qu’il en sortit, il fut poursuivi par la foule et cruellement maltraité.
« L’autorité turque n’intervint que pour mettre ce malheureux et son camarade en prison, où ils ont été retenus malgré les réclamations énergiques de notre agent consulaire.
« Une violation aussi manifeste du droit des gens ne devait pas être tolérée. Le 20 juillet, l’escadre d’évolutions faisait route de Toulon sur Tripoli, avec ordre de se faire rendre les deux prisonniers ou de détruire la ville. Le 28, à une heure après midi, elle mouillait devant la place. Aus
sitôt le concert s’établit entre le commandant en chef et le consul général. Le pacha était parti pour l’intérieur de la
régence dès le commencement de l’affaire. Sommation fut faite immédiatement au mudir, commandant la place, de rendre les prisonniers avant le lendemain 29, au lever du soleil, pour tout délai. Le 29, à sept heures du matin, au
cune réponse n’ayant été faite, le consul général amena son pavillon et se retira à bord du vaisseau amiral, suivi de plusieurs familles chrétiennes de diverses nations qui fu
rent recueillies sur les bâtiments de l’escadre. Les navires de commerce mouillés dans le port se halèrent au large, hors de portée.
« L’escadre allait ouvrir le feu immédiatement après une dernière sommation adressée au mudir, lorsqu’à neuf heures du matin le commandant en chef fut informé que les deux déserteurs allaient être rendus. A qua
tre heures, un agent du mudir les amenait à bord de l’a miral.
« Le 30 juillet au matin l’escadre prenait le large.
« Si la régence de Tripoli n’avait pas immédiatement accordé la satisfaction exigée, notre escadre aurait fait pré
valoir par la force les légitimes réclamations de la France. »
C’est le Moniteur qui parle ainsi. Ailleurs, en rendant compte d’une difficulté survenue entre l’Angleterre et les Etats-Unis à l’occasion de la pêche de la morue sur les côtes
des possessions anglaises, difficulté qui cause en ce moment aux Etats-Unis un éclat d opinion très-vif, et dont les lec
teurs de journaux ont pu entendre ici l’écho, le Moniteur du 8 août, après avoir exposé très-clairement la cause du débat et l’état de la question, ajoute : « Il est à remarquer que le gouvernement anglais n’a donné aucun ordre pour
imposer des limites au parcours des bâtiments de pèche français qui se trouvent sur les passages des Etats-Unis. » On reconnaît bien là l’Angleterre !
Dat veniam corvis, vexât censura columbas.
Reste à savoir si la colombe se laissera plumer.
Un autre triomphe du gouvernement que la France s’est donné le 2 décembre, c’est le démenti universel de ce traité des trois grandes puissances du Nord, traité inventé par le Morninq-Chronicle, qui est le seul aujourd’hui à en maintenir l’existence.
Le journal ministériel de Vienne, le Lloyd, dans son numéro du 3 août, après avoir fait ressortir les invraisem
blances de fond et de forme qui caractérisent le prétendu traité du 20 mai, proteste avec énergie contre la pensée « que l’Autriche ait pu s’associer à un acte qu’il serait im
possible de concilier avec la politique droite et honnête du cabinet impérial. L’Autriche, fait-il remarquer, a si souvent déclaré qu’elle était résolue à ne pas s’immiscer dans les affaires intérieures de la France; elle est, d’ailleurs, si loin d’avoir à se plaindre de la politique extérieure du Prince- Président, qu’on ne saurait admettre un seul instant qu’elle se soit laissée aller à conclure un traité secret, sans résul
tat possible, sans garantie d’exécution, en un mot, un vain assemblage de phrases incohérentes, bonnes simplement à exciter la défiance et à provoquer la juste susceptibilité du Prince-Président et de la nation française. Par ces motifs, ajoute le Lloyd en terminant, nous croyons devoir consi
dérer le prétendu traité du Mornincj-Chronicle comme un
document apocryphe, fabriqué à plaisir, et, pour dire toute notre pensée, comme une maladroite et grossière invention. »
Le Morninq-Chronicle répondra-t-il que, le traité étant secret, les auteurs devaient protester contre sa publication en le désavouant? Il eût été bien plus simple de faire en sorte qu’il ne pût être connu, puisqu’il était secret.
U nous suffit, quant à nous, de montrer qu’on nous respecte. En voici un autre exemple. Nous en citerions beaucoup d’autres, si nous le voulions.
M. de Varennes, envoyé de la République française à Berlin, a adressé au ministre des affaires étrangères une récla
mation au sujet d’un article de la Nouvelle Gazette de Prusse, relative au voyage du prince Louis-Napoléon à Bade. La demande de ivi. de Varennes, tendante à ce que des poursuites fussent dirigées contre ce journal, aurait été repoussée; mais la Nouvelle Gazette de Prusse an
rescril ministériel, l’avis de s’abstenir, sous peine d’autres mesures, de publier des attaques haineuses et violentes con
tre des Etats étrangers, et spécialement contre le président de la République française.
Il semble que les actes de mauvais vouloir envers la France portent malheur aux gouvernements.
Le rejet par les états généraux des Pays-Bas de la convention conclue avec la France pour la suppression de la contrefaçon, a eu le premier résultat qu’il pouvait avoir, c’est-à-dire que le ministre signataire de cette convention
et qui en avait demandé, l’adoption se retire. M. Sonsbeeck a donné sa démission. La reprise des négociations suivra de près la nomination d’un nouveau ministre des affaires étrangères.
Il faut pourtant remarquer ici que le rejet de la convenlion n’est pas la faute du ministre qui se retire; mais évi
demment il n’y avait que lui qui pût payer pour les états généraux,
C’est cette question de la contrefaçon qui a fait avorter aussi les conférences ouvertes entre notre ministre des af
faires étrangères et les plénipotentiaires de Belgique pour la prorogation de la convention du 15 décembre 1845. Le terme de cette convention ayant expiré le 10 août, les pro
duits des deux pays se trouvent respectivement placés sous le régime du droit commun.
La preuve que le nouveau gouvernement se fait fort, c’est le projet qu’on lui prête de faire une amnistie générale dont il vient de donner la préface :
Un décret du 10 janvier a expulsé du territoire français un certain nombre (66) d’anciens représentants, et un se
cond décret rendu le même jour a éloigné momentanément dix-huit autres membres de l’Assemblée législative dissoute le 2 décembre. Le Moniteur du 8 a publié deux décrets qui rapportent en partie ceux du 10 janvier, et par lesquels sept des représentants expulsés et huit des expulsés momentanément sont autorisés à rentrer en France.
Par ce dernier décret sont autorisés à rentrer immédiatement en France :
MM. Creton, Duvergier de Hauranne, Chambolle, Thiers, de Rémusat, Jules de Lastevrie, général Leydet, Antony Thouret.
Par l’autre décret l’interdiction de résider en France , prononcée par le décret du 10 janvier 1852, est levée à l’é gard de :
Les fêtes qu’on prépare à Paris pour célébrer la seule solennité nationale conservée après la suppression de tous les anniversaires politiques, promet d’être magnifique, si le ciel la favorise. Elle sera, en tout cas, une des plus coû
teuses dont Paris se souvienne, et Paris ne s’en plaint pas. C’est en vain que la malignité cherche à répandre des inquiétudes sur le mauvais état des récoltes, et laisse entre
de nos enchantements. Ce n’est pas le moment de penser aux charançons et de déplorer la maladie des pommes de terre. Nous espérons bien montrer, dans notre prochain numéro, que le gouvernement et nos édiles parisiens, qui savent à quoi s’en tenir sur ces appréhensions, exagérées sans doute, n’en prennent aucun souci. Donc la disette n’est pas à craindre, et les pommes de terre se portent bien, excepté en Irlande cependant, où leur maladie semble vouloir se communiquer au budget de l’Angleterre.
Nous avons parlé, il y a huit jours, des pétitions qui se signent dans quelques départements pour le rétablissement de l’Empire. Nous trouvons dans YLc/io de l Est, publié à Bar-le-Duc, le texte de deux autres pétitions qui circulent dans le département de la Meuse. L Echo de l Est assure que ces pétitions ont été signées dans 204 communes par 20,000 électeurs.
Voici les derniers considérants de la plus longue des deux pétitions : ,
« La profonde conviction des soussignés est que nos institutions actuelles ne sont pas encore précisément celles qui peuvent affermir la confiance, assurer le repos et la prospérité de la France; qu’en conséquence elles n’expriment pas complètement la pensée qui a déterminé leurs votes des 10 et 20 décembre.
« Leur conviction profonde est qu’elles laissent une voie ouverte aux ambitions et aux intrigues; qu’il est de l’essence des partis de ne se décourager jamais et de comploter sans cesse; qu’il est urgent de mettre hors de question l’avenir du pays.
« Ils n’ont besoin d’en donner pour preuve que cette lettre adressée au président du corps législatif par trois députés, qui, dès le lendemain de la séance d’ouverture, traitaient de violation du droit lus résultats rte l’élection populaire; que ces refus de serment, dus à des opinions extrêmes et provoquées par des influences du dehors, dénotaient des espérances contraires à la volonté nationale.
« D après ces considérations, en vertu de l’art. 45 de la constitution du 14 janvier dernier, qui accorde le droit de pétition auprès du sénat, les soussignés, se basant sur les articles .Ί1 et 32 de ladite constitution,
« Supplient le sénat de prendre l’initiative nécessaire pour permettre à ta nation française de poser ta couronne impériale sur la tète de Louis-Nupoléon. »
C’est à la démission de MM. le général Cavaignac, Carnot et Ilénon que fait allusion la pétition qui précède. Nous ferons observer que l’art. 8 du décret organique pour l’élection des députés au corps législatif décide qu’en cas de va
cance par option, décès, démission, le collège électoral doit être réuni dans le délai de six mois. Ce délai expire le 29 septembre pour MM. Cavaignac, Carnot et Hénon. Il y a aussi à pourvoir au remplacement de M. de Morny pour option.
Le seul document administratif qui ait été remarqué cette semaine, c’est une circulaire de M. le ministre de la police du 28 juillet ( Moniteur du 6 août), pour appeler la vigilance des préfets et leur sévérité sur les publications clan
destines. M. le ministre a ses raisons excellentes, nous le croyons, pour signaler les moyens extraordinaires employés par les adversaires du gouvernement afin de répandre leurs libelles et leurs pamphlets. Peut-être cependant M. le mi
nistre a-t-il forcé la dose du péril pour exciter d’autant le zèle de ceux qui sont chargés de nous en préserver, et, on
cela, il a agi avec l’habileté dont il a déjà donné tant de preuves. Nous voulons croire qu’il suffit de signaler des manœuvres aussi hardies pour qu’elles cessent entièrement.
On a signalé dans le conseil d’Etat lin mouvement qui n’est qu’une nouvelle répartition du personnel dans les seclions, puis quelques nominations de jeunes auditeurs, qui forment la pépinière de ce corps important.
On a remarqué à ce sujet, et à la louange du gouvernement actuel, que ces nominations en masse qu’on appelait autrefois des fournées donnaient toujours lieu à des obser
vations sur l’origine et les causes de la faveur ministérielle.
Aujourd’hui c’est bien différent, et c’est vraiment le mérite seul des élus qui les signale à la préférence du gouvernement qu’ils doivent servir,
Le conseil supérieur de l’instruction publique a continué cette semaine à délibérer sur les rapports de ses commis
saires. Il a arrêté le programme de l’enseignement à divers degrés et dans presque, toutes les facultés. On ne tardera pas à connaître l’ensemble de ce travail.
Ajoutons, pour terminer ce qui se rapporte à nos affaires intérieures, que les dernières nouvelles d’Afrique annoncent la fin de l’insurrection dans la province de Constantin e.
Les nouvelles de Taïti et de la déchéance de la reine Pomaré, auxquelles nous avons refusé de croire, avec le Mo
niteur, malgré l’affirmation des journaux américains, sont ainsi expliquées par le Journal des Débats :
« La reine Pomaré, dit-on, aurait été chassée de Raïatea; or on sait que la reine Pomaré n’a aucun droit sur File de Raïatea. Les îles de Raïatea, de Walime, de Bora-Bora, ont été exclues du protectorat français par les conventions du 17 juin 1847, et après un abandon formel par la reine Po
maré de tous les droits qu’elle pouvait prétendre sur ces îles. Ces trois îles sont régies par des chefs de la famille de la reine Pomaré, mais entièrement indépendantes d’elle.
Pomaré ne règne que sur Taïti, Merea, Teturoa, Maithea et une partie de Pemoton.
« Dans le cas où Pomaré aurait voulu faire une intervention pour soutenir les droits d’un membre de sa famille,
où aurait-elle pris des troupes, puisque l’autorité militaire, à Taïti, est sous les ordres du gouvernement protecteur, et se compose, en outre, de l’infanterie et de l’artillerie de marine, d’une, seule compagnie armée et soldée par la France, et nourrie vraisemblablement par le gouvernement taïtien? Sur quels vaisseaux Pomaré se serait-elle embar
quée avec ses troupes? Raïatea ayant peut-être une popu
lation de quatre ou cinq mille âmes, où trouver ces corps d’armée dont parient les journaux américains? Enfin, dans le cas d’une guerre entreprise contre la reine Pomaré, ce qui paraît tout à fait inadmissible, les Français ne l’auraientils pas ramenée tranquillement dans son royaume de Taïti plutôt que de la transporter à huit cents lieues, dans une des îles Sandwich? Concluons donc que tout ce récit n’est qu’une fable, ou bien qu’un petit chef de Raïatea , nommé Pomaré comme sa cousine, aura été chassé par ses sujets, ce qui ne serait pas impossible. »
■—Le conseil national suisse a terminé, dans sa séance du 5 août, la discussion entamée depuis trois jours sur la péti
tion du comité de Posieux. Il y avait encore 14 orateurs inscrits, mais l’assemblée fatiguée a fermé le débat. Le ré
sultat a été tel qu’on lé prévoyait ; après le rejet par 70 voix contre 29 d’une proposition conciliatrice du député Bontems, les conclusions de la commission, c’est-à-dire l’ordre du jour pur et simple a été prononcé par 79 voix contre 18. On rappelle à ce sujet qu’il y a deux ans, en 1850, une pé
tition analogue, émanant des mêmes personnes, avait été également repoussée par 72 voix contre 17. On voit que les partis sont restés, depuis lors, à peu près dans la même situation au sein de l’assemblée.
Le résultat du vote a été immédiatement transmis au conseil des Etats, qui était en séance, et qui a chargé la com
tion. Or cette commission se compose de quatre radicaux de diverses nuances et d’un seul conservateur. Il n’est donc pas douteux qu’elle proposera au Conseil des Etats d’adopter à son tour la résolution du conseil national. Les conserva
teurs fribourgeois n’ont donc pas à compter sur l’assemblée fédérale. C’est ce qu’on savait par avance.
Dans cette même séance du 5 août, le conseil des Etals a terminé la discussion du projet de décret faisant remise aux cantons de l’ancien Sonderbund du restant de la dette, imposée à la suite des événements de 1847, c’est-à-dire de pi ès de trois millions.
L’article adopté le plus important est celui qui statue que les cantons auxquels cette remise a été faite appliqueront les sommes qui en proviennent au perfectionnement des institutions scolaires, soit à l’extinction du paupérisme, soit à la construction des chemins de fer, routes ou canaux, sous réserve de l’approbation du conseil exécutif fédéral.
—Les préoccupations sont toujours très-vivesen Allemagne à l’égard des conférences relatives au renouvellement ou à la scission du zollverein ; mais, à mesure que le moment des résolutions définitives approche, les craintes d’une rupture semblent s’apaiser ou du moins s’éloigner, et l’on prévoit de nouvelles négociations. C’est un peu dans cette disposi
tion d’esprit qu’on est maintenant à Berlin. Voilà ce qui nous vient de plus intéressant de cette capitale ; ajoutons-y cependant le bruit d’une modification ministérielle, mais d’une modification étrangère à la politique. Le ministre de la justice échangerait, dit-on, son portefeuille contre un siège dans la magistrature.
M. lecomte de Rechberg est parti de Vienne pour Stutlgard, afin de tâcher que le gouvernement ne se sépare pas du parti autrichien quant à la question douanière. Il visitera encore dans ce but d’autres capitales de l’Allemagne.
•— Le ministère autrichien prépare une loi de la plus haute gravité pour l’avenir de la Hongrie: il s’agit de l’a
brogation définitive d’un ancien droit féodal, qui rendait sinon impossible, du moins très-difficile les achats ou ventes de biens territoriaux. D’après ce droit, quand un particu
lier pouvait, au moyen d’anciens documents, légalement prouver qu’un de ses ancêtres directs avait possédé une certaine terre, la loi féodale lui permettait d’intenter un procès au possesseur actuel, el de demander à rentrer en possession, sauf indemnité, comme en cas d’expropriation par l’Etat pour cause d’utilité publique.
Cette législation barbare a existé jusqu’à ce que la Hongrie insurgée fût reconquise par le gouvernement autri
chien. Celui-ci s’est maintenant décidé à mettre un terme à toutes les réclamations qui pourraient encore être faites. Ce délai expiré, de pareilles réclamations, portées devant les tribunaux, n’auront plus aucune efficacité.
« L’autorité turque n’intervint que pour mettre ce malheureux et son camarade en prison, où ils ont été retenus malgré les réclamations énergiques de notre agent consulaire.
« Une violation aussi manifeste du droit des gens ne devait pas être tolérée. Le 20 juillet, l’escadre d’évolutions faisait route de Toulon sur Tripoli, avec ordre de se faire rendre les deux prisonniers ou de détruire la ville. Le 28, à une heure après midi, elle mouillait devant la place. Aus
sitôt le concert s’établit entre le commandant en chef et le consul général. Le pacha était parti pour l’intérieur de la
régence dès le commencement de l’affaire. Sommation fut faite immédiatement au mudir, commandant la place, de rendre les prisonniers avant le lendemain 29, au lever du soleil, pour tout délai. Le 29, à sept heures du matin, au
cune réponse n’ayant été faite, le consul général amena son pavillon et se retira à bord du vaisseau amiral, suivi de plusieurs familles chrétiennes de diverses nations qui fu
rent recueillies sur les bâtiments de l’escadre. Les navires de commerce mouillés dans le port se halèrent au large, hors de portée.
« L’escadre allait ouvrir le feu immédiatement après une dernière sommation adressée au mudir, lorsqu’à neuf heures du matin le commandant en chef fut informé que les deux déserteurs allaient être rendus. A qua
tre heures, un agent du mudir les amenait à bord de l’a miral.
« Le 30 juillet au matin l’escadre prenait le large.
« Si la régence de Tripoli n’avait pas immédiatement accordé la satisfaction exigée, notre escadre aurait fait pré
valoir par la force les légitimes réclamations de la France. »
C’est le Moniteur qui parle ainsi. Ailleurs, en rendant compte d’une difficulté survenue entre l’Angleterre et les Etats-Unis à l’occasion de la pêche de la morue sur les côtes
des possessions anglaises, difficulté qui cause en ce moment aux Etats-Unis un éclat d opinion très-vif, et dont les lec
teurs de journaux ont pu entendre ici l’écho, le Moniteur du 8 août, après avoir exposé très-clairement la cause du débat et l’état de la question, ajoute : « Il est à remarquer que le gouvernement anglais n’a donné aucun ordre pour
imposer des limites au parcours des bâtiments de pèche français qui se trouvent sur les passages des Etats-Unis. » On reconnaît bien là l’Angleterre !
Dat veniam corvis, vexât censura columbas.
Reste à savoir si la colombe se laissera plumer.
Un autre triomphe du gouvernement que la France s’est donné le 2 décembre, c’est le démenti universel de ce traité des trois grandes puissances du Nord, traité inventé par le Morninq-Chronicle, qui est le seul aujourd’hui à en maintenir l’existence.
Le journal ministériel de Vienne, le Lloyd, dans son numéro du 3 août, après avoir fait ressortir les invraisem
blances de fond et de forme qui caractérisent le prétendu traité du 20 mai, proteste avec énergie contre la pensée « que l’Autriche ait pu s’associer à un acte qu’il serait im
possible de concilier avec la politique droite et honnête du cabinet impérial. L’Autriche, fait-il remarquer, a si souvent déclaré qu’elle était résolue à ne pas s’immiscer dans les affaires intérieures de la France; elle est, d’ailleurs, si loin d’avoir à se plaindre de la politique extérieure du Prince- Président, qu’on ne saurait admettre un seul instant qu’elle se soit laissée aller à conclure un traité secret, sans résul
tat possible, sans garantie d’exécution, en un mot, un vain assemblage de phrases incohérentes, bonnes simplement à exciter la défiance et à provoquer la juste susceptibilité du Prince-Président et de la nation française. Par ces motifs, ajoute le Lloyd en terminant, nous croyons devoir consi
dérer le prétendu traité du Mornincj-Chronicle comme un
document apocryphe, fabriqué à plaisir, et, pour dire toute notre pensée, comme une maladroite et grossière invention. »
Le Morninq-Chronicle répondra-t-il que, le traité étant secret, les auteurs devaient protester contre sa publication en le désavouant? Il eût été bien plus simple de faire en sorte qu’il ne pût être connu, puisqu’il était secret.
U nous suffit, quant à nous, de montrer qu’on nous respecte. En voici un autre exemple. Nous en citerions beaucoup d’autres, si nous le voulions.
M. de Varennes, envoyé de la République française à Berlin, a adressé au ministre des affaires étrangères une récla
mation au sujet d’un article de la Nouvelle Gazette de Prusse, relative au voyage du prince Louis-Napoléon à Bade. La demande de ivi. de Varennes, tendante à ce que des poursuites fussent dirigées contre ce journal, aurait été repoussée; mais la Nouvelle Gazette de Prusse an
nonce qu’elle a reçu du président de police, en vertu d’un
rescril ministériel, l’avis de s’abstenir, sous peine d’autres mesures, de publier des attaques haineuses et violentes con
tre des Etats étrangers, et spécialement contre le président de la République française.
Il semble que les actes de mauvais vouloir envers la France portent malheur aux gouvernements.
Le rejet par les états généraux des Pays-Bas de la convention conclue avec la France pour la suppression de la contrefaçon, a eu le premier résultat qu’il pouvait avoir, c’est-à-dire que le ministre signataire de cette convention
et qui en avait demandé, l’adoption se retire. M. Sonsbeeck a donné sa démission. La reprise des négociations suivra de près la nomination d’un nouveau ministre des affaires étrangères.
Il faut pourtant remarquer ici que le rejet de la convenlion n’est pas la faute du ministre qui se retire; mais évi
demment il n’y avait que lui qui pût payer pour les états généraux,
C’est cette question de la contrefaçon qui a fait avorter aussi les conférences ouvertes entre notre ministre des af
faires étrangères et les plénipotentiaires de Belgique pour la prorogation de la convention du 15 décembre 1845. Le terme de cette convention ayant expiré le 10 août, les pro
duits des deux pays se trouvent respectivement placés sous le régime du droit commun.
La preuve que le nouveau gouvernement se fait fort, c’est le projet qu’on lui prête de faire une amnistie générale dont il vient de donner la préface :
Un décret du 10 janvier a expulsé du territoire français un certain nombre (66) d’anciens représentants, et un se
cond décret rendu le même jour a éloigné momentanément dix-huit autres membres de l’Assemblée législative dissoute le 2 décembre. Le Moniteur du 8 a publié deux décrets qui rapportent en partie ceux du 10 janvier, et par lesquels sept des représentants expulsés et huit des expulsés momentanément sont autorisés à rentrer en France.
Par ce dernier décret sont autorisés à rentrer immédiatement en France :
MM. Creton, Duvergier de Hauranne, Chambolle, Thiers, de Rémusat, Jules de Lastevrie, général Leydet, Antony Thouret.
Par l’autre décret l’interdiction de résider en France , prononcée par le décret du 10 janvier 1852, est levée à l’é gard de :
MM. Michel Renaud, Signard, Joly, Théodore Bac, Belin, Besse, Millotle.
Les fêtes qu’on prépare à Paris pour célébrer la seule solennité nationale conservée après la suppression de tous les anniversaires politiques, promet d’être magnifique, si le ciel la favorise. Elle sera, en tout cas, une des plus coû
teuses dont Paris se souvienne, et Paris ne s’en plaint pas. C’est en vain que la malignité cherche à répandre des inquiétudes sur le mauvais état des récoltes, et laisse entre
voir des misères redoutables pour faire ombre au tableau
de nos enchantements. Ce n’est pas le moment de penser aux charançons et de déplorer la maladie des pommes de terre. Nous espérons bien montrer, dans notre prochain numéro, que le gouvernement et nos édiles parisiens, qui savent à quoi s’en tenir sur ces appréhensions, exagérées sans doute, n’en prennent aucun souci. Donc la disette n’est pas à craindre, et les pommes de terre se portent bien, excepté en Irlande cependant, où leur maladie semble vouloir se communiquer au budget de l’Angleterre.
Nous avons parlé, il y a huit jours, des pétitions qui se signent dans quelques départements pour le rétablissement de l’Empire. Nous trouvons dans YLc/io de l Est, publié à Bar-le-Duc, le texte de deux autres pétitions qui circulent dans le département de la Meuse. L Echo de l Est assure que ces pétitions ont été signées dans 204 communes par 20,000 électeurs.
Voici les derniers considérants de la plus longue des deux pétitions : ,
« La profonde conviction des soussignés est que nos institutions actuelles ne sont pas encore précisément celles qui peuvent affermir la confiance, assurer le repos et la prospérité de la France; qu’en conséquence elles n’expriment pas complètement la pensée qui a déterminé leurs votes des 10 et 20 décembre.
« Leur conviction profonde est qu’elles laissent une voie ouverte aux ambitions et aux intrigues; qu’il est de l’essence des partis de ne se décourager jamais et de comploter sans cesse; qu’il est urgent de mettre hors de question l’avenir du pays.
« Ils n’ont besoin d’en donner pour preuve que cette lettre adressée au président du corps législatif par trois députés, qui, dès le lendemain de la séance d’ouverture, traitaient de violation du droit lus résultats rte l’élection populaire; que ces refus de serment, dus à des opinions extrêmes et provoquées par des influences du dehors, dénotaient des espérances contraires à la volonté nationale.
« D après ces considérations, en vertu de l’art. 45 de la constitution du 14 janvier dernier, qui accorde le droit de pétition auprès du sénat, les soussignés, se basant sur les articles .Ί1 et 32 de ladite constitution,
« Supplient le sénat de prendre l’initiative nécessaire pour permettre à ta nation française de poser ta couronne impériale sur la tète de Louis-Nupoléon. »
C’est à la démission de MM. le général Cavaignac, Carnot et Ilénon que fait allusion la pétition qui précède. Nous ferons observer que l’art. 8 du décret organique pour l’élection des députés au corps législatif décide qu’en cas de va
cance par option, décès, démission, le collège électoral doit être réuni dans le délai de six mois. Ce délai expire le 29 septembre pour MM. Cavaignac, Carnot et Hénon. Il y a aussi à pourvoir au remplacement de M. de Morny pour option.
Le seul document administratif qui ait été remarqué cette semaine, c’est une circulaire de M. le ministre de la police du 28 juillet ( Moniteur du 6 août), pour appeler la vigilance des préfets et leur sévérité sur les publications clan
destines. M. le ministre a ses raisons excellentes, nous le croyons, pour signaler les moyens extraordinaires employés par les adversaires du gouvernement afin de répandre leurs libelles et leurs pamphlets. Peut-être cependant M. le mi
nistre a-t-il forcé la dose du péril pour exciter d’autant le zèle de ceux qui sont chargés de nous en préserver, et, on
cela, il a agi avec l’habileté dont il a déjà donné tant de preuves. Nous voulons croire qu’il suffit de signaler des manœuvres aussi hardies pour qu’elles cessent entièrement.
On a signalé dans le conseil d’Etat lin mouvement qui n’est qu’une nouvelle répartition du personnel dans les seclions, puis quelques nominations de jeunes auditeurs, qui forment la pépinière de ce corps important.
On a remarqué à ce sujet, et à la louange du gouvernement actuel, que ces nominations en masse qu’on appelait autrefois des fournées donnaient toujours lieu à des obser
vations sur l’origine et les causes de la faveur ministérielle.
Aujourd’hui c’est bien différent, et c’est vraiment le mérite seul des élus qui les signale à la préférence du gouvernement qu’ils doivent servir,
Le conseil supérieur de l’instruction publique a continué cette semaine à délibérer sur les rapports de ses commis
saires. Il a arrêté le programme de l’enseignement à divers degrés et dans presque, toutes les facultés. On ne tardera pas à connaître l’ensemble de ce travail.
Ajoutons, pour terminer ce qui se rapporte à nos affaires intérieures, que les dernières nouvelles d’Afrique annoncent la fin de l’insurrection dans la province de Constantin e.
Les nouvelles de Taïti et de la déchéance de la reine Pomaré, auxquelles nous avons refusé de croire, avec le Mo
niteur, malgré l’affirmation des journaux américains, sont ainsi expliquées par le Journal des Débats :
« La reine Pomaré, dit-on, aurait été chassée de Raïatea; or on sait que la reine Pomaré n’a aucun droit sur File de Raïatea. Les îles de Raïatea, de Walime, de Bora-Bora, ont été exclues du protectorat français par les conventions du 17 juin 1847, et après un abandon formel par la reine Po
maré de tous les droits qu’elle pouvait prétendre sur ces îles. Ces trois îles sont régies par des chefs de la famille de la reine Pomaré, mais entièrement indépendantes d’elle.
Pomaré ne règne que sur Taïti, Merea, Teturoa, Maithea et une partie de Pemoton.
« Dans le cas où Pomaré aurait voulu faire une intervention pour soutenir les droits d’un membre de sa famille,
où aurait-elle pris des troupes, puisque l’autorité militaire, à Taïti, est sous les ordres du gouvernement protecteur, et se compose, en outre, de l’infanterie et de l’artillerie de marine, d’une, seule compagnie armée et soldée par la France, et nourrie vraisemblablement par le gouvernement taïtien? Sur quels vaisseaux Pomaré se serait-elle embar
quée avec ses troupes? Raïatea ayant peut-être une popu
lation de quatre ou cinq mille âmes, où trouver ces corps d’armée dont parient les journaux américains? Enfin, dans le cas d’une guerre entreprise contre la reine Pomaré, ce qui paraît tout à fait inadmissible, les Français ne l’auraientils pas ramenée tranquillement dans son royaume de Taïti plutôt que de la transporter à huit cents lieues, dans une des îles Sandwich? Concluons donc que tout ce récit n’est qu’une fable, ou bien qu’un petit chef de Raïatea , nommé Pomaré comme sa cousine, aura été chassé par ses sujets, ce qui ne serait pas impossible. »
■—Le conseil national suisse a terminé, dans sa séance du 5 août, la discussion entamée depuis trois jours sur la péti
tion du comité de Posieux. Il y avait encore 14 orateurs inscrits, mais l’assemblée fatiguée a fermé le débat. Le ré
sultat a été tel qu’on lé prévoyait ; après le rejet par 70 voix contre 29 d’une proposition conciliatrice du député Bontems, les conclusions de la commission, c’est-à-dire l’ordre du jour pur et simple a été prononcé par 79 voix contre 18. On rappelle à ce sujet qu’il y a deux ans, en 1850, une pé
tition analogue, émanant des mêmes personnes, avait été également repoussée par 72 voix contre 17. On voit que les partis sont restés, depuis lors, à peu près dans la même situation au sein de l’assemblée.
Le résultat du vote a été immédiatement transmis au conseil des Etats, qui était en séance, et qui a chargé la com
mission des pétitions de lui présenter un préavis sur la ques
tion. Or cette commission se compose de quatre radicaux de diverses nuances et d’un seul conservateur. Il n’est donc pas douteux qu’elle proposera au Conseil des Etats d’adopter à son tour la résolution du conseil national. Les conserva
teurs fribourgeois n’ont donc pas à compter sur l’assemblée fédérale. C’est ce qu’on savait par avance.
Dans cette même séance du 5 août, le conseil des Etals a terminé la discussion du projet de décret faisant remise aux cantons de l’ancien Sonderbund du restant de la dette, imposée à la suite des événements de 1847, c’est-à-dire de pi ès de trois millions.
L’article adopté le plus important est celui qui statue que les cantons auxquels cette remise a été faite appliqueront les sommes qui en proviennent au perfectionnement des institutions scolaires, soit à l’extinction du paupérisme, soit à la construction des chemins de fer, routes ou canaux, sous réserve de l’approbation du conseil exécutif fédéral.
—Les préoccupations sont toujours très-vivesen Allemagne à l’égard des conférences relatives au renouvellement ou à la scission du zollverein ; mais, à mesure que le moment des résolutions définitives approche, les craintes d’une rupture semblent s’apaiser ou du moins s’éloigner, et l’on prévoit de nouvelles négociations. C’est un peu dans cette disposi
tion d’esprit qu’on est maintenant à Berlin. Voilà ce qui nous vient de plus intéressant de cette capitale ; ajoutons-y cependant le bruit d’une modification ministérielle, mais d’une modification étrangère à la politique. Le ministre de la justice échangerait, dit-on, son portefeuille contre un siège dans la magistrature.
M. lecomte de Rechberg est parti de Vienne pour Stutlgard, afin de tâcher que le gouvernement ne se sépare pas du parti autrichien quant à la question douanière. Il visitera encore dans ce but d’autres capitales de l’Allemagne.
•— Le ministère autrichien prépare une loi de la plus haute gravité pour l’avenir de la Hongrie: il s’agit de l’a
brogation définitive d’un ancien droit féodal, qui rendait sinon impossible, du moins très-difficile les achats ou ventes de biens territoriaux. D’après ce droit, quand un particu
lier pouvait, au moyen d’anciens documents, légalement prouver qu’un de ses ancêtres directs avait possédé une certaine terre, la loi féodale lui permettait d’intenter un procès au possesseur actuel, el de demander à rentrer en possession, sauf indemnité, comme en cas d’expropriation par l’Etat pour cause d’utilité publique.
Cette législation barbare a existé jusqu’à ce que la Hongrie insurgée fût reconquise par le gouvernement autri
chien. Celui-ci s’est maintenant décidé à mettre un terme à toutes les réclamations qui pourraient encore être faites. Ce délai expiré, de pareilles réclamations, portées devant les tribunaux, n’auront plus aucune efficacité.