croyances religieuses? ne se rattachent-ils pas l’un et l’autre à ce catholicisme qui est la fibre la plus sensible de la na
tionalité belge? Et lorsque toutes les considérations de haute politique engagent la France, je ne dis pas assez, lui prescrivent l’alliance la plus intime avec la Belgique, elle marchande cette alliance au prix de quelques tarifs ; elle enseigne an monde que son amitié ruine les peuples qui viennent graviter dans son orbite. L’alliance française aura en Belgique une date écrite sur tous les ateliers, sur tous
les champs de travail, et celte date néfaste sera la fermeture de tous ses débouchés !
n Cet état de choses ne saurait durer. La Belgique ne peut se laisser lentement et sûrement périr, étouffée entre deux porles; il faudra qu’elle sorte par l’une ou par l’autre. Elle se jettera dans l’alliance commerciale de la Prusse, qui s’empressera de l accueillir. Il faut être aveuglé sur les ten
dances de notre époque pour ne pas voir que les alliances de l’avenir seront, avec le régime pacifique, des alliances d’intérêt. Les nations se grouperont par attraction commer
ciale ; elles seront attachées alors par le plus fort et le plus puissant de tous les liens. Il faut être bien préoccupé des questions qui se discutent au jour le jour pour ne pas voir que la Prusse consomme sans bruit l’absorption de toute l’Allemagne par l’union douanière. Voici, de son côté, l’Autriche qui commence aussi à comprendre cette grande pensée d’envahissement par le commerce, de conquêtes au sein de la paix , et qui essaye à son tour de constituer une grande fédération commerciale.
«La France attendra-t-elle qu’un jour l’irritation ouïe désespoir ait forcé la Belgique à chercher le salut de ses in
dustries, non plus, comme aujourd’hui, là où ce salut lui est refusé, mais là où il lui est offert? C’est peu connaître l’état des esprits en Belgique que de leur supposer une trop grande patience ou une trop profonde quiétude. Les Belges sont prêts a répondre aux tarifs plus élevés de la France par des tarifs plus élevés. Tout le commerce belge dem ande à son gouvernement des droits différentiels. Que fera la France alors que, pour complaire à quelques maîtres de forges, à quelques fabricants de lin, elle aura, par sa faute, frappé d’un nouvel interdit les soieries de Lyon, les vins de Bordeaux, de la Bourgogne et de la Cham
pagne, sur les marchés de la Belgique? ira-t-elle récla
mer au nom de la force, et reviser des ordonnances de douane à coups de fusil ? Mais depuis quand serait-il ac
cordé à un peuple de se montrer odieux parce qu’il a été négligent, et de réparer ses fautes par la violence ? Assez de guerres ont déplacé de nos jours et rétabli d’anti
ques frontières, pour que l’ambition des conquêtes passe enfin pour une folie plus fatale à celui qui l’éprouve qu’à celui qui la subit. La loi du inonde est aujourd’hui la paix,
et avec elle le commerce qui enrichit les peuples, et les arts qui assurent leurs progrès. Or, le commerce, les arts et la paix, en mêlant les intérêts des nations, les forceront i éloigner d’elles les inspirations ruineuses de la guerre, qui n’est que la raison du plus fort, et un reste de barbarie, qui s’efface chaque jour davantage devant notre mo
derne civilisation. Ainsi naîtra naturellement le système humanitaire que des utopistes vont chercher dans des théo
ries extravagantes ou passionnées. Voyez combien déjà d’entraves les besoins el les exigences de l’industrie opposent aux entreprises de conquêtes; les rapports des na
tions entre elles sont devenus si nombreux, le commerce, qui se lie si intimement aujourd’hui avec la civilisation, avec la politique et l’existence sociale des peuples, a étendu dans tous les pays du inonde des relations si urgentes à cause de leurs mutuels besoins et de leurs mutuels échan
ges, que le bruit seul de l’éventualité d’une guerre met en émoi tous les intérêts alarmés, « Recevez, .Monsieur, etc.
« C.-B. Houry. »
En attendant que la question soit vidée, nous croyons utile d’indiquer les modifications les plus importantes qui résultent de la substitution des droits généraux du tarif aux stipulations du traité du 26 juillet 1846.
Les vins payeront une augmentation de droit de 23 fr. à 24fr. par pièce ou barrique de 220 litres ;
Les soieries, une augmentation de 6 pour 100 sur le droit précédent, soit 10 fr. par 100 kilogr. au lieu de /1 fr;
Les modes et confections, 20 pour 100 au lieu de 10 pour 100 ;


Les rubans, 5 fr. au lieu de 4 fr. par kilogr.;


Les colons , 325 fr. au lieu de 212 fr. par 100 kilogr.; 281 fr. 25 c. payeront 375 fr.;
Les tissus de laine blanc, 220 fr. au lieu de 187 fr. 25 c.;
Les draps payeront, outre les droits établis par la convention de 1847, un droit ad valorem de 9 pour 100;
Les merceries restent sans changement; le droit de 10 pour 100 est conservé ;
Il en est de même des meubles, des livres, qui continueront à payer, par 100 kilogr., savoir : les livres brochés ou en feuilles, 31 fr. 80 c.; les livres reliés ou cartonnés, Zi2fr. 40 c.;
La déduction de 12 pour 100 en faveur du sel marin brut est réduite à 7 pour 100;
L’application de la législation des patentes imposées aux bateliers français exerçant leur profession en Belgique n’est pas modifiée, fl en sera de même à l’égard des bateliers belges en France.
L’assimilation relative aux nationaux des deux pays sur ce point résulte de l’article 13 du traité du 17 novembre 1849, qui reste en vigueur.
Paulin.
M. Gosset, artiste dessinateur pour l indu -trie des bronzes, réclame, au sujet de l’article de notre dernier numéro sur le divanjarUinière du palais de Saint-Cloud, contre l’omission de so i nom comme auteur du dessin d’après lequel ce meuble magnifique a été
exécuté par M. Ladvoeat, avec le concours de MM. Thomire et Sallandrouze.
Courrier de Paris.
Paris possède en ce moment beaucoup d’étrangers et encore plus d’Anglais, c’est line découverte de la presse quotidienne en ses loisirs; mais à quelle époque la capitale fut-elle jamais absolument privée de la présence de nos voi
sins? Je ne sais plus quel écrivain britannique a défini son propre pays : la contrée qui tire plusieurs pieds d’eau; la terre y est à l’ancre et risque de s’en aller à la dérive. L’in
digène n’y vit pas, il y est à bord. Excellente raison pour lui de s’envoler vers tous les continents. Lorsque Humboldt ténia l’ascension du Cimboraço, il y trouva la carte d’un gen tlemen, que le spleen avait déposée là. L’Arabe des Pyramides voit briller au soleil les petits parasols verts des ladies, et il n’y a pas de marchand du Strand qui, pour se dis
traire un peu de son ciel mélancolique, ne soit allé prendre le thé à Calcutta, quitte à y boire 1’ennui en même temps et à une dose inca/euttable. Des Anglais à Paris, voyez la belle nouvelle ! les Suisses eux-mêmes ne s’étonnent plus à si bon marché, et il y a longtemps qu’ils ne disent plus un voyageur, mais un Anglais.
Tout à l’heure nous vous conduirons à des fêtes, mais il me semble que la plus belle fête de la semaine, c’est encore celle qu’on célébrait jeudi à la Sorbonne, la fête de la jeunesse, la bénédiction donnée au travail, aux senti
ments élevés et aux nobles aptitudes. La séance a offert quelques particularités dignes de mémoire. Dans son allo
cution, le ministre de l instruction publique a fait, entre autres panégyriques outrés, celui de l’éducation profession
nelle, tandis que le savant professeur chargé du discours d’usage a prêché la suprématie des lettres.
Signaler la supériorité constante du lycée Charlemagne sur ses rivaux, c’est un lieu commun qui date de dix ans; l’observation suivante que l’on nous transmet est certaine
ment plus neuve : c’est que l’un des premiers prix de la classe de rhétorique a été remporté par le jeune fils de Mme Pauline Bolland, déportée naguère en Algérie, el rap
pelée depuis hier. Une autre de ces couronnes du même ordre et de la même valeur a été décernée au jeune Monod,
fils d’un célèbre pasteur protestant. Une républicaine et un protestant, honorés dans leur race et par elle, que diront le saint homme Veuillot et l’abbé Gaume au l· ’er rongeur ?
Demain l’Académie couronne la vertu sur le front de quelques saintes créatures dont nous retiendrons le nom pour vous le transmettre ; par la même occasion l’Acadé
mie couronnera la poésie dans la personne de M” Collet. La Col mie de Mettra g, tel est le titre de la pièce qui pro
cure à l’auteur cette honorable distinction. Et comme elle possède un fond et en quelque sorte un assortiment de. beaux vers les uns autrefois couronnés par l’Académie et les autres également dignes de l’être, M e Collet vient de les réunir en un pelit volume, ce que Ronsard, je crois,
appelle nouer sa gerbe pour l’offrir au public. Des trois fragments que l’auteur veut bien nous communiquer, laissez-nous transcrire le sonnet, suivant qui nous dispense aisément de tout autre éloge.
A MA FILLE. Tu t élèves et je m’efface,
Tu brilles et je m’obscurcis, Tu fleuris, ma jeunesse passe,
L’amour nous regarde indécis.


Prends pour toi le cbarme et la grâce ; Laisse-moi langueur et soucis ;


Sois heureuse, enfant, prends ma place ; Mes regrets seront adoucis.
Prends tout ce qui fait qu’on nous aime. Ton destin, c’est mon destin même. Vivre en toi, c’est vivre toujours.
Succède à ta mère ravie ; Pour les ajouter à ta vie,
O mon sang, prends mes derniers jours.
Un écrivain qui ne reçoit plus de prix, mais qui en décerne en sa qualité d’académicien, vient d’ajouter un nouveau livre à ses œuvres déjà considérables, et, heureusement pour le public, fort loin encore d’être complètes.
Carmen, Amène GuUlot et autres nouvelles ou contes de la même distinction et du même intérêt, continuent la série de ces compositions ingénieuses dont la touche énergique et le ton vif et hardi ont porté si haut le renom de l’auteur. Il suffit de lire un des écrits, le plus ancien ou le plus nouveau des écrits de M. Mérimée, pour reconnaître aussitôt,
— ex ungue leonem, — ce glorieux vétéran de notre jeune littérature; écrivain spirituel et d’autant plus sobre; nova
teur fidèle à la langue, au style buriné, très-enthousiaste du vrai sous son apparence de sceptique; médiocrement inspiré parfois, mais parfaitement habile ; ennemi de tous les fanatismes, indépendant par calcul, et non, comme tant d’autres, par entraînement d’imagination; aussi dédaigneux du pédantisme de l’ancienne école que des puérilités de la nouvelle; révolutionnaire mitigé par l’esprit du monde, écrivain de fantaisie qui ne sacrifie jamais à la fantaisie, poète de la réalité, grand faiseur de miniatures, et, de nos jours, le peintre le plus énergique de la vérité en raccourci.
A ces rares mérites qui distinguent en effet M. Mérimée, il faut ajouter celui de la bonne conduite littéraire. Toutes les coteries ont revendiqué ses œuvres et mis son nom dans leur enseigne, sans qu’il ait répondu ostensiblement à leurs avances; il semble qu’il ait laissé aller son succès comme ses œuvres ; il n’a pris aucune part à la petite guerre des poétiques et des préfaces ; il n’a irrité aucun amour-propre, de même qu’il n’a pansé les blessures littéraires de per
sonne : les deux camps ont échangé leurs coups au-dessus de sa tête, et, en entrant à l’Académie, mieux qu’aucun au
tre il a pu se dire : « J’emporte en ce tombeau l’estime de tous ceux qui m’ont connu. »
Dans un autre monde, ou plutôt dans tous les mondes, ce qui fait encore plus de bruit, c’est le Cromwell sera-t- il roi t de M. Guizot, el surtout le livre nouveau de M. Proudhon, — deux de ces livres qui marchent peut-être au même but par des routes différentes, mais en vertu des mêmes artifices, puisqu’ils poignardent en ayant l’air de couronner.
Puisque le mois d’août est l’époque des concours, des lauréats et de leurs prix, ΓIllustration est heureuse de pou
voir appeler l’attention de ceux de ses lecteurs voués à l’industrie, sur le programme des prix proposés par la so
ciété industrielle de Mulhouse. Ces prix, au nombre de vingt et plus, dont les fondateurs sont les Kœchlin, les Schlumberger, les Dolfus, les Bourcart, etc., s’appliquent aux industries de la ville de Mulhouse, et même à toutes les industries rivales des siennes. ( Pour plus ample in
formé, voir le programme qui se distribue chez M. Roret, libraire à Paris.)
M. Collot vient de mourir; mais peut-être allez-vous dire : qu’est-ce que M. Collot? Un financier qui fut célèbre sous l’Empire ; et la réponse vaut bien la demande. Compagnon de fortune et de plaisirs des Laffitte, des Uainguerlot et des Ouvrard, M. Collot était le dernier survivant des beaux du
Directoire. J1 laisse, dit-on, des manuscrits dont on eût fait aisément des mémoires curieux il y a trente ans. La Restau
ration honora sa probité en lui confiant la direction de la Monnaie de Paris. Précédemment, M. Collot avait été rece
veur général à Marseille, dont il ne devait pas oublier les pauvres dans son testament. Montpellier, sa ville natale, lui doit son musée, qu’il ne cessa d’enrichir jusqu’à sa mort, car c’était un de ces hommes d’élite qui unissent à une capacité supérieure dans les affaires le goût élevé des beaux-arts.
Cette semaine aura vu deux résurrections fort goûtées d’une part, et médiocrement accueillies ailleurs, je veux parler des mâts de cocagne et des représentations gratis. S’il faut en croire les susceptibles, le mât de cocagne, cet emblème dérisoire de l’ambition humaine, constitue un spectacle indigne de la majesté actuelle de notre peuple souverain et qu’on aurait dû lui épargner. Quant au gratis des théâtres, qui traduit trop librement le circenses des an
ciens, les susdits exagérés croient voir dans cet appât jeté au populaire le retour plus ou moins direct à ces distribu
tions publiques de comestibles dont l’opinion s’indigna si fort sous la Restauration et qui furent supprimées par la révolution de Juillet.
Le fait est qu’à ces représentations de samedi, la population s’est montrée digne de cette nouvelle largesse qui lui est faite, et, sauf le désordre inévitable à la porte, tout s’est convenablement passé. Partout d’ailleurs le spectacle était approprié aux sentiments de l’auditoire : aux Français, Cinna, ou la Clémence d Auguste; à l’Opéra-Comique, Bonsoir, monsieur Pantalon, et sur la ligne des boulevards la touchante épopée du Fils de F Empereur.
Cependant le théâtre du Vaudeville régalait son public payant d’une pièce de circonstance : le Bal de la Halle, de la composition de ce M. Clairville qui, au lendemain de Fé
vrier 1848, célébrait si bien ou si mal les Trois révolutions, et le peuple reconquérant son droit... de faire sauter le pouvoir. Autre temps, autre chanson. Puisque vous voulez absolument le savoir, il s’agit d’une marchande d’oranges
qui, au moment de consacrer ses économies à l’acquisition d’une toilette de duchesse pour aller au bal des Innocents,
fait don de la somme à Pierre le commissionnaire qui s’est laissé voler cinq cents francs. Mais un billet se retrouve et une bonne action n’est jamais perdue. MUe Marie ou la mar
chande d’oranges ira donc au bal, et elle sera la femme de Pierre ; c’est bien fait, je ne parle pas de la pièce. Au parterre, la Dame de la Halle avait placé ses amis qui l’ont applaudie.
A la Gaieté, la Chambre rouge est un bel et bon drame, parfaitement intrigué et encore mieux conduit, bien écrit et joué à merveille par l’état-major de l’endroit. L’auteur, AL Théodore Anne, est un aimable et digne vétéran du feuilleton qui ne cherchait probablement qu’un succès littéraire, et qui aura procuré à M. Ilostein un succès d’argent.
Au Gymnase nous retrouvons M. Clairville en compagnie de M. Dumanoir, pour la confection des avocats. Voici d’a­
bord Grandier, l’avocat honnête homme, le conciliateur
universel, l’honneur du barreau, qui exerce sa profession comme une magistrature, et gagne les causes sans les plai
der, tant sa probité lui assure l’oreille du juge. A cette vertu en robe noire, la comédie n’a rien à voir. Maître Brizard, deuxième variété de l’espèce, vous représente l’avocat dif
famateur , ce qu’on appelle vulgairement une langue de vipère. Dans toute cause, ce qu’il cherche, c’est le côté scandaleux, et quand la cause ne lui fournit pas le scandale,
il l’y met. La méchanceté, voilà l’esprit de maître Brizard ; sa parole mord, il possède l’art perfide de déchirer avec un mot, et de tuer au moyen d’une réticence. C’est le bourreau de l’honneur de ses adversaires, un licencié en calomnie,
qui s’embusque dans ses plaidoyers comme dans un bois pour commettre en toute sécurité son petit assassinat mo
ral. Les Brizard ne sont pas plus communs au palais que les Grandier, mais le type est vrai, et il existe si bien qu’il ne serait pas difficile de lui rendre ici son vrai nom. Ce n’est pas encore à cette figure-là que peut s’en prendre la comédie.
Maître Coquardeau, à la bonne heure! Celui-là est le commencement d’un personnage comique. C’est l’orateur en goguette, l’avocat des causes grasses, qui ne voit guère dans le Code qu’un prétexte, à gaudrioles. M. Paul de Kock porterait envie à ses calembours. C’est un drôle d’avocat ; mais, de tous ces avocats, le plus drôle, c’est encore maître Blézinet. Celui-ci est l’étudiant de dixième année, qui n’a pas fait son stage, mais qui l’a flâné. La chaumière fut sa nourrice; la correctionnelle, voilà ses grandes assises. C’est lui qui s’essaye dans la Gazette des Tribunaux à ces Ms