souvent ce qui est utile à ses enfants : mais quelquefois aussi elle le fait.
Qu’on interroge une mère tendre, dévouée, inquiète, en un mot une mère ; qu’on lui demande quel séjour elle rêve pour son fils, quand vient le moment de le sevrer de ses caresses et de ses soins pour l’accoutumer à un régime plus fort et plus viril.
Sera-ce une petite cour étroite, obscure, enfoncée entre quatre murs comme une citerne, ou bien un
vaste jardin , de vertes pelouses, de frais ombra
ges, un beau soleil, un air pur et sain pour l’es
prit autant que pour le corps; enfin, un paradis terrestre en miniature ?
quant à Sainte-Barbe, il paraît qu’elle préfère le paradis.)
C’est en effet un petit Èden, un Eden muni d’un grand château bien con
cheter à Fontenay-aux- Roses pour ses tout pe
tits enlànts. L’inauguration de la maison nou
velle a été l’occasion d’une aimable cérémonie, que l’archevêque de Paris a voulu présider. D’abord une messe , une quête pour les pauvres, une bé
nédiction , trois œuvres saintes ; puis une promenade dans les allées fleuries du jardin, un déjeu
ner, une amnistie, trois bonnes œuvres. Telle est en deux mots l’histoire de cette petite fête.
Est-on curieux d’en voir un échantillon ? C’est dans la cour d’honneur de Sainte-Barbe des Champs que la bénédiction a été donnée. Le pieux prélat, après avoir récité les prières pro domo, est venu se placer sur le perron entre la bannière et la croix; derrière lui se tenait son clergé; à ses côtés, le directeur, le conseil des anciens barbistes, les professeurs et maî
tres de Sainte-Barbe ; devant lui les petits barbistes campagnards, et ceux de leurs camarades qui avaient été députés pour leur faire ta conduite ; à droite et àgauche leurs parents,
leurs mères, leurs sœurs ; et dans le fond, derrière une ligne marquée par quatre solides gendarmes, lafoule envahissante des villageois et des paysans. Le prélat a appelé sur ce sanc
tuaire d’innocence, de science et de travail toutes les grâces du ciel; il a souhaité succès, joie et santé à ces tendres en
On se figure sans peine les applaudissements des héros de la fête à ces douces paroles, et les émotions, les larmes de
leurs mères. Ces dernières ont trouvé dans le directeur un fidèle interprète de leur gratitude pour l’aimable archevê
que. Quant aux jeunes barbistes, jaloux de le remercier en un langage digne d’eux, ils lui ont député un poète latin.
Non content d’avoir écouté avec un complaisant intérêt cette classique harangue, le prélat a tendu la main à l auteur
et lui a dit avec un gracieux sourire qu’il avait cru entendre Virgile ou Horace. Cette fois ce sont les anciens barbis
tes qui ont applaudi; ils voyaient enfin, non sans un grand soulagement de conscience , qu’ils pourraient encore, du
moins à Paris, relire les aventures du pieux Enée, et les faits et gestes des abeilles, sans être damnés ni excommuniés.
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ries : mais si l’on peut faire de la bonne pratique, où est le mal? Ce n’est pas d’aujourd’hui qu’on parle d’éducation : après trois siècles, tout n’est pas à inventer, et l’on peut bien faire sans faire du nouveau. Accoutumer l’enfance à l’ordre et au tra
vail, par une discipline ferme sans rudesse; la nourrir d’abord de préférence , mais non pas exclusivement, de ces bonnes lettres grecques et la
tines, qui furent toujours l’aliment des grands et sains esprits ; lui offrir en
suite, à mesure que ses instincts se développent et que ses aptitudes se confirment, des études plus appropriées à la di
versité des caractères et des talents ; écouter enfin la voix de l’opinion publi
que, et admettre, sans précipitation comme sans timidité, les améliorations que réclament sans cesse les besoins nouveaux d’u
ne société toujours en marche : voilà tout le secret.
C’est un peu, comme on voit, le secret de la comédie. Rien de plus simple que de connaître le bien : mais il faut le faire; et voilà pourquoi
l’enfer est pavé de bonnes intentions. Comme tout le monde, Sainte-Barbe voit souvent ce qui est utile à ses enfants : mais quelquefois aussi elle le fait.
Qu’on interroge une mère tendre, dévouée, inquiète, en un mot une mère ; qu’on lui demande quel séjour elle rêve pour son fils, quand vient le moment de le sevrer de ses caresses et de ses soins pour l’accoutumer à un régime plus fort et plus viril.
Sera-ce une petite cour étroite, obscure, enfoncée entre quatre murs comme une citerne, ou bien un
vaste jardin , de vertes pelouses, de frais ombra
ges, un beau soleil, un air pur et sain pour l’es
prit autant que pour le corps; enfin, un paradis terrestre en miniature ?
Aux mères de répondre :
quant à Sainte-Barbe, il paraît qu’elle préfère le paradis.)
C’est en effet un petit Èden, un Eden muni d’un grand château bien con
fortable, qu’elle vient d’a
cheter à Fontenay-aux- Roses pour ses tout pe
tits enlànts. L’inauguration de la maison nou
velle a été l’occasion d’une aimable cérémonie, que l’archevêque de Paris a voulu présider. D’abord une messe , une quête pour les pauvres, une bé
nédiction , trois œuvres saintes ; puis une promenade dans les allées fleuries du jardin, un déjeu
ner, une amnistie, trois bonnes œuvres. Telle est en deux mots l’histoire de cette petite fête.
Est-on curieux d’en voir un échantillon ? C’est dans la cour d’honneur de Sainte-Barbe des Champs que la bénédiction a été donnée. Le pieux prélat, après avoir récité les prières pro domo, est venu se placer sur le perron entre la bannière et la croix; derrière lui se tenait son clergé; à ses côtés, le directeur, le conseil des anciens barbistes, les professeurs et maî
tres de Sainte-Barbe ; devant lui les petits barbistes campagnards, et ceux de leurs camarades qui avaient été députés pour leur faire ta conduite ; à droite et àgauche leurs parents,
leurs mères, leurs sœurs ; et dans le fond, derrière une ligne marquée par quatre solides gendarmes, lafoule envahissante des villageois et des paysans. Le prélat a appelé sur ce sanc
tuaire d’innocence, de science et de travail toutes les grâces du ciel; il a souhaité succès, joie et santé à ces tendres en
fants, et à ces ?-oses de Fontenay des jours sereins et de fécondes rosées.
On se figure sans peine les applaudissements des héros de la fête à ces douces paroles, et les émotions, les larmes de
leurs mères. Ces dernières ont trouvé dans le directeur un fidèle interprète de leur gratitude pour l’aimable archevê
que. Quant aux jeunes barbistes, jaloux de le remercier en un langage digne d’eux, ils lui ont député un poète latin.
Non content d’avoir écouté avec un complaisant intérêt cette classique harangue, le prélat a tendu la main à l auteur
et lui a dit avec un gracieux sourire qu’il avait cru entendre Virgile ou Horace. Cette fois ce sont les anciens barbis
tes qui ont applaudi; ils voyaient enfin, non sans un grand soulagement de conscience , qu’ils pourraient encore, du
moins à Paris, relire les aventures du pieux Enée, et les faits et gestes des abeilles, sans être damnés ni excommuniés.
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